-
Par Dans mes malles le 15 Décembre 2015 à 17:40
Visite de la cathédrale St Michel
Sommaire
Cathédrale ou collégiale ?
Gudule et Michel
Les églises successives
Aspects extérieurs du bâtiment actuel
La façade et les deux tours
Les autres parties de l’église
Quelques dimensions
Les architectes
Architecture de l’intérieur de l’église
Le chœur
Le transept
Les nefs latérales ou collatéraux
La nef centrale
La chapelle du Saint-Sacrement
La chapelle Notre-Dame
Le mobilier et les vitraux
Les vitraux de la Chapelle du Saint-Sacrement
Le mobilier du chœur
Le mobilier du déambulatoire
Le mobilier de la Chapelle Maes
Le mobilier du bras droit du transept
Le mobilier de la Chapelle Notre-Dame-de-la-Délivrance
Le mobilier du bras gauche du transept
Le mobilier de la nef principale
Le mobilier des collatéraux ou nefs latérales
Bibliographie
* * *
Cathédrale ou collégiale ?
La collégiale des Saints-Michel-et-Gudule a été élevée au rang de cathédrale sous l’unique vocable de Saint Michel en date du 24 novembre 1961. Faut-il rappeler qu’une église collégiale est en rapport avec un collège, un chapitre de chanoines tandis qu’une cathédrale est l’église épiscopale d’un diocèse.
La cathédrale Saint Michel est la première, la plus importante et la plus imposante des églises de Bruxelles. Au point de vue architectural, elle présente une synthèse des différents styles qui se sont succédé, depuis la période romano-ogivale du début du 13ème siècle jusqu’à l’ultime floraison de l’art ogival au 16ème siècle.
Gudule et Michel
GUDULE, fille du comte Witger, naquit au château de Ham, près d’Alost, vers l’an 650. Sa prime enfance se passa dans un couvent de Nivelles. Ce fut celle d’une fillette délicate et disciplinée, « chaste de corps, chaste d’esprit, affable envers tous, remarquable par sa patience et son humilité, forte dans sa foi ». Revenue au château de ses parents, Gudule prit l’habitude d’aller chaque nuit, au chant du coq, prier dans la chapelle de Moorsel. Or, une nuit – et c’est ce que représente la statue du porche – le diable souffla la flamme de la lanterne que portait la jeune fille et celle-ci, entourée des ténèbres ne put poursuivre sa route. Dans sa détresse, elle implora le secours du Ciel et aussitôt un feu mystérieux rendit l’éclat à son luminaire. Devenue, plus tard, la providence des pauvres et des malades, la châtelaine vit, lentement, s’élever autour d’elle, une réputation de sainteté. Elle-même, partagée entre les mortifications et la charité, vécut dans la pauvreté volontaire.
Elle mourut à Ham le 8 janvier 712. La ferveur populaire prétend que de nombreux miracles se seraient produits sur sa tombe. Le 6 juillet 976, le corps de sainte Gudule fut transporté dans la chapelle Saint-Géry, à Bruxelles. Dès ce moment, la population bruxelloise adopta la sainte comme patronne de la ville.
Un grand émoi s’empara des habitants du quartier Saint-Géry, lorsque, en 1047, les restes de Gudule furent transportés de Saint-Géry à la nouvelle collégiale instituée par le comte Lambert Baldéric.
Quant à MICHEL, on ne sait pourquoi il fut choisi comme patron de Bruxelles, mais il fut toujours très vénéré dans nos provinces comme symbolisant le triomphe de la foi sur le paganisme. Selon des origines légendaires, Bruxelles semble avoir toujours été un lieu sacré. Les Celtes y rendaient hommage à 7 dieux. Dans un temple situé sur la colline – à l'emplacement actuel de la cathédrale Saint-Michel – les Gaulois auraient adoré le dieu LUG, protecteur des routes et des voyageurs, dieu des messagers, des coursiers. A l’époque romaine, ce culte au dieu LUG fut remplacé par le culte de MERCURE puis, sous l'influence du christianisme, par la vénération de saint Michel. Cette évolution se vérifie aussi au Mont-Saint-Michel en Normandie.
Les églises successives
En l’an 1047, le comte de Louvain Lambert Baldéric fit édifier une église sur le Mont Saint-Michel – colline appelée plus tard Treurenberg – probablement à l’emplacement de la chapelle du même nom, dédiée à saint Michel.
Il y fit donc transporter les reliques de sainte Gudule qui, jusque-là, avaient été conservées dans la petite église castrale de Saint-Géry, et il y institua un chapitre de chanoines.
De cette église primitive de 1047 – qui fut la première église des Saints-Michel-et-Gudule – il ne reste apparemment rien car un incendie la détruisit en 1072. Une autre église la remplaça aux environs de 1200.
En 1937, lors de fouilles exécutées pendant des travaux de sondage pour la jonction ferroviaire Nord-Midi, des vestiges d’un avant-corps de type rhéno-mosan, flanqué de tourelles, ont été mis à jour sous le pavement de la collégiale. Les maçonneries ont été conservées sous trois trappes s’ouvrant dans la nef centrale.
C’est sous le règne de Henri 1er, duc de Brabant (1190 - 1235) que débutèrent les travaux de reconstruction sur un plan plus vaste. Les premiers travaux de reconstruction étaient déjà commencés en 1226 mais il fallut trois siècles pour réaliser l’œuvre entreprise, ce qui explique la présence de différents styles dans un seul et même édifice.
Peu après 1220 ont commencé les travaux de l’abside, du déambulatoire et de ses chapelles, ainsi que des deux travées arrière, du chœur jusqu’au triforium. Ensuite ce sont les parties hautes qui ont été édifiées, puis la première travée sur toute sa hauteur ainsi que le mur est du transept. Vers la moitié du 13ème siècle il semble bien que le chœur dans son ensemble était terminé. A la fin du 13ème siècle, le croisillon sud du transept devait être achevé. Le collatéral sud avec ses chapelles fut construit tout au début du 14ème siècle. Aussitôt après, le collatéral nord fut édifié avec ses chapelles ainsi que le croisillon du transept. Il aura fallu attendre le dernier quart du 14ème siècle pour voir la démolition graduelle de l’avant-corps roman et la construction de la colonne qui se trouve à l’emplacement de l’avant corps roman. Elle ne sera achevée qu’en 1372, en même temps que le narthex occidental. La façade de la collégiale date du début du 15ème siècle. La tour sud fut achevée en 1451 et la tour nord en 1480.
En 1804 et en 1820, l’église subit déjà quelques réparations mais les premiers travaux de restauration générale, effectués par Suys, débutèrent en 1839 et s’achevèrent de 1848 à 1856.
Le perron a été construit en 1861. Le portail nord du transept date de la fin du 19ème siècle. La sacristie et les constructions reconstituées du chevet ont été achevées en 1909.
C’est en 1947 que la paroisse de Sainte-Gudule célébra son millième anniversaire.
Aspects extérieurs du bâtiment actuel
La façade et les deux tours
La façade et les tours datent donc de la fin du 15ème siècle et sont d’un très beau style ogival rayonnant et flamboyant.
Reliées par un pignon décoré d’arcatures et de niches, les angles extérieurs des deux tours sont flanqués de puissants contreforts. Elles se terminent par une plate-forme entourée de créneaux et sont restées inachevées, comme beaucoup de tours de l’époque.
La façade principale est précédée d’un escalier monumental construit en 1703 tout autour du cimetière de l’église. Délabré, cet escalier fut démoli cent ans plus tard pour être remplacé, en 1860, par l’escalier actuel ainsi qu’une balustrade, exécutés d’après les plans de l’architecte Coppens.
Les autres parties de l’église
Les arcades de la grande nef, une partie du chœur, le transept et le bas-côté sud, de style ogival primitif, ont été terminés en 1273.
Une nouvelle restauration fut entreprise de 1957 à 1972. Elle eut pour but de restaurer les tours et la partie centrale de la façade. La pierre bourguignonne de Vaurion-Messangis a été choisie pour sa nature et son coloris car elle s’apparente à celle de Ballegem qui semble avoir été utilisée à l’origine.
Quelques dimensions
Les tours carrées ont une hauteur de 69 mètres tandis que le centre de la façade s’élève à 65 mètres.
L’intérieur mesure 110 mètres de long sur 40 mètres de large.
La hauteur des voûtes est de 30 mètres dans la chapelle du Saint-Sacrement et de 50 mètres dans la haute nef.
Les architectes
Les noms des premiers architectes qui édifièrent le chœur au 13ème siècle ne nous sont pas connus. Au 15ème siècle, des noms apparaissent. Ils appartiennent à la brillante école des tailleurs de pierre et des imagiers qui illustrèrent la région brabançonne et la ville de Bruxelles à l’époque bourguignonne.
Ce sont :
· Gilles Van den Bossche, dit Joes, mort en 1460 ;
· Henri de Mol, dit Cooman, mort en 1470 ;
· Jean Van Ruysbroeck, dit Van den Berghe, célèbre architecte de la tour de l’Hôtel de Ville de Bruxelles et du chœur de l’église d’Anderlecht, mort en 1485, qui a probablement collaboré à l’érection des tours de la cathédrale ;
· Jean Van der Eycken, qui travailla aux tours et au collatéral gauche en 1491 et les années suivantes.
Tous ont été qualifiés de « maîtres de la maçonnerie de Sainte-Gudule ».
· Au 16ème siècle, apparaît le nom de l’architecte de la chapelle du Saint-Sacrement : Pierre Van Wyenhove.
· Enfin, Maître Jacques de Sainte-Gudule, dit Van Thienen, travailla très probablement à l’achèvement du collatéral droit vers 1400.
Passons à présent à la visite intérieure.
Architecture de l’intérieur de l’église
Pénétrons dans la cathédrale et rendons-nous immédiatement vers le carré central du transept car, avant de procéder à un examen détaillé des richesses de la cathédrale, il est intéressant de se placer à l’intersection du chœur et de la nef d’où nous pouvons recueillir, dans tout son rayonnement, l’impression de grandeur de l’édifice due aux robustes piliers ornés des statues des apôtres et le triforium. A gauche, les colonnes du collatéral se perdent comme une allée d’arbres centenaires vers le mystère éclatant d’une verrière bleue.
La vue intérieure donne une impression de noblesse et de grandeur. Les matériaux restés apparents renforcent le caractère sévère mais imposant de l’édifice dont nous pouvons distinguer immédiatement les deux grandes parties qui le composent : d’une part, en style gothique primaire, le chœur et le déambulatoire ; d’autre part, les nefs appartenant aux périodes rayonnante et flamboyante.
Un premier coup d’œil autour de nous met en lumière l’esprit qui domine les différentes époques de la cathédrale :
1°) œuvre du 13ème siècle, le chœur et le mur oriental du transept ont encore la lourdeur imposante et la sévérité de la période de transition romano-ogivale et du gothique primaire ;
2°) la partie basse de la nef et le collatéral sud, avec leurs gros piliers ronds et leurs arcades plus élancées marquent une nouvelle étape : celle du gothique rayonnant du 14ème siècle ;
3°) la partie supérieure de la nef et le collatéral nord, en style gothique flamboyant, datent du 15ème siècle et montrent plus d’élancement, avec des faisceaux de colonnettes ;
4°) à gauche du chœur, la chapelle du Saint-Sacrement est un exemple d’épanouissement du style flamboyant, avec une voûte en réseau datant du 16ème siècle ;
5°) à droite du chœur, la chapelle de Notre-Dame, dernier soupir du gothique, est surmontée d’une voûte de la Renaissance du 17ème siècle ;
6°) par delà le maître-autel, les lignes gracieuses de la chapelle de la Madeleine sont la preuve que la Renaissance a chassé les derniers souvenirs du gothique au 17ème siècle.
Le chœur
Édifié dans la seconde moitié du 13ème siècle, le chœur fut restauré et remis dans son état primitif en 1882-83.
Il se compose de deux parties :
§ l’une, de style romano-ogival, bâtie de 1225 à 1250, et qui comprend le chevet du chœur ;
§ l’autre, de style ogival primaire, bâtie à partir de 1273, et qui comprend le chœur proprement dit.
1. La partie romano-ogivale du chevet du chœur
Pour apercevoir la partie la plus ancienne du chevet du chœur, il faut nous engager dans le déambulatoire qui en fait le pourtour. C’est la partie basse de l’édifice qui date de la première moitié du 13ème siècle.
Nous pouvons y découvrir quatre fenêtres romano-ogivales, deux de chaque côté de la chapelle Maes. Elles se composent d’arcs brisés géminés. L’arc brisé s’étant substitué à l’arc roman, le chœur fut achevé dans le style ogival pur à partir de 1273. Ensuite, jusque vers 1300, furent édifiées la première travée du chœur et du déambulatoire ainsi que la partie orientale du transept.
La construction de la voûte en arc aigu du chœur rendit nécessaires les contreforts et les arcs-boutants. Ces contreforts sont à étages, disposés en retrait. Ils sont surmontés d’un petit pinacle évidé soutenu par quatre colonnettes. En dessous de ce pinacle surgit la gargouille, déjà allongée de forme, comme on la trouve dans le style ogival.
Les arcs-boutants sont placés entre le contrefort et les parois du chœur. Ils résistent à la poussée de la voûte. Ils sont doubles et superposés. Il s’agit d’une disposition assez exceptionnelle dans le style ogival primaire tel que nous le connaissons en Belgique.
Achevé vers 1280, l’aspect du chœur est grandiose. Tel que nous pouvons à nouveau l’apercevoir depuis la dernière rénovation qui s’est terminée en l’an 2000, il appartient tout entier au style ogival primaire.
2. Le chœur en style ogival primaire
Le chœur s’élève au-dessus du chevet qui l’encercle.
Un faisceau de colonnes élevées et puissantes se dresse aux angles. A l’intérieur du chœur, trois travées sont délimitées par de lourdes colonnes cylindriques. A l’abside, quatre colonnes de même style ont été placées en demi-cercle. Les chapiteaux de ces lourdes colonnes cylindriques sont ornés sobrement. Sur ces lourds piliers s’appuient des arcs puissamment tracés. Ceux de l’abside sont surhaussés.
Au-dessus des arcs des travées règne un triforium massif et, plus haut encore, une abondante lumière se déverse par de larges fenêtres ogivales primaires.
Ce triforium se compose d’une série d’arcs, trois par travée au niveau du chœur, deux au niveau de l’abside. La galerie est lourde car elle remplit une mission constructive et non décorative. Ses arcs principaux retombent sur des colonnes cylindriques massives, isolées ou engagées dans la paroi, en tout semblables, comme forme, aux piles maîtresses qui soutiennent l’édifice. Dans l’espace décrit par chaque arc sont inscrits deux arcs brisés aigus, retombant d’un côté sur les colonnes qui reçoivent les arcs principaux, de l’autre sur une colonne centrale polygonale. Dans le tympan on peut observer un oculus, et dans le plat du mur, une rosace en forme de trèfle à quatre-feuilles.
Le chœur est éclairé par des fenêtres lancéolées ou à arc brisé aigu. Le toit du chœur est couronné d’une élégante balustrade.
Le transept
Le transept fut construit à différentes époques. Le mur formant équerre avec le chœur est contemporain de ce dernier (seconde moitié du 13ème siècle). Le mur opposé date du 14ème siècle. La grande verrière et l’achèvement supérieur datent du 15ème siècle.
Du seuil du déambulatoire, nous pouvons embrasser du regard
· le collatéral droit qui se profile devant nous en ligne droite ;
· la grande nef ;
· le collatéral gauche, à travers les entrecolonnements.
Dans le bras droit du transept, il convient de remarquer le portail d’entrée primitif, datant de la fin du 13ème siècle, plein d’intérêt car il est un exemple de portail gothique primaire très rare dans le pays. Le porche est moderne : il fut édifié par les soins de la ville de Bruxelles d’après les plans de l’architecte De Curte, de 1881 à 1886.
Vue de l’extérieur, prise dans l’épaisseur du mur, la porte est délimitée par quatre colonnes d’angle, dont le chapiteau est orné de feuillage et dont le fût repose sur un socle circulaire. Les parois, comprises entre les colonnes d’angle, sont décorées d’une arcature trilobée avec écoinçons, dans lesquels le sculpteur a semé, d’un côté, une série de feuilles de trèfle, de l’autre, des roses. Dans l’angle nous pouvons observer un corbeau sur lequel retombe l’arc. La voûte qui recouvre l’entrée, a des nervures qui affectent la forme prismatique, ce qui prouve que cette partie doit avoir été refaite, très probablement à l’époque de la construction du grand porche. L’arcature des parois est tronquée, ce qui permet de supposer que cette entrée faisait jadis saillie sur le mur extérieur et que là encore, un remaniement est intervenu. En 1975 des vestiges de peintures qui dateraient du 14ème et du 15ème siècles y ont été découverts.
Du côté intérieur, le porche primitif n’est pas moins intéressant : deux arcs brisés le recouvrent, s’appuyant d’un côté sur des colonnettes d’angle, de l’autre sur un montant ou trumeau central, qui a disparu à une époque où l’on introduisit l’usage de se servir d’un dais dans les processions pour abriter le Saint-Sacrement.
Les chapiteaux sont ornés d’un léger feuillage, et dans les écoinçons s’étalent des feuilles et des fleurs.
Les nefs latérales ou collatéraux
Les nefs latérales sont subdivisées par des colonnes et forment autant de chapelles qu’il y a de fenêtres.
Le collatéral droit ou sud
Le collatéral droit date du 15ème siècle. Il appartient tout entier au style ogival secondaire ou rayonnant avec, toutefois, des formes flamboyantes dans la fenestration de certaines baies. Il compte sept fenêtres surmontées chacune d’un gâble triangulaire à tympan trilobé et flanqué de deux pinacles. Il est bordé de sept chapelles, séparées l’une de l’autre par un mur qui est en réalité le contrefort.
Les nervures de la voûte retombent d’un côté sur les chapiteaux des colonnes de la nef centrale, de l’autre sur un faisceau de trois solides colonnes engagées, flanquant l’angle de chacune des chapelles.
Le mur en dessous du glacis des fenêtres est décoré d’une arcature trilobée. Les sculptures de l’arcature qui orne la paroi du mur séparatif des chapelles, rappellent encore le type de style gothique primaire. Vers le fond de l’église, l’arcature est différente. Elle appartient au 15ème siècle et retombe sur des colonnettes engagées.
Le collatéral gauche ou septentrional
Bâti dans la seconde moitié du 15ème siècle, en même temps que la partie élevée de la nef centrale, il est tout entier de style gothique tertiaire ou flamboyant. Il se compose d’une série de chapelles. Comme dimensions et dispositions, il correspond au collatéral droit mais des différences architecturales peuvent y être observées. Elles s’expliquent par l’évolution même du style ogival. Les arêtes de la voûte retombent, du côté des chapelles, non plus sur des colonnes cylindriques engagées comme c’était le cas au collatéral droit, mais sur un faisceau de colonnettes dont les moulures sont prismatiques, indice d’un style ogival plus évolué.
Les colonnettes ont gardé leurs chapiteaux, sauf à la travée, voisine de la tour, où il y en a plus, stade ultime de l’évolution du support gothique.
Le collatéral gauche est percé d’une série de sept fenêtres, surmontées chacune d’un gâble triangulaire flanqué de pinacles fleuris.
En empruntant le collatéral gauche pour se rendre à la chapelle du Saint-Sacrement, nous pouvons apprécier le jeu des colonnes, toujours très pittoresque dans les églises gothiques, la vue des belles verrières ainsi que les colonnes engagées dans l’angle du mur séparatif des chapelles du collatéral droit, si profondément différentes des colonnettes des angles correspondants du collatéral gauche.
Arrivés dans le bras gauche du transept, avant de franchir le seuil de la chapelle du Saint-Sacrement, dans le mur qui fait face à la chapelle, nous pouvons observer la présence d’une fenêtre gothique qui éclaire un petit réduit qui servit jadis de prison ecclésiastique. Par cette fenêtre, le prisonnier pouvait suivre les offices.
La chambre du rez-de-chaussée sert actuellement de baptistère.
La nef centrale
Vu du fond de l’église ou à travers l’entrecolonnement, le bel ordonnancement de la nef centrale est majestueux.
Les piliers de la nef principale portent les statues des douze apôtres, en style baroque :
§ depuis la première colonne du collatéral gauche : saint Pierre, saint André, saint Jean, saint Jacques le Mineur, saint Barthélemy et saint Simon.
§ en remontant le collatéral droit : saint Mathia (ou saint Thadée ?), saint Mathieu, saint Philippe, saint Thomas, saint Jacques le Majeur et saint Paul.
Un siècle et demi furent nécessaires pour achever les travaux : la partie intérieure, avec ses colonnes et ses arcades jusqu’aux fenêtres, date du 14ème siècle pour le côté sud ; la seconde colonne, à partir de la façade, ainsi que les arcades qu’elle supporte furent construites au 15ème siècle avec les fenêtres supérieures visibles de l’extérieur, en même temps que tout le côté nord.
Les moulures du socle sont les mêmes que celles des colonnes nord et d’un profil différent de celui des autres colonnes sud.
Les fenêtres, fort élevées, sont de type gothique flamboyant. La voûte et l’ornementation ne furent achevées qu’au début du 16ème siècle, sous le règne de Charles Quint. Le dessin de la balustrade, en forme de K gothique, le prouve : initiale de Karolus, cette lettre fait allusion au nom de Charles Quint.
Les chapiteaux sont ornés de bouquets, reliés par un cordon en losange, disposition ornementale exceptionnelle.
Les grandes arcades en tiers point qui relient les colonnes, ont un écartement moins grand que dans le chœur.
Le triforium est complètement différent. L’embrasure de la fenêtre se prolonge jusqu’au bas du triforium. Les montants de celui-ci ne sont que le prolongement des meneaux de la fenêtre, de sorte que fenêtre et triforium ne forment qu’un ensemble.
La fenêtre haute est divisée en trois parties principales. Chacune de celles-ci est à son tour subdivisée. Dans le tympan, le caractère flamboyant d’une grande rosace est peu accentué.
A l’intersection du chœur et du transept s’élève la flèche chapitrale. Le jeu des arcs-boutants à double batterie, c’est-à-dire à deux rangs est intéressant à observer. Notons que le double arc-boutant est plutôt rare en Brabant.
La chapelle du Saint-Sacrement
Au Nord, à gauche du chœur, la chapelle du Saint-Sacrement a été élevée de 1534 à 1539 par l’architecte Pierre Van Wyenhoven. Pour abriter les restes des saintes hosties dérobées et lacérées dans des circonstances qu’il nous faut évoquer car l’événement frappa à ce point les imaginations que nous en retrouvons l’écho persistant dans l’histoire religieuse de Bruxelles et son art.
En l’an 1369, dit la chronique, le Juif Jonathas, habitant Enghien, gagna plusieurs de ses coreligionnaires à son projet d’outrager l’hostie, par haine des chrétiens. Un Israélite nouvellement converti, Jean de Louvain, séduit par l’appât d’une somme de 60 moutons d’or que lui promit Jonathas, pénétra dans la chapelle Sainte-Catherine (devenue l’église de même nom), fractura le tabernacle et y vola un ciboire contenant quinze petites hosties consacrées et une grande. Il porta le produit de son vol à Enghien où il reçut le prix convenu.
Deux semaines plus tard, Jonathas fut égorgé dans son jardin par des inconnus. Sa veuve, voyant dans sa fin un signe du Ciel, remit le ciboire et son contenu à des Juifs de Bruxelles qui le portèrent à la synagogue qu’ils possédaient au coin de la rue des Douze-Apôtres. Le Vendredi saint 1370, quelques Israélites réunis dans leur temple, répandirent les hosties sur une table et les tailladèrent à coups de couteau. Mais aussitôt, dit la légende, le sang jaillit ! Ce prodige terrifia les sacrilèges et, pris de panique, ils ne pensèrent plus qu’à une chose : se débarrasser des hosties. Ces dernières furent confiées à une Juive nouvellement convertie au catholicisme et appelée Catherine. Pour la somme de vingt moutons d’or, elle accepta de porter les hosties chez les Juifs de Cologne. A peine rentrée chez elle cependant, les remords la tenaillèrent et elle alla tout raconter au curé de Notre-Dame-de-la-Chapelle. L’ecclésiastique, nommé Van den Eede, fit un rapport et le Duc Wenceslas fit arrêter tous les Juifs. Leur procès dura six semaines. Soumis à la torture, ils avouèrent tous leur crime. Ils furent condamnés à être promenés par la ville sur une charrette, à être tenaillés à plusieurs carrefours et notamment sur le Grand Marché et devant l’église Sainte-Catherine, finalement à être brûlés vifs. La sentence fut exécutée le 22 mai 1370, veille de l’Ascension.
Cinq des hosties avaient été détruites lors de la profanation. Ce qui restait fut déposé dans le tabernacle de l’église de la Chapelle. Mais après le procès, deux hosties seulement demeurèrent là. Les neuf autres furent portées à la collégiale des Saint-Michel et Gudule. Les premières se perdirent on ne sait comment. Les autres furent sauvées pendant les troubles calvinistes par des particuliers qui les cachèrent chez eux.
Notons cependant le caractère légendaire de cet événement : les Juifs étaient les bailleurs de fonds des « grands » qui, pour éponger leurs dettes, s’arrangeaient parfois pour se débarrasser de leurs débiteurs !
L’érection de cette chapelle a brisé l’harmonie primitive de cette partie de l’église car elle a fait disparaître quatre petites chapelles qui se trouvaient autrefois à cet endroit. Nous sommes à présent transportés en plein 16ème siècle.
La chapelle a la forme d’un grand vaisseau rectangulaire, séparé du chœur par quatre arcades. La voûte en réseau, dite aussi voûte à compartiments prismatiques, est surbaissée. Elle est remarquable par la hardiesse de son exécution.
Au lieu de diviser la travée en une simple croix d’ogives, avec au centre, la clef de voûte, les nervures se ramifient et s’entrecoupent en tous sens, de manière à former une série de petits compartiments losangés, dont les points d’intersection sont ornés d’une clef ornée ou simple.
Les dais adossés aux trumeaux sont extrêmement ornés. Ce sont des modèles de gothique fleuri. Les statues datent de 1875. Sept admirables tabernacles décorent les trumeaux.
La Chapelle Notre – Dame
A droite du chœur se trouve la Chapelle Notre-Dame, construite de 1649 à 1653. Elle fut la dernière construction de style ogival érigée à Bruxelles mais on y trouve maints détails en baroque italo-flamand.
La chapelle contient le cénotaphe du comte Félix de Mérode, membre du gouvernement provisoire et le mausolée du comte Ernest d’Isembourg et de sa femme Caroline d’Arenberg.
Le mobilier et les vitraux
L’ancienne collégiale était jadis fort riche en œuvres d’art. Elle fut malheureusement saccagée lors des troubles iconoclastes du 16ème siècle et eut également beaucoup à souffrir en 1793, lorsque la population la pilla.
L’attrait le plus considérable de la cathédrale Saint Michel réside dans la beauté de ses vitraux qui ont été restaurés à diverses reprises au 19ème siècle. Tout l’ensemble a été déposé en 1940. Les 1200 panneaux des 16 grandes fenêtres anciennes ont été soigneusement restaurés, de 1949 à 1950 par les soins de la ville de Bruxelles. Mais puisque les plus belles verrières se trouvent dans la chapelle du Saint-Sacrement, commençons par examiner celles-ci.
Les vitraux de la Chapelle du Saint-Sacrement
Les vitraux, dont Bernard Van Orley a réalisé les dessins, constituent la partie ornementale la plus remarquable de cette chapelle.
Ce sont des pages lumineuses et splendides appartenant à la Renaissance. Ils furent offerts par le frère et les sœurs de Charles-Quint qui sont représentés dans la zone inférieure de chaque verrière. Dans la zone supérieure se déroule l’épisode légendaire des hosties miraculeuses.
En partant de l’entrée :
1. Vitrail offert par Jean III de Portugal et Catherine d’Aragon, sa femme, sœur de Charles-Quint. On y voit les donateurs, accompagnés de leurs patrons spirituels, dans la zone inférieure. Dans la zone supérieure, à gauche, Jonathas remettant à Jean de Louvain les soixante moutons d’or pour prix des hosties qu’il devait lui procurer ; à droite Jonathas s’éloignant.
2. Vitrail donné par Marie de Hongrie, sœur de Charles-Quint, et par son époux Louis II, roi de Hongrie. En bas, les donateurs. En haut, les Juifs assemblés s’apprêtant à poignarder les hosties apportées par Jonathas.
3. Vitrail dû à la générosité de François 1er , roi de France, et d’Eléonore d’Autriche, sa femme, sœur de Charles-Quint. En haut, Jonathas assassiné. Cette verrière est la plus belle des quatre. Elle a été exécutée d’après des dessins de Bernard Van Orley.
4. Vitrail offert par Ferdinand 1er, frère de Charles-Quint, et par sa femme, Anne de Bohême. En bas, les donateurs. En haut, d’un côté la veuve et le fils de Jonathas, venus de Louvain pour rendre le vase sacré avec les hosties. De l’autre, des Juifs remettant le vase sacré dans un sac. Fort endommagés pendant les troubles religieux du 16ème siècle, ces vitraux furent réparés après la capitulation de Bruxelles et le retour de la ville au culte catholique en 1585.
Le vitrail au-dessus de l’autel date de la seconde moitié du 19ème siècle. Il glorifie le Saint-Sacrement. Dans le registre inférieur, on aperçoit les puissances du monde, à droite le pape Adrien VI, accompagné des cardinaux ; à gauche, Charles-Quint, accompagné de sa femme et de ses enfants. Au milieu se dresse un autel. L’Agneau Mystique repose sur le livre aux sept sceaux. Les puissances du Ciel le vénèrent. Dans le ciel embrasé apparaît le Saint-Sacrement.
Dans la Chapelle du Saint-Sacrement se trouvent également :
- un autel en chêne sculpté, datant de 1849 ;
- un fragment de poutre dans laquelle furent cachées, pendant six ans, les hosties miraculeuses pendant le gouvernement calviniste (1579 - 1585). Deux angelots tiennent une inscription qui rappelle cet événement ;
- différents mausolées, adossés au mur extérieur.
Devant l’autel du Saint-Sacrement se trouve la pierre sépulcrale en marbre blanc qui ferme le caveau des archiducs Albert et Isabelle.
La chapelle est clôturée par une belle grille du 18ème siècle provenant de l’abbaye d’Aywières (Lasne).
Le mobilier du chœur
Ici aussi notre attention sera attirée par les cinq verrières du 16ème siècle qui ornent les fenêtres hautes de l’abside. Au centre, la Vierge avec l’Enfant, entourés de Maximilien d’Autriche et de marguerite de Bourgogne. Les personnages des autres vitraux sont orientés vers le panneau central, accompagnés par un habitant céleste. Nous y reconnaissons, à gauche du vitrail central, Philippe le Beau et Jeanne de Castille, avec saint Michel. A droite, Charles Quint et son frère Ferdinand, avec sainte Gudule.
Sur les autres vitraux sont représentés des princes accompagnés de leurs armoiries, de leurs étendards, de leurs chiffres et devises.
Derrière le maître-autel du chœur, se trouve le mausolée en albâtre et en pierre de touche de l’archiduc Ernest, gouverneur des Pays-Bas de 1594 à 1595, en style Renaissance italienne et montrant le prince couché sur sa tombe, revêtu de son armure et du manteau ducal, portant les insignes de la Toison d’Or, l’épée au côté. Aux pieds, le casque avec plumes et gantelets. Le sarcophage est richement décoré de rinceaux avec, au centre, les armes de l’archiduc.
Devant l’autel s’ouvre le caveau des anciens ducs de Brabant, fermé par une dalle en marbre blanc portant l’inscription « Brabantiae ducum tumulus ». Y reposent les cendres de :
- Jean II, duc de Brabant et de Marguerite d’York, son épouse, décédée en 1318 ;
- quelques autres princes ;
- Louis Philippe Léopold, premier fils de Léopold 1er, mort à l’âge de 10 mois en 1834.
Le chœur contient encore d’autres tombes mais elles ont été dissimulées par un nouveau pavement placé en 1735. Il est entouré d’un grillage datant de 1837.
Le mobilier du déambulatoire
Remarquons d’abord la belle grille du 18ème siècle qui ferme une des travées de la chapelle du Saint-Sacrement.
Dans le fond du déambulatoire une statue représente le bienheureux Jean de Ruysbroeck, dit l’Admirable, prieur de Groenendael, le pied appuyé sur une tête de femme, symbolisant ainsi l’hérésie vaincue.
A gauche de cette statue, une plaque commémorative rappelle qu’à cet endroit se trouvait le tombeau du peintre Roger Van der Weyden, devant l’autel de l’ancienne chapelle de Sainte-Catherine, disparue en 1534 quand l’actuelle chapelle du Saint-Sacrement fut construite.
Les vitraux actuels, traités dans le style du 13ème siècle, représentent, entre autres, des scènes de la Genèse et de la vie du Christ.
A remarquer également dans le déambulatoire : une statue de saint Jean-Baptiste-de-la-Salle ; ensuite, dans une encoignure, un Saint-Sépulcre, groupe plus intéressant qu’artistique, datant du 16ème – 17ème siècle : sur l’entablement, un Christ triomphant ; sur l’acrotère, des légionnaires romains endormis, allusion aux gardiens du tombeau.
Après être passé devant les armoiries du pape Pie IX, nous pouvons encore admirer une belle grille qui ferme la chapelle de la Vierge du côté du déambulatoire. Elle fait pendant à celle qui ferme, vers le pourtour du chœur, la chapelle du Saint-Sacrement.
Le mobilier de la Chapelle Maes
Dans l’axe de l’abside, derrière le maître-autel se trouve la remarquable chapelle de la Madeleine rebaptisée plus tard Chapelle Maes, fermée par une grille remarquable, en style Louis XV. Ses lignes gracieuses encerclent un médaillon central, parsemé de roses.
Cette chapelle abrite un autel sur lequel repose un retable en style Renaissance italienne, fait de marbre et d’albâtre et qui représente quelques scènes de la passion du Christ. Au mur se trouvent des cartouches en Renaissance italo-flamande qui sont les épitaphes des donateurs de la chapelle. Quatre fenêtres, en plein cintre, éclairent cet oratoire. Les vitraux, d’un beau coloris et d’un dessin très fin, représentent la Trinité, saint Michel et sainte Gudule.
Devant l’entrée de la chapelle Maes, remarquons encore les statues de saint Martin, à gauche et de saint Benoît, à droite. Du seuil de la chapelle, nous avons une très belle vue sur le vaisseau de la grande nef.
Le mobilier du bras droit du transept
Le transept est éclairé par deux magnifiques verrières qui complètent la série qui orne la chapelle du Saint-Sacrement. Elles ont été dessinées par Bernard Van Orley. Le vitrail du transept nord représente Charles Quint et sa femme, Isabelle de Portugal, assistés de leurs saints patrons, vénérant le reliquaire des hosties miraculeuses, présenté par Dieu le Père. Il porte en haut la date de 1537. Celui du transept sud rappelle le souvenir de la sœur de Charles Quint, Marie de Hongrie, gouvernante générale des Pays-Bas, accompagnée de son époux, Louis II de Hongrie. Ce vitrail date de 1538.
Dans le transept, nous remarquons encore un triptyque de 1589 représentant la Crucifixion. Sur ses volets sont représentés le Portement en Croix et la Descente de Croix.
Le mobilier de la chapelle de Notre-Dame de la Délivrance
La construction de cette chapelle a entraîné la disparition de trois anciennes chapelles qui faisaient partie de la construction primitive. Cette chapelle fut la dernière construction en style ogival qui fut érigée à Bruxelles. L’architecte n’osa d’ailleurs pas l’achever entièrement dans ce style et lui donna une voûte cintrée avec arcs doubleaux découpés en compartiments et reposant sur des consoles en style baroque italo-flamand.
Nous remarquerons deux tableaux sur les piliers du déambulatoire : « L’ancien ostensoir du Saint-Sacrement » et « La translation des reliques de sainte Gudule à la collégiale », tous deux du 17ème siècle.
Ici aussi les verrières sont remarquables. Elles retracent dans leur zone supérieure la vie de la Vierge : « La Présentation de la Vierge », « Le Mariage de la Vierge », « L’Annonciation » et « La Visitation ». Dans leur zone inférieure, elles montrent les donateurs. Les vitraux situés au-dessus de l’autel représentent « La Vierge remettant le rosaire aux Dominicains » et celui à gauche de l’autel « Le Couronnement de la Vierge ».
Apprécions aussi l’autel, d’ordre corinthien, en marbre noir et blanc, sculpté en 1654 et orné d’un tableau représentant « L’Assomption », enlevé à la révolution française en 1794 et qui resta près de 150 ans dans les collections des musées royaux des Beaux-Arts. De part et d’autre de l’autel : deux mausolées. Sous les fenêtres, des tableaux peints vers le milieu du 17ème siècle ont pour thème les voyages de l’enfance du Christ.
Au-dessus du monument de Frédéric de Mérode, membre du Congrès national, décédé en 1857, un immense tableau représente « L’Assomption ».
La chapelle est clôturée par une grille du 18ème siècle, d’un travail remarquable, qui fait pendant à celle de la chapelle du Saint-Sacrement. Elle provient de la chapelle des Récollets à Bruxelles.
Le mobilier du bras gauche du transept
Le triptyque qui figure au-dessus de l’entrée représente « La Dernière Cène ». Sur ses volets : « Le Sacrifice de Melchisédech » et « La Récolte de la Manne ».
Au mur, un autre triptyque représente « La vie de sainte Gudule », une composition assez confuse qui montre sainte Gudule se dirigeant, une lanterne à la main, vers l’oratoire ; la sainte en prières ; le diable ayant éteint la lanterne tandis qu’un ange la rallume ; dans le bas un infirme invoque la sainte ; dans le lointain Gudule guérit un enfant. Remarquons que les revers de ce triptyque représentent la translation des reliques dans l’église Saint-Géry et leur arrivée à l’actuelle cathédrale.
Observons enfin, dans le pavement, une ligne de cuivre qui marque le méridien. La lumière pénètre par un petit trou pratiqué dans la verrière du transept sud.
Le mobilier de la nef principale
Les piliers de la nef centrale sont décorés des statues des douze apôtres, d’une belle sculpture rubénienne, vigoureuse et décorative. Elles ont été exécutées vers 1645 et ont remplacé des statues d’apôtres, richement ornées et polychromées qui avaient été exécutées au 15ème siècle. Les culs-de-lampe qui supportent les statues sont remarquables par la variété de leur ornementation et leur exécution.
La chaire de vérité fut sculptée en 1699 par un artiste anversois. Complètement en chêne, elle représente Adam et Eve chassés du paradis terrestre. A la base se trouvent placées leur figure, grandeur nature, fuyant devant l’ange armé du glaive. L’Arbre de la science du bien et du mal étend ses vastes rameaux et soutient la cuve de la chaire. Entre Adam et Eve, nous pouvons apercevoir la queue du serpent. Dans la partie supérieure, la Vierge, debout sur un croissant et portée par de nombreux anges, accompagnée de l’Enfant Jésus, écrase la tête du serpent. Deux escaliers contournent le bas de la chaire. Ils sont décorés d’arbustes divers portant un grand nombre d’animaux : un aigle, un renard, un paon, un perroquet, un coq, un singe, un écureuil, complétant très heureusement cette riche vision du paradis terrestre. A la fin du 18ème siècle, une petite grille Louis XVI fut placée autour de la chaire.
La splendide verrière qui occupe l’arc de triomphe entre les deux tours, au-dessus du jubé, représente « Le Jugement dernier » : assis sur un arc-en-ciel, le Christ, revêtu d’un manteau rouge, est entouré de ses apôtres et a, à sa droite, la Vierge et, à sa gauche, saint Jean-Baptiste. Au centre, saint Michel se dispose à peser, à l’aide d’une balance, les mérites de chacun. Des anges, armés d’une trompette, sonnent le réveil des morts. Dans le bas : la résurrection des morts. A gauche, les justes, à droite les réprouvés. Dans la fenestration, l’empreinte de l’image du Christ sur le voile de Véronique, les emblèmes de la Passion, les armoiries du donateur. Celui-ci est agenouillé au bas de la composition.
Le mobilier des collatéraux ou nefs latérales
Les collatéraux n’ont plus rien conservé de leur mobilier ancien ni de leur décoration primitive. Les vitraux qui ornent les fenêtres des chapelles latérales retracent l’histoire du Saint Sacrement. Ils ont été offerts à l’église par les rois Léopold I et Léopold II et par plusieurs grandes familles de Belgique.
Une table en marbre perpétue le souvenir des soldats britanniques qui tombèrent glorieusement sur le sol de Belgique entre 1914 et 1918. Elle est entourée des armoiries polychromées du Royaume-Uni, de l’Irlande, des Indes, du Canada, de l’Australie, de l’Afrique du Sud, de la Nouvelle-Zélande et de Terre-Neuve.
A. B.
Bibliographie
DES MAREZ G.
GUIDE ILLUSTRE DE BRUXELLES
Monuments civils et religieux
Remis à jour et complété par A. ROUSSEAU
Touring Club Royal de Belgique, Bruxelles, 1979
QUIEVREUX Louis
GUIDE DE BRUXELLES
Editions A. De Boeck, Bruxelles
votre commentaire -
Par Dans mes malles le 15 Décembre 2015 à 17:39
Visite de la Grand-Place de Bruxelles
Troisième partie
L'Hôtel de Ville
Sa structure
L’aile gauche et le pied carré de la tour font partie d’un même ensemble stylistique. Tant les articulations horizontales que verticales sont identiques. Le corps octogonal de la tour fait également partie de cet ensemble. Ces amorces sont intégrées dans le pied. Mais il y a une différence entre le corps et le sommet de la tour : dans le corps, les balconnets sont décorés d’ogives, comme en gothique classique. Au pied du sommet, au contraire, le balconnet est décoré de motifs en gothique tardif. Ces constatations démontrent que l’hôtel de ville a été réalisé en deux phases.
Un premier édifice
Grâce à sa situation favorable sur l’axe économique Bruges – Cologne et au développement de son industrie drapière, renommée aux quatre coins de l’Europe, Bruxelles atteint le rang de cité dès le 13ème siècle.
Jusqu’alors, Bruxelles n’avait eu comme siège de son administration que deux « steenen » : « de Meerte » et « Den Wilden Ever ». Les séances du Magistrat semblent aussi avoir eu lieu sous toit, mais en plein air, dans la Halle au Pain, l’actuelle Maison du Roi.
Les autorités communales décidèrent alors la construction d’une maison de ville qui servirait aux séances du Magistrat. En 1401 débuta la construction d’un premier édifice, digne du degré de prospérité atteint par la ville. Ce premier édifice, en style gothique tertiaire, fut bâti d’après les plans de l’architecte Jacques van Thienen à l’emplacement des deux « steenen » précités.
L’hôtel de ville de 1401 ne comprenait que l’aile gauche de l’édifice actuel. Cette première construction se termina en 1421. L’ « escalier des lions » en était l’entrée principale et l’édifice se terminait à droite par une petite tour carrée, sorte de beffroi symbolisant les libertés communales. Du balcon étaient promulgués les lois, les ordonnances, les traités de paix.
Bénéficiant d’un climat favorable grâce à l’installation de la cour de Philippe de Bon à Bruxelles, notre ville connut une grande prospérité, une extraordinaire richesse au 15ème siècle. Il fallut alors envisager d’agrandir l’hôtel de ville. C’est en 1444 que Charles le Téméraire, à peine âgé de neuf ans, posa la première pierre de la nouvelle aile. Cette aile est plus courte que la première.
L’édifice formait un ensemble particulièrement réussi mais il manquait un peu d’envolée. C’est ainsi que de 1449 à 1455, sur l’emplacement du beffroi primitif une tour beaucoup plus haute a été édifiée, destinée à équilibrer le tout. Elle est l’œuvre d’une des plus belles figures de l’architecture flamande, Jan van Ruisbroeck, dit vanden Berghe qui l’a conçue en trois parties : un parallélépipède de quatre étages, une partie octogonale de trois étages et une flèche.
En observant l’hôtel de ville de face, on remarque que le porche de la tour ne se trouve pas dans l’axe de cette tour. Il existe plusieurs hypothèses en ce qui concerne l’asymétrie de l’édifice. Cette bêtise architecturale est souvent attribuée au maître d’œuvre Jean van Ruisbroeck. Quand l’erreur fut constatée, la légende prétend qu’il se serait suicidé, que l’architecte se pendit de désespoir lorsqu’il constata son erreur. En réalité, van Ruisbroeck ne s’est pas occupé de la porte mais du sommet de la tour… et il ne s’est certainement pas suicidé : il est décédé de mort naturelle à l’âge respectable de 90 ans en 1486.
Il semble que ce soit la mauvaise qualité du sol qui ait été la cause principale de cette asymétrie. A l’origine, la tour s’appuyait uniquement sur la gauche, sur la masse du bâtiment qui constitue l’aile gauche. L’architecte avait simplement décidé de conserver le porche existant du beffroi dont il renforça les assises à droite. La porte fut déplacée vers la gauche, pour permettre la réalisation d’un large mur de soutènement, qui devait porter le poids de la tour du côté droit.
La tour, construite dans le style gothique fleuri ou gothique flamboyant, fut terminée en 1455. Avec une hauteur de 91 mètres 55, la flèche de l’hôtel de ville, fine et ajourée comme une dentelle de pierre, est surmontée d’une girouette en cuivre repoussé d’un peu plus de cinq mètres de haut, représentant saint Michel, patron de la ville, terrassant le démon. Elle est l’œuvre du chaudronnier Martin van Rode qui la fit hisser dans le ciel en 1454. Saint Michel, qui pivote sur sa base, a été descendu à diverses reprises pour être redoré – 2 500 feuilles d’or de 60 centimètres carrés – et pour rendre au démon la langue longue de 40 centimètres qu’il avait perdue au cours des ans.
Le porche de l’Hôtel de ville
Dans le tympan du porche d’entrée de l’Hôtel de ville, nous découvrons les statues des patrons des serments ou gildes militaires de la cité.
· Au centre : Saint-Michel, patron des escrimeurs, terrassant un démon enchaîné ;
· A droite, d’une part, Saint-Georges, patron des arbalétriers, enfonçant une lance dans la gueule d’un dragon ; d’autre part, l’évêque Saint-Géry, en l’honneur duquel fut élevée une église dans l’ancienne île Saint-Géry ;
· A gauche, d’une part, Saint-Christophe, patron des arquebusiers ; d’autre part, Saint Sébastien, patron des archers.
Les deux premières statues citées présentent une symbolique commune. Les autres sont sans intérêt.
Gardien sévère des forces cachées, le dragon symbolise l’obstacle qu’il faut vaincre pour accéder à la Lumière, les forces matérielles qui s’interposent entre le désir de la Connaissance et la Connaissance elle-même, qui demeure cachée dans un domaine interdit de l’homme ordinaire. Il est l’expression de l’ignorance, de l’obscurité, des tendances démoniaques.
Le démon symbolise la chute de l’esprit, la régression dans le désordre (le chaos), dans l’abîme où il est enchaîné. Il est la synthèse des forces désintégrantes de la personnalité. Centre de nuit, il s’oppose à Dieu, centre de Lumière.
La lance et l’épée sont des symboles solaires. L’Épée flamboyante surtout, par sa forme ondulée, concrétise le mouvement ondulatoire et vibratoire de la flamme, du rayon de Lumière et de Feu émis par le Soleil, symbolise la pure connaissance, destructrice de l’obscurité, de l’ignorance. Elle est l’arme unique de l’Initié. C’est pourquoi, elle sert à la consécration du candidat Franc-maçon car elle est aussi instrument de transmission. Seule la pureté de l’Initié permet de vaincre les forces obscures et d’atteindre à la parfaite Connaissance qui assure pouvoir et félicité.
Saint-Michel et Saint-Georges livrent donc un combat identique au terme duquel la Lumière vainc les Ténèbres.
L’Hôtel de ville du 15ème siècle
Plusieurs architectes ont travaillé à cette aile droite pour laquelle il avait fallu exproprier et raser une série de maisons. Elle est composée de trois parties, comme les chapiteaux l’indiquent. Aux étages, les neuf fenêtres sont séparées par des niches. Toutes les trois fenêtres se trouvent deux niches au lieu d’une.
C’est sous le portique que nous trouvons les sculptures les plus intéressantes. En allant de gauche à droite, nous trouvons, dans le coin, une représentation comique d’un bonhomme tombé dans une cuvelle. Ensuite c’est un homme qui s’escrime un siège à la main et un autre qui construit un siège en bois ; plus loin, deux individus qui se disputent, un bourgeois et un clerc ; celui-ci se défend à l’aide d’un bréviaire enveloppé dans une chemise de cuir, celui-là se servant d’une escabelle comme arme de défense.
Plus loin encore, un personnage – probablement un clerc – qui tient dans ses mains un pot et une gourde, buvant alternativement à l’un et à l’autre, à côté un chanoine, reconnaissable à l’aumusse qu’il porte sur la tête ; accoudé sur ses in-folios, il a vidé un broc et semble peu disposé au travail.
Au cul-de-lampe voisin, un clerc explique à un manant hébété le texte d’un in-folio largement ouvert ; enfin les deux derniers culs-de-lampe représentent, l’un un homme coiffé d’un chaperon, tenant un vase sous le bras, l’autre un homme, la dague au côté, qui porte dans une main une grosse boule.
Dans les travées de droite, nous trouvons des sièges, des escabelles, des fauteuils, des chaises et des pelles entrecroisées, allusion manifeste à la scène des empileurs de chaises figurée sur un des chapiteaux.
Dans les travées de gauche sont représentées des figures de clercs, d’évêques, de bourgeois, de manants, de femmes du peuple, types divers qui sont empruntés aux différentes classes sociales et où se mêle parfois une pointe satirique.
Les chapiteaux historiés des colonnes sont particulièrement dignes d’attention. Selon Paul Bonenfant, les sujets représentés sur les chapiteaux de cette aile rappellent deux de ces maisons disparues.
- Un premier chapiteau, au milieu, intitulé « les Moines buveurs », représente des moines au cours d’une beuverie et rappelle la maison dite « Papenkelder » (le caveau des moines). Il s’agit d’une satire des mœurs dissolues du clergé. Des moines attablés mangent et boivent, d’autres, en cellule, se livrent à des libations que favorise un personnage qui leur tend du dehors un broc de bière. Un moine pourtant représente la vertu au milieu de cette bacchanale.
- Un second chapiteau présente des personnages qui entassent des trépieds avec des pelles. L’escarpolette était effectivement un trépied, beaucoup utilisé pour le travail mais aussi comme instrument de punition. Cette scène rappelle une maison dénommée « Scupstoel » (l’escarpolette) qui occupait sans doute l’emplacement où l’on infligeait le supplice dit « de l’estrapade », châtiment qui consistait à asseoir le condamné sur une chaise fixée à des cordes reliées à une poulie. Après quoi, ce dernier était plongé brusquement dans la boue du marécage.
- Le Maure est le chapiteau le moins clair. Ce troisième chapiteau évoque l’emplacement d’une maison dite « de Moor ». Les parties conservées semblent indiquer le contraste entre un couple adultère et un ménage exemplaire pour l’époque : la femme manque de mains pour bercer un enfant et en allaiter un autre. Le Maure, au contraire, dort dans un fauteuil, l’épée au fourreau. D’autres scènes montrent son harem.
Les sculptures des façades
C’est à l’occasion de la restauration que l’on décida d’orner les façades de l’hôtel de ville de statues. On ne sait avec certitude quelles statues s’y trouvaient autrefois, ni même s’il y en avait.
En se basant sur une gravure du 17ème siècle représentant la façade avant, Wauters, l’archiviste de la ville, dénombra 152 niches pour statues. Les seules qui existaient déjà étaient celles de Philippe le Bon, de Charles le Téméraire, de Marie de Bourgogne et de Maximilien d’Autriche. Elles décoraient la tourelle au coin de la rue de la Tête d’Or. Mais lors de la restauration, cet élément ne fut pas retenu.
Tel un impressionnant arbre généalogique, la façade de l’hôtel de ville est devenue un inventaire des princes et des princesses qui ont gouverné Bruxelles et de leurs conjoints respectifs. Y sont représentés des Carolingiens, des ducs et des comtes de la Maison de Louvain, ainsi que des membres des maisons de Bourgogne et de Habsbourg.
La façade de l’hôtel de ville comporte de nombreuses sculptures remontant à des temps plus ou moins proches.
Dans les niches, autrefois vides, ont été placées, depuis le 19ème siècle, des statues représentant des citoyens bruxellois illustres. Les statues des ducs et duchesses de Brabant datent également d’une restauration effectuée au 19ème siècle.
Par contre, l’ensemble des huit statues de prophètes, qui ornent l’arc de la porte de la tour, retiendra particulièrement notre attention car ces ravissantes statuettes sont en réalité les répliques fidèles des originaux conservés au Musée communal. Elles ont été attribuées erronément à l’école flamande de Claus Sluter du 14ème siècle jusqu’au moment où l’on s’est rendu compte que la base de la tour ne datait pas de la fin du 14ème siècle mais du début du 15ème. Les plis des draperies ont encore cette belle souplesse qui disparut dès l’avènement de Philippe le bon pour faire place à des lignes plus marquées et anguleuses. Admirons aussi les très jolies filles dont les traits sont perpétués dans les représentations de la Paix, la Prudence, la Justice, la Force, la Tempérance et la Loi.
Les façades latérales sont également décorées de statues. Ainsi, dans la rue Charles Buls, figurent des bourgmestres originaires des familles patriciennes. Dans la rue de la Tête d’Or, un hommage est rendu aux bruxellois qui se sont distingués dans les domaines des sciences, des beaux-arts ou de la littérature. Le choix de ces statues intervint en 1900 et donna lieu à de nombreuses discussions.
L’hôtel de ville ainsi construit était contigu à la Halle au Drap édifiée antérieurement, en 1353. Cette halle fut détruite lors du bombardement de 1695. Elle ne fut jamais reconstruite. Sur son emplacement, une troisième partie a été ajoutée au bâtiment de l’hôtel de ville dans les années 1700 : ce sont les ailes gauche et droite ainsi que l’aile postérieure qui, aujourd’hui, fait face à l’hôtel Amigo, dans la rue de l’Amigo. Alors que l’hôtel de ville a été construit en style ogival, ces dernières parties l’ont été en style Louis XIV.
L’hôtel de ville de Bruxelles, avec sa grande tour, est un témoin exceptionnel de l’architecture civile du gothique tardif, et sa position au sein de la Grand-Place, ornée des façades des maisons des corporations, le rend plus remarquable encore.
L’édifice a souffert au cours des siècles et sa grande tour particulièrement délabrée a connu, en 1997, une restauration lourde pour laquelle le caractère exceptionnellement précieux du bâtiment a justifié, à côté des études architecturales, un nombre considérable d’étude scientifiques approfondies préalables aux travaux, et de mesures scientifiques d’accompagnement du chantier. Cet effort, à la fois scientifique et financier aurait été impensable pour un bâtiment plus ordinaire.
Conclusions
Quelques années à peine après le cataclysme provoqué par Louis XIV, Bruxelles était dotée d’un des plus précieux ensembles architecturaux ayant jamais existé, semblable à un bijou orné de feuilles d’or.
Déjà au 16ème siècle, les tailleurs, en reconstruisant leur maison « la Chaloupe d’Or » en un beau style gothique, et les peintres en édifiant « le Pigeon » dans le style de la Renaissance, avaient inauguré un mouvement d’embellissement que les autres corporations suivirent au siècle suivant.
C’est à partir de 1640 qu’une fièvre d’émulation s’empara des métiers. Les maisons en bois furent abattues. En 1644, les graissiers remplacèrent la vieille façade de leur demeure « la Brouette » par une façade en pierre composée des trois ordres. Les ébénistes et les tonneliers imitèrent leur exemple en édifiant « le Sac » dans un somptueux style italo-flamand. En 1690, « la Louve » étant devenue la proie des flammes, les archers s’empressèrent de la rebâtir. Enfin les merciers, en même temps que les ébénistes et les graissiers réédifièrent luxueusement la maison du « Renard » vers 1645.
Toutes ces constructions avaient été conçues dans le style baroque italien qui s’était répandu aux Pays-Bas au début du 17ème siècle. Mais nos architectes flamands ne l’avaient pas appliqué servilement. Ils l’avaient transposé et en avaient fait un style propre au Brabant et même particulier à Bruxelles, un style distinct de la Renaissance italienne par une plus grande fantaisie, par un décor plus abondant et surtout par la présence d’un gâble triangulaire qui rappelait le gâble à redents, absolument inconnu en Italie.
Ce style se servait des éléments essentiels du style classique :
1°) la superposition des trois ordres, dorique, ionique et corinthien ;
2°) l’application du pilastre ou de la colonne engagée unique ;
3°) le gâble ou pignon, qui se rattachait par son origine à l’ancien pignon à gradins de la maison du Moyen Age ;
4°) les bandes saillantes, qui sont probablement un rappel des maisons en bois ;
5°) le plein cintre ;
6°) les pilastres et les chapiteaux des ordres dorique, ionique et corinthien.
Mais il dégénéra par une fantaisie et une grande profusion d’ornements répondant au caractère exubérant de nos architectes flamands, incompatible avec la sévérité du style classique d’où son nom de style baroque qui lui fut appliqué au 18ème siècle : les façades furent littéralement surchargées d’ornements : des vases et des torchères, des statues et des médaillons, des cartouches vigoureusement modelés, des chutes de fleurs et de fruits, des godrons, des consoles fleuries, des trophées.
Exceptionnellement, le style Louis XIV fit son apparition dans deux façades : du point de vue de la décoration du pignon dans celle du « Renard » et, du point de vue de la compréhension architecturale même de la maison, au « Cygne ».
Pour bien comprendre les idées qui animèrent l’œuvre architecturale de la Grand-Place, il faut songer à l’éducation professionnelle de ceux qui se sont occupés de la réédification des maisons. A la fin du 17ème siècle, la profession d’architecte n’était pas encore une profession indépendante. L’architecture était pratiquée par des ébénistes menuisiers, des peintres, des sculpteurs, des maçons ou des tailleurs de pierre. Leur vision d’architecte était très souvent influencée par la profession qu’ils exerçaient.
Les maisons, édifiées au lendemain du bombardement de 1695, se détériorèrent assez rapidement dans le courant du 18ème siècle, d’autant plus rapidement que les corporations, en pleine décadence, ne disposaient plus des ressources nécessaires pour veiller à l’entretien des nombreuses sculptures qui les ornaient. Les sans-culottes français achevèrent de ruiner ce que le temps avait encore laissé subsister. En 1793 et 1794, dans leur rage iconoclaste, ceux-ci brisèrent les statues qui se dressaient devant les façades des maisons corporatives, arrachèrent tous les emblèmes de l’ancien régime. Devenues bien national, les maisons corporatives furent vendues.
L’administration communale intervint à temps pour sauver la Grand-Place d’une ruine certaine et complète. Mais l’idée de la conservation de la Grand-Place ne s’épanouit que fort lentement. Ce n’est qu’en 1883 que cette question entra dans une phase décisive. Le bourgmestre Charles Buls conçut l’idée de frapper les façades d’une servitude. Avec l’approbation du Conseil communal, l’avenir de la Grand-Place était définitivement assuré. De 1883 à 1885, plusieurs maisons furent restaurées et, en 1897, on fêta le 20ème anniversaire de la rénovation de la Grand-Place.
En 1957, toutes les façades ont été remises en état par les soins de l’architecte en chef de la ville, J. Rombaux, et depuis quelques années, le ravalement complet de l’ensemble de la Grand-Place a été entrepris.
Il a fallu de très nombreuses années, beaucoup de soins et de travaux pour rendre à notre marché l’aspect qu’il avait autrefois. Bruxelles peut se glorifier de posséder, presque intact, un de ses quartiers qui, après l’affreux bombardement de 1695, reparut plus splendide que jamais, grâce à l’énergie de la population, grâce au soutien des autorités communales et grâce au concours qu’apporta toute une génération d’artistes, désireux de doter leur ville de richesses nouvelles.
A l’instar de beaucoup d’autres sites, témoignages du passé, la Grand-Place de Bruxelles, perle de l’architecture italo-flamande de la fin de la Renaissance, ne peut pas se contenter de l’admiration des touristes du monde entier : à l’image du Phénix qui couronne la maison de « La Louve », elle veut renaître éternellement. Par son charme irremplaçable, elle attire les descendants de ceux qui l’ont créée si chaleureuse et si majestueuse. Insatisfaite de n’être qu’un temple sacré, héritage du passé, elle se veut le lien indissoluble entre le passé, le présent et déjà le futur.
Elle abrite encore ses magistrats et représentants de l’ordre. Elle rend toujours hommage aux grands et aux personnalités de ce monde et consacre le travail des commerçants et des métiers. Elle enracine la mémoire du passé avec ses manifestations folkloriques et salue l’expression artistique par les concerts qui s’y donnent, par les nombreux peintres qui lui témoignent leur amour.
La Grand-Place est probablement le symbole de cette continuité de l’humanité qui jamais n’abandonne, qui toujours progresse, dans le respect du passé et avec un idéal du futur.
A . B.
Bibliographie
DES MAREZ G.
GUIDE ILLUSTRE DE BRUXELLES
Monuments civils et religieux
Remis à jour et complété par A. ROUSSEAU
Bruxelles, Touring Club Royal de Belgique, 1979
QUIEVREUX Louis
GUIDE DE BRUXELLES
Bruxelles, Editions A. De Boeck
JACOBS Roel
BRUXELLES
L’histoire dans la ville
Bruges, Editions Marc Van de Wiele, 1994
JACOBS Roel
LA GRAND-PLACE DE BRUXELLES
Parcours
Bruxelles, Editions Artis-Historia, 1995
VIERSET Simone
LA GRAND-PLACE DE BRXUELLES
Bruxelles, Fédération Touristique de la Province de Brabant, 1992
Hommes et Paysages
Société Royale Belge de Géographie
ITINERAIRE DE LA FRANC-MAÇONNERIE A BRUXELLES
Coédition Parcours maçonnique, 2000
VERNIERS Louis
Bruxelles : Esquisse historique
HALLEUX Pierre
La restauration de la grande tour de l’hôtel de Ville
Périodique « Bruxelles – Pentagone » 14ème année, N°3, septembre 1997
votre commentaire -
Par Dans mes malles le 15 Décembre 2015 à 17:39
Visite de la Grand-Place de Bruxelles
Deuxième partie
La Grand-Place et l’ésotérisme alchimique
La Grand-Place est-elle un témoignage des liens entre l’ésotérisme alchimique et l’ancienne maçonnerie opérative ? La question mérite d’être posée car le rôle joué dans la reconstruction de la place, après le bombardement de 1695, par les membres de la corporation des Quatre Couronnés, au premier rang desquels figurait Guillaume De Bruyn, qui réalisa lui-même près du tiers des maisons, a confirmé Paul de Saint-Hilaire dans son interprétation alchimique étendue à l’ensemble de la Grand-Place. Il convient cependant de remarquer que celle-ci n’est hélas fondée sur aucune critique historique rigoureuse.
L’alchimie, qui était la chimie du Moyen Age, est imprégnée d’éléments de mysticisme oriental, ramenés en Occident par les Croisés. Les Alchimistes, tels Thomas d’Aquin, Roger Bacon, Cornélius Agrippa et Paracelse ont pratiqué l’alchimie. Ils recherchaient la transmutation des métaux et la multiplication de l’or à l’aide de la Pierre philosophale. Le symbolisme de la Franc-maçonnerie spéculative fait référence à des éléments alchimiques, tels que le Sel, le Soufre ou le Mercure.
Pour Paul de Saint-Hilaire, les sept groupes de bâtiments de la Grand-Place présenteraient des indices cryptant, par les noms des immeubles, les enseignes, les symboles et allégories décorant leurs façades, l’itinéraire de l’alchimiste préparant la Pierre philosophale en suivant les sept opérations de la « voie sèche », censée avoir été mise au point à Compostelle par l’alchimiste Nicolas Flamel, mort en 1418, et remplaçant une « voie humide », en douze étapes.
Les façades du côté nord de la Grand-Place
Entre la rue au Beurre et la rue Chair-et-Pain, sur le côté gauche de la Maison du Roi, nous trouvons sept façades, le groupe de maisons le plus simple de toute la Grand-Place. Derrière la deuxième se cache une maison double. Ces maisons privées constituent, par la sobriété de leurs façades, un point de repos au milieu des maisons plus que décorées des corporations de métier.
Pour Paul de Sant-Hilaire, des éléments décoratifs de deux façades de ce groupe de sept maisons situées côté nord, correspondraient à la première opération alchimique.
Notre-Dame de la Paix
La première maison de ce groupe, « Notre-Dame de la Paix », est encore située rue au Beurre, au numéro 46. Elle a comme enseigne la Vierge encadrée de deux Cornes d’abondance : son ventre est orné d’un Soleil rayonnant car elle va enfanter l’Or des philosophes.
Le Heaume
Située au numéro 34, « le Heaume » – de Helm – possède une double enseigne et a une façade qui ne manque pas d’élégance. Elle est divisée en trois zones, séparées par des pilastres d’ordre dorique au rez-de-chaussée et au premier étage, d’ordre ionique au deuxième étage. Le pignon est flamand avec sa fenêtre cintrée au centre, avec ses guirlandes de fleurs et de fruits qui ornent les rampants, avec ses boules et son vase. Chose curieuse, dans le gâble, l’architecte a maintenu un oculus qui ne remplit ici qu’un pur effet décoratif.
Le nom de l’architecte de cette maison n’est pas connu. Le nom de Pierre Van Dievoet pourrait être cité, du moins en ce qui concerne les sculptures qui s’y trouvaient avant la restauration de 1921. Par contre, les bas-reliefs qui ornent actuellement « le Heaume » sont l’œuvre de Huygelen.
Sur le premier bas-relief, six enfants nus enlèvent une armure du feu ; sur le second, six autres dressent le heaume sur un trophée. L’opération alchimique est fréquemment représentée par le jeu des enfants, le « Ludus puerorum ». Il faut retirer la matière du feu et la faire refroidir pour obtenir l’Acier des philosophes, appelé heaume. La première opération s’achève ici.
Ces deux édifices encadrent cinq autres maisons :
Au numéro 35, « le Paon » a sa façade rehaussée de guirlandes dorées et est surmonté du pignon propre à nos habitations du 17e siècle.
Au numéro 36, la maison dite « ‘t Voske » ou « le Petit Renard » était jadis appelée « Le Samaritain ». Elle est placée sous le même toit que la maison sise au numéro 37, dite « den Eyck » ou « le Chêne ». Plus simple que leur voisine, on y retrouve, non pas le gâble, mais des lucarnes embellies qui couronnent les toitures des habitations des 16ème et 17ème siècles.
Au numéro 38, « Sinte Barbara », « Sainte Barbe », dénommée ensuite « den Gekroonden Doorelaer » ou « la Ronce couronnée » affecte les mêmes caractéristiques de simplicité, sauf qu’ici le gâble réapparaît.
Enfin, au numéro 39, la maison dite « den Ezel » ou « l’Ane » a été restaurée en 1917. Elle a une façade charmante aux trois ordres superposés et au gâble orné de guirlandes et de vases. Les architectes de ces cinq maisons sont inconnus.
Malgré leur simplicité, ces maisons ne sont pas sans intérêt. Nous y retrouvons non seulement la caractéristique des trois ordres qui distinguent toute l’architecture des maisons de la Grand-Place, avec leurs bandes verticales et horizontales, mais aussi le souvenir de l’ancienne maison bruxelloise des 16ème et 17ème siècles.
Les façades du côté nord-est de la Grand-Place
L’architecte Guillaume De Bruyn avait également voulu réaliser un ensemble entre la rue des Harengs et la rue de la Colline. Une statue équestre du gouverneur devait couronner « La Chaloupe d’Or » et cette partie centrale devait être augmentée de deux ailes horizontales, comme aux « Ducs de Brabant », mais on n’y arriva pas.
Seuls « la Chaloupe d’Or » et « l’Ange » furent construits selon les plans de Guillaume De Bruyn. Cependant, les façades des deux bâtiments ne se raccordaient pas parfaitement. Les propriétaires, le métier des tailleurs et Jean de Vos, entrèrent en conflit et confrontèrent leurs divergences au cours d’une procédure judiciaire qui prit des années. « L’Ange » reçut un gâble à lui et la statue du gouverneur ne fut pas placée sur « la Chaloupe d’Or ». Les quatre autres façades furent réalisées sans aucun rapport avec elles.
La Chambrette de l’Amman
« Het Ammanskamerke », située au numéro 28, s’appelait primitivement « de Gulden Marchant » ou « le Marchand d’Or ». A l’origine, cette maison était en bois et fut reconstruite après le bombardement de 1695. Elle a un décor simple mais élégant. On retrouve, dans l’élégante sobriété de ses lignes, la traditionnelle superposition des trois ordres classiques et la construction se termine par un pignon à volutes orné de trois vases.
Sa façade porte les armoiries du duché de Brabant. C’est ainsi qu’aujourd’hui, elle s’appelle aujourd’hui « Aux Armes de Bruxelles ».
Le Pigeon
« Le Pigeon » – de Duif – qui porte les numéros 26 et 27, était à l’origine la maison des peintres. Cette belle maison fut complètement détruite lors du bombardement. La gilde des peintres, complètement en décadence et sans ressources, vendit le terrain à l’architecte et tailleur de pierre Pierre Simon qui est probablement l’auteur de la nouvelle construction dans le style de la deuxième Renaissance.
Elle est en effet moins décorée que beaucoup d’autres et frappe par sa beauté pleine de sobriété. L’architecte s’est inspiré des vrais principes classiques et n’a laissé que peu de place au décor abondant et fantaisiste du style flamand. On y retrouve la superposition correcte des trois ordres, dorique au rez-de-chaussée, ionique au premier étage, corinthien au deuxième étage. Le gâble qui achève la maison, est sobre de lignes.
Une autre caractéristique de cette maison, c’est l’emploi du plein cintre aux fenêtres. La fenêtre vénitienne du premier étage lui donne un cachet particulièrement raffiné. Les mascarons qui séparent l’ordre dorique de l’ordre ionique et soutiennent celui-ci, sont remarquables et peuvent être considérés comme des modèles du genre.
Une inscription rappelle que Victor Hugo, « tout ébloui de Bruxelles », vécut en proscrit dans cette habitation, dans un deux-pièces qu’il occupa jusqu’à la publication, en août 1852 de « Napoléon-le-Petit ».
La Maison des Tailleurs ou la Chaloupe d’Or
Deux maisons distinctes s’élevaient jadis sur cet emplacement : « la Taupe » (de Mol) et « la Chaloupe d’Or » (de Gulden Boot) qui appartenaient toutes deux à la corporation des tailleurs depuis 1500 à peu près. Ces deux maisons furent reconstruites après le bombardement de 1695 mais cachées par une seule façade.
Guillaume De Bruyn, ingénieur et contrôleur des travaux de la Ville, en fut l’architecte et Pierre Van Dievoet le sculpteur des décorations de la façade.
On y retrouve les apports qui caractérisent si nettement les maisons de la Grand-Place, l’apport baroque italien et l’apport décoratif flamand : deux ordres superposés, un fronton triangulaire, un gâble en forme de niche ainsi que des statues.
De hauts pilastres ioniques bosselés délimitent la hauteur du rez-de-chaussée et de l’entresol. De même, des pilastres corinthiens uniques occupent la hauteur des étages supérieurs. Leur partie inférieure est cannelée et repose sur un socle élevé et épannelé. Sur l’ordre corinthien repose l’entablement orné d’une frise. Sur cet entablement s’élève un fronton triangulaire.
Ces pilastres attestent l’influence de l’Italie alors que l’art flamand y apporte les guirlandes du fronton triangulaire de la fenêtre du centre et le pignon à volutes.
La partie centrale fait saillie sur le plat de la façade. Les pilastres ioniques du rez-de-chaussée et les pilastres corinthiens des étages se détachent sur des pilastres de même ordre, qui se trouvent dans le même plan de la façade. Cette partie centrale saillante continue dans le fronton et s’achève dans la niche du gâble.
Les fenêtres du premier étage rappellent, par leur couronnement, les fenêtres du style classique. Celle du milieu a un fronton triangulaire répondant au grand fronton de même forme qui recouvre la façade toute entière. Les deux autres fenêtres ont un fronton cintré. Les guirlandes qui ornent le fronton triangulaire de la fenêtre centrale dérogent à la sévérité du style classique et sont d’inspiration nettement flamande.
Il en est de même du gâble typiquement bruxellois : malgré ses ornements variés, on retrouve dans sa silhouette les vases, les volutes et les godrons.
En haut, dans un costume assez singulier, la statue de l’évêque Saint Boniface, né bruxellois, semble bénir les passants, alors que le buste de sainte Barbe, patronne des tailleurs, orne le dessus de la porte d’entrée. Les amateurs d’inscriptions liront sur le fronton :
« QUAS FUROR HOSTILIS SUBVERTERAT IGNIBUS AEDES SARTOR RESTAURAT PRAESIDIBUSQUE DICAT »
(La maison que la fureur de l’ennemi a détruite par le feu, les tailleurs la relèvent et en font hommage aux magistrats).
L’Ange
L’origine de la maison sise au numéro 23 remonte au moins au 14e siècle, lorsqu’elle s’appelait « l’Olivier ». Appelée ensuite « den Engel », c’est-à-dire « l’Ange », elle figure sur une gravure représentant l’Entrée de l’archiduc Ernest en 1594.
Sa façade reflète une fois encore une note italo-flamande et les étages sont marqués par des pilastres ioniques et corinthiens.
La hauteur du rez-de-chaussée et de l’entresol est délimitée par des pilastres à bossages de l’ordre ionique. L’ordre corinthien occupe les étages supérieurs et se retrouve dans le gâble, où deux pilastres de cet ordre supportent un fronton triangulaire, orné de trois vases.
Plus haut, nous trouvons les balustres flamands. Deux jolis cartels dotés d’un mascaron et d’une draperie encadrent le balcon du premier étage, d’inspiration moderne.
Anne, Joseph et le Cerf
Trois maisons, « Anne », « Joseph » et « le Cerf », toutes d’un aspect simple, se trouvent sur l’emplacement d’un groupe de bâtiments que la ville expropria à la fin du 14ème siècle afin d’agrandir le Marché.
De ces trois maisons, aucune trace n’est restée dans l’histoire de la ville. « Joseph » et « Anne » sont réunis par une même façade. « Le Cerf » s’appelait autrefois « Le Cerf Volant ». Elles appartenaient à des particuliers. Le gâble à volutes de « Joseph » et « Anne » rappelle le pignon à gradins. Quant à la maison « le Cerf », elle fut probablement conçue par l’architecte et tailleur de pierre Gilles Van den Eynde qui en était le propriétaire.
Pour Paul de Sant-Hilaire, le groupe de façades situées côté nord-est, entre la rue des Harengs et la rue de la Colline, rendrait compte de la deuxième opération alchimique.
L’enseigne du « Cerf » ou « Cervus fugitivus », au numéro 20, est située sur le côté de la première maison de ce groupe, rue de la Colline. Le « Cervus fugitivus » est pour les alchimistes le Mercure ou Vif-argent, métal utilisé au début de la deuxième opération.
Au sommet de la Maison des Tailleurs, la statue qui la surmonte ne serait pas, pour Paul de Saint-Hilaire, celle de saint Boniface mais bien une référence à l’alchimiste Basile Valentin. Au-dessus de la porte, derrière un buste de femme qui serait sainte Barbe patronne des alchimistes, une Roue désignerait le feu violent et continu permettant de porter la matière solide à l‘état gazeux, comme l’indique un ange ciselé au diadème de la sainte, et de réaliser ainsi l’Amalgame.
L’inscription latine du fronton rappelle que la maison a été détruite par un feu violent – celui du bombardement – et que c’est le Sartor qui l’a réédifiée et dédiée aux magistrats. « Sartor » signifie ravaudeur et non pas tailleur, de sorte que, pour Paul de Saint-Hilaire, en supprimant le premier « r », on pourrait lire « Sator », c’est-à-dire le semeur, soit l’Adepte œuvrant à la recherche de la Pierre philosophale !
La Maison du Roi
Le nom de « la Maison du Roi » référerait, pour Paul de Saint Hilaire, à l’Art royal, l’alchimie, et renverrait à la troisième opération alchimique. En 1767, on avait placé au fronton de l’ancienne « Broodhuys » une horloge et une devise : « Que pour la Patrie, tout se change en Or ». Une seconde inscription invoquait en lettres géantes la reine de paix, c’est-à-dire Maria Pacis. Or, pour les alchimistes, l’union du Roi et de la Reine représenterait l’Amalgame des principes mâle et femelle, obtenu à l’état gazeux, et figuré aussi par l’Aigle à deux têtes que l’on peut observer au-dessus de l’entrée.
La Maison du Roi avant sa restauration vers 1860
La Maison du Roi et son passé
Reconstruite à la fin du 19e siècle, en style néo-gothique, la vieille maison du Roi occupait l’emplacement de l’ancienne Halle au Pain ou « Broodhuys » du 13e siècle. Les boulangers bruxellois y avaient pris l’habitude d’y vendre leur pain. Plus tard, le bâtiment devint successivement le bureau du receveur général du domaine en Brabant, le tribunal de la foresterie puis la chambre des tonlieux.
La « Broodhuys » prit ensuite le nom de « ‘s Hertogenhuys » ou « Maison Ducale » lorsqu’on y installa des tribunaux, puis celui de « Maison du Roi » lorsque le Duc de Brabant devint roi d’Espagne, mais, malgré son nom actuel, elle n’a jamais été occupée par un souverain ! C’est devant la « Maison du Roi » que fut dressé, en 1568, l’échafaud sur lequel les comtes d’Egmont et de Hornes furent décapités par ordre du duc d’Albe.
Après la Révolution française, la « Maison du Roi », devenue bien national, fut baptisée « Maison du Peuple ». C’est ainsi qu’après avoir servi de tribunal criminel et de Conseil de guerre, le bâtiment fut acheté par la ville en 1794 et revendu en 1811 à Paul Arconati-Visconti qui y fit d’importantes transformations. Mais lorsque la ville la racheta, en 1860, elle se trouvait dans un état tellement lamentable qu’il fallut se résoudre à la faire raser avant de la reconstruire.
Elle fut donc remplacée par un nouvel édifice construit de 1873 à 1895 par Pierre-Victor Jamaer qui en dessina les plans en s’inspirant du splendide hôtel de ville gothique d’Audenaerde. La « Maison du Roi » abrite aujourd’hui le Musée Communal, inauguré le 2 juin 1887.
Analyse de sa façade
L’architecte Jamaer a fait prévaloir le néogothique et le principe d’unicité de style cher à Viollet-le-Duc. Les décors sculptés chargés de statuettes représentent, de part et d’autre du sommet du porche, Charles-Quint, présenté par l’historiographe officiel comme un prince « national », par opposition à son fils Philippe II, tyran étranger, et Marie de Bourgogne, qui céda la maison à la ville.
Dans la décoration, due à six sculpteurs – dont trois étaient des Francs-maçons – nous trouvons des écussons et statuettes représentant des ducs de Brabant : Henri 1er, qui accorda sa première charte à la Ville en 1229, et Philippe le Bon, duc de Bourgogne et comte de Flandre, devenu duc de Brabant en 1430, qui a favorisé le commerce des draps.
Nous y remarquons également des motifs amusants, comme, entre les deux galeries du campanile, la statuette d’un rôtisseur faisant allusion au sobriquet de « Kiekefretters » (mangeurs de poulets) donné aux Bruxellois.
De part et d’autre de la base du clocheton, rugissent les lions héraldiques du Brabant. Enfin, sur le couronnement, des gens de robe et des hérauts d’armes, des représentants des serments et des métiers proclament la gloire de Bruxelles.
Les façades du côté ouest de la Grand-Place
Au départ, entre la rue au Beurre et la rue de la Tête d’Or, un projet global existait également, en vue de créer une sorte de reflet de l’image que donnait, en face, la « Maison des Ducs de Brabant ». Finalement, c’est le contraire qui s’est produit ! Si le côté oriental de la place chante la grandeur du pouvoir central, le côté occidental est une ode au particularisme !
Au coin de la rue au Beurre, les boulangers ont construit une maison double « le Roi d’Espagne » et « Saint Jacques » dont la façade, du côté de la place, est dominée par des lignes horizontales. Le projet initial d’étendre ce style nouveau à toutes les constructions du côté occidental de la Grand-Place a dû être abandonné : en effet, à gauche, ces lignes devaient se poursuivre mais les façades des deux maisons attenantes, « la Brouette » et « le Sac », étaient déjà en pierre avant 1695. Elles ont survécu aux plans modernistes du gouverneur comme au bombardement. De nouvelles maisons furent construites contre les façades existantes. A leur gauche, deux nouvelles façades furent réalisées, sans doute les plus particularistes de toute la place.
Les sept maisons de l’ouest représenteraient la quatrième opération alchimique.
La première maison de ce groupe est celle du « Roi d’Espagne » ou « Maison des Boulangers », due à Jean Cosyns. Au fronton de l’édifice, la statue de Charles II d’Espagne, souverain des Pays-Bas au moment de la reconstruction de la place, indiquerait pour Paul de Saint-Hilaire, que la voie sèche en sept opérations a été introduite au départ de l’Espagne ! Le dôme octogonal qui couronne la maison figurerait l’athanor, le fourneau où l’Amalgame vient de s’opérer. Il est coiffé d’une Renommée avec banderole.
La façade est surmontée de sculptures allégoriques. Sept statues, enlevées en 1746, surmontaient l‘édifice. La restauration par Adolphe Samyn n’en a reproduit que quatre, figurant les quatre éléments : l’Air (Eole) et la Terre (Cérès, déesse romaine du Blé, assimilée à la divinité grecque Déméter, la grande déesse maternelle de la Terre), à gauche du dôme ; l’Eau (Neptune) et le Feu (Vulcain ou Vesta), à droite.
Au cours de la quatrième opération, l’Adepte doit en effet maîtriser le feu et user de l’air pour refroidir la matière, qui passe de l’état gazeux à l’état solide par le liquide.
Pour le profane, ces quatre statues centrales pourraient tout simplement représenter les éléments dont a besoin le boulanger pour fabriquer son pain : le blé, matière première ; le vent, représenté par un homme tenant un moulin à vent, utilisé pour moudre le blé ; l’eau, nécessaire au pétrissage de la pâte ; le feu, indispensable pour la cuisson du pain.
Mais ces statues peuvent conduire à une interprétation symbolique. Ce sont les quatre éléments grâce auxquels tout candidat Franc-maçon est purifié avant d’être reconnu Apprenti : l’épreuve de la Terre que le candidat subit dans le Cabinet de Réflexion (il meurt à la vie matérielle avant de renaître à une vie spirituelle) ; les épreuves de purification par l’Air et l’Eau (il s’affranchit de tout dogme, de tout enseignement profane et de toute philosophie préconçue) ; enfin la purification par le Feu grâce à laquelle le néophyte parvient à l’initiation pure (la flamme sacrée lui fait quitter sa position horizontale matérielle pour prendre la position verticale tendue vers l’univers spirituel).
Aux extrémités, on peut remarquer Hercule, avec sa massue, et Minerve, déesse romaine assimilée à Athéna (dont la chouette, symbole de Sagesse, est l’animal favori). Minerve tient dans sa main gauche un objet qui a toute l’apparence d’un sablier, image du choix entre le terrestre et le céleste, la possibilité d’un retour aux origines, à l’analyse de son être profond, analyse qui est suggérée au Récipiendaire dans le Cabinet de Réflexion. De plus, un coq est perché sur son bras, symbole de vigilance, annonciateur de la Lumière, et, du bras droit, elle serra contre elle une corne d’abondance, symbole de fécondité, de profusion gratuite des dons divins, devenue dans la suite des temps, l’attribut de la diligence et de la prudence qui sont aux sources de l’abondance. Ce coq et cette corne d’abondance, représentent aussi respectivement la Force et la Sagesse, nécessaires pour dominer les éléments et atteindre la Victoire, triomphant au sommet du bâtiment. Mais cette dernière statue, celle de la Renommée, d’une élégance et d’une beauté admirables, pourrait aussi être le symbole du troisième Pilier maçonnique : la Beauté.
Dans le même groupe de maisons, « le Cornet » était l’immeuble des bateliers. Cela explique la forme de la façade en poupe de navire mais rappellerait aussi qu’à la surface de la matière redevenue liquide au cours de cette opération se forme un résidu solide, que les traités d’alchimie appellent le Poisson, l’Etoile de mer ou la Nef. La présence d’une étoile à huit rais, représentée avec un Soleil et une Lune sous la scène où Triton capture le poisson, confirmerait cette interprétation.
Pour accéder à la coagulation, il faut de l’air froid, ce que rappelleraient les Quatre vents soufflant ensemble au gâble ou « le Cornet », enseigne de la maison. La fin de cette longue étape conduisant au dépôt de la poudre d’or justifierait le nom de « la Tête d’Or » donné à la dernière maison du groupe, rue de la Tête d’Or.
Le Roi d’Espagne
Construite à l’emplacement du manoir des ‘t Serhuyghs, aux numéros 1 et 2 de la Grand-Place, réalisation très moderne pour l’époque, et aussi plus classique que ses voisines, « la Maison des Boulangers » ou « le Roy d’Espagne », rappelle le style italien par sa balustrade et son petit dôme surmonté d’une charmante Renommée, due à P. Dubois, dont la trompette est souvent le perchoir d’un pigeon esseulé.
Si on en attribue les plans à Jean Cosyns, celui-ci est en tout cas, l’auteur des sculptures admirables de la façade d’une grande sobriété et où l’on décèle une note italo-flamande dans certains éléments de la décoration.
Au premier étage, on distingue quatre médaillons. Il s’agit de l’effigie des empereurs romains Marc-Aurèle, Nerva, Dèce et Trajan, choisis pour permettre une comparaison honorable avec le roi. Au second étage, sur un fond de drapeaux et entouré de deux prisonniers – un Turc et un Indien – un buste du roi d’Espagne, Charles II, qui gouverna les Pays-Bas Méridionaux jusqu’en 1700.
Le reste de la décoration rend hommage à Charles II, le dernier des Habsbourgs espagnols qui gouverna les Pays-Bas méridionaux.
Ce groupe sculpté devait expliquer que les boulangers comprenaient et soutenaient la politique de leur souverain : les Habsbourgs dirigeaient la lutte contre l’offensive ottomane turque, alors que la branche espagnole de la famille appuyait sa force sur ses possessions coloniales en Amérique Centrale.
On remarquera aussi l’enseigne « Den Coninck van Spagnien » ainsi qu’un chronogramme qui indique l’année de l’achèvement de cette maison : 1697.
Au-dessus de la porte d’entrée, les boulangers ont placé le buste en bronze doré de saint Aubert, leur patron. Il porte l’inscription :
« HIC QUANDO VIXIT, MIRA IN PAUPERES PETATE ELUXIT »,
qui signifie :
« Celui-ci se distingua pendant sa vie par une admirable pitié pour les pauvres ».
Une corbeille et des fruits sont posés sur l’archivolte interrompue.
La richesse notoire de la corporation des boulangers peut expliquer la profusion de dorures. Les comptes de la construction font notamment apparaître que la couronne du roi et les guirlandes étaient dorées.
La Brouette
De part et d’autre de l’enseigne de « La Brouette » se trouvent les mots « den Cruywagen » désignant la brouette et le mot « ‘t Vettewariershuys » qui rappelle que cet immeuble, situé au n° 3 de la Grand-Place, est l’ancienne maison corporative des graissiers, c’est-à-dire les marchands de produits laitiers et de volaille. Deux des quatre médaillons au-dessus du rez-de-chaussée représentent les brouettes plates qu’ils utilisaient pour amener le fromage et le beurre au marché.
Au rez-de-chaussée une première porte donne accès à la maison même. Une seconde porte, à gauche, débouche sur une ruelle devenue impasse. Autrefois, il y avait quatorze voies d’accès à la Grand-Place : sept rues et sept impasses.
En style italo-flamand, le rez-de-chaussée est en style dorique, le premier étage en style ionique ; le deuxième étage en style corinthien, et le troisième étage en style composite. Le pignon est orné de fleurs et de fruits. Le gâble est occupé par une statue de saint Gilles, patron des graissiers. L’inscription « Anno 1697 » précise en quelle année sa construction fut terminée.
Le Sac
Bâtie également sur le domaine démembré des ‘t Serhuyghs, « le Sac » (den Sack), située au numéro 4, était la propriété de deux corporations de métier et leur servait de local : les menuisiers ébénistes et les tonneliers. Comme pour sa voisine « La Brouette », le rez-de-chaussée, le premier étage et le deuxième font partie de la façade de 1644 qui échappa au catastrophique bombardement de 1695.
Mais un coup d’œil suffit pour remarquer que deux parties distinctes composent la façade. La première, simple, est caractérisée par l’application des ordres classiques. La seconde est richement décorée, même surchargée d’ornements. Comme l’architecte Antoine Pastorama était aussi ébéniste de profession, il a traduit dans le gâble les principes de la construction du bahut.
Au-dessus de la porte d’entrée, une curieuse enseigne montre un personnage tenant un sac dans lequel un autre plonge les mains. D’un point de vue maçonnique, il pourrait s’agir de deux Compagnons sur la route du Grand Voyage vers la Connaissance, qui s’entraident et qui partagent tout.
Le premier étage est orné de colonnes ioniques engagées, le second de colonnes corinthiennes également engagées. En dessous des fenêtres, une rangée de balustres ; sur les socles, les outils des ébénistes et tonneliers retenus par des rubans. La partie centrale fait saillie, simulant un balcon.
A partir du troisième étage, qui date de 1697, commence l’œuvre d’Antoine Pastorama. Sur les colonnes corinthiennes repose une très riche frise composée de cartouches, dont trois sont rehaussés d’une tête d’ange. Sur les socles des balustres, au-dessus des fenêtres des premier et deuxième étages, quelques outils d’ébénistes et de tonneliers sont retenus par des rubans. Nous y trouvons les outils qui sont présentés au Compagnon au cours de ses cinq voyages initiatiques. Le ciseau et le maillet de l’Apprenti y apparaissent au milieu des équerre, règle et compas, outils de vérification (rectitude dans l’action, précision dans l’exécution, mesure dans la recherche) ; du levier (la force intelligente, la volonté efficace, employée à bon escient) et du compas (qui représente l’esprit qui domine la matière et serait donc le symbole du couronnement du voyage effectué par les deux Compagnons en pleine activité, sculptés sur l’enseigne). Pour progresser sur la voie de la Connaissance, les deux Compagnons doivent utiliser judicieusement leurs outils, instruments indispensables au perfectionnement.
Autrefois, tout en haut, au faîte, le globe était surmonté d’un compas, instrument dont se servent aussi les ébénistes. Remarquons encore sur le plein cintre des fenêtres, une coquille et de lourdes guirlandes de fleurs et de fruits.
La Louve
Déjà mentionnée dès le 14e siècle, « De Wolf », « la Louve », comme ses voisines, a été bâtie sur le terrain détaché du « steen » des ‘t Serhuyghs. Construite en bois, elle était, depuis cette époque, la propriété du « Serment de l’Arc » (Gulde van den Handboog). Démolie en 1641, elle fut remplacée par une maison en pierre, dont nous ne connaissons pas le style. Construite d’après les plans du peintre Pierre Herbosch, qui fut reçu maître dans la corporation en 1673, elle fut ravagée par un incendie en 1690. Située au numéro 5 de la Grand-Place, « La Louve » fut acquise au 17ème siècle par la gilde ou serment des archers de saint Sébastien.
Elle venait d’être réparée lorsque, cinq ans plus tard, le bombardement la détruisit ! Sa troisième reconstruction se fit selon le plan original. Mais après la troisième campagne de construction, le serment fut ruiné et obligé de vendre sa maison et son champ de tir. Depuis, il dut louer un local dans le bâtiment qu’il avait lui-même réalisé.
Le style de cette maison date de la première période du style italo-flamand. Elle impressionne par son unité.
Dans les grillages du rez-de-chaussée composé de quatre massifs rustiques, on retrouve les noms de deux saints patrons du métier, à gauche Antoine et à droite Sébastien. Au milieu, une porte est surmontée d’un bas-relief montrant Remus et Romulus, les fondateurs légendaires de Rome, allaités par une louve.
Le casque, la cible, la cuirasse et le brassard peints entre les triglyphes de l’entablement indiquent la destination de la maison.
Sur le gâble, sous le phénix qui resurgit de ses cendres, on distingue le chronogramme suivant :
CoMbUsta InsIgnIor resUrreXI eXpensIs sebastIanae gULDae
(Brûlée je ressuscitai plus glorieuse par les soins de la gilde de Sébastien)
Les lettres que nous avons mises en évidence constituent une référence à la reconstruction en 1691 :
M = 1000 ; D = 500 ; C = 100 ; L = 50 ; 2 x X = 20 ; 3 x U = 15 ; 6 x I = 6.
Sur la troisième version du bâtiment, après le bombardement, on trouvait un autre chronogramme :
stUpes qUoD tertIo CInIs gLorIosIor eXsUrgo, phoenIX sUM
(Etonne-toi de me voir pour la troisième fois ressusciter de mes cendres plus glorieux que jamais, je suis le phénix).
Le texte rappelait également l’année de construction, soit 1696 :
M = 1000 ; D = 500 ; C = 100 ; L = 50 ; 2 x X = 20 ; 4 x U = 20 ; 6 x I = 6.
Ce chronogramme n’existe plus. Il faisait allusion à la triple reconstruction de la maison en 1641, 1691 et 1696.
Les pilastres du second étage supportent des statues portant des inscriptions latines :
- « HIC VERUM » (Ici la Vérité),
- « FIRMAMENTUM IMPERII » (Le Soutien de l’Empire),
- « HINC FALSUM » (Là, la Fausseté),
- « INSIDIAE STATUS » (Les embûches de l’Etat),
- « PAX SIT SALUS GENERIS HUMANI » (Que la Paix soit, symbolisant le salut du genre humain),
- « DISCORDIA LONGE » (Que la Discorde soit éloignée),
- « EVERSIO REIPUBLICAE » (Ruine de la république).
Enfin au-dessus du fronton se dresse le Phénix renaissant de ses cendres, et on peut lire :
« COMBUSTA INSIGNOR RESURREXI EXPENSIS SEBASTIANAE GULDAE »
(Brûlée je ressuscitai plus glorieuse par les soins de la Gilde de Sébastien).
Toute la partie centrale de la façade est éclairée par un symbolisme allégorique. Au-dessus du troisième étage se trouvent quatre médaillons qui représentent des empereurs romains. Sous les médaillons, la décoration fait le lien entre les empereurs et les allégories.
Agencés de manière rationnelle, de gauche à droite :
- la VERITE est surmontée par un soleil éclairant le monde, allusion à Trajan, dont le sérieux, la ténacité, l’équilibre moral et l’équité firent un administrateur remarquable ;
- la cage d’oiseau et le filet qui se trouvent au-dessus de la FAUSSETE font allusion à la ruse et à l’astuce qui valurent à Tibère une si fâcheuse renommée ;
- le globe terrestre qui domine la PAIX symbolise la paix et la prospérité que fit rayonner Auguste sous l’empire romain ;
- le cœur saignant et les flambeaux entrecroisés, qui surplombent la DISCORDE, rappellent les guerres civiles qui troublèrent la république notamment sous César.
La présence de lyres sur le balcon du premier étage trouve son explication dans le bas-relief représentant Apollon dans le tympan triangulaire de la façade.
La mythologie nous apprend que pour se venger de la mort de son fils Esculape, foudroyé par Zeus pour avoir ressuscité Hippolyte, fils de Thésée, roi d’Athènes et amant de Phèdre, sa belle-mère, Phébus Apollon, fils de Jupiter et de Latone, avait tué les Cyclopes, fils de Zeus, qui avaient forgé la foudre. Fou de rage, Zeus le condamna à un exil d’un an sur terre, séjour au cours duquel il garda les troupeaux. Il reçut une lyre des mains de son demi-frère Hermès, en échange de son troupeau, dont ce dernier avait d’ailleurs volé une partie. La lyre devint l’instrument favori d’Apollon qui pouvait en jouer aussi bien à l’endroit qu’à l’envers.
Quant à la présence de carquois et de flèches, leur relation avec la gilde des archers parle de soi, mais leur présence peut également s’expliquer grâce à Apollon, le dieu archer.
Dieu solaire, dieu de Lumière, Apollon est parvenu à dominer en lui les oppositions pour finir en idéal de sagesse. Il a réalisé l’équilibre et l’harmonie, non en supprimant les pulsions humaines, mais en les orientant vers une spiritualisation progressive, fruit d’une conquête par le travail. Il est le symbole de la maîtrise de soi dans l’enthousiasme.
Toutes ces références à l’Antiquité distillaient un double message : les archers étaient aussi vaillants que les héros antiques et aussi doués que les grands humanistes, connaisseurs du monde gréco-romain.
Enfin, en ce qui concerne le phénix, doué d’une extraordinaire longévité, il a le pouvoir, après s’être consumé sur un bûcher, de renaître de ses cendres. Il est donc symbole de résurrection, d’immortalité, de résurgence cyclique. Ce n’est pas parce qu’il est devenu Maître que le Franc-maçon a atteint la perfection. Il devra sans cesse se remettre en question, lutter contre des pulsions qu’il croyait avoir maîtrisées et continuer à travailler au Grand Œuvre. Par chacune de ses victoires, il renaîtra ! Par chacune de ses hésitations, il redeviendra Apprenti, mais son expérience et sa sagesse, acquises progressivement, le soutiendront dans son long chemin vers la lumière.
Au fond, cette façade qui est une des plus riches et des plus merveilleuses de la Grand-Place, pourrait symboliser la vie du Franc-maçon qui jamais n’est arrivé, mais qui chemine lentement sur la voie vers la perfection.
Chacune des interprétations ci-dessus peut être mise en doute : au 17e siècle, les serments avaient dégénéré depuis longtemps en associations de détente pour la bourgeoisie ; leur niveau intellectuel était celui de rhétoriciens et souvent ne dépassait pas la « rimaillerie » paysanne. Mais même si le message ne correspond pas à la réalité, il est, somme toute, fort bien amené.
Le Cornet
« Le Cornet », situé au numéro 6, était la maison des Bateliers. Elle date de 1697. C’est une des belles entre les belles. Le fronton rappelle la poupe d’un navire du 17e siècle. Que d’élégance dans l’envolée des chevaux-marins montés par des cavaliers ! A remarquer : des tritons, des dauphins et le magnifique élancement d’un vaisseau fastueusement décoré et voguant dans les nuages.
Exemple typique du style italo-flamand arrivé aux termes de son évolution, la maison des bateliers s’appelait primitivement « den berg » (la montagne). Les bateliers l’acquirent en 1434 et elle est sans doute l’une des plus originales de la série.
Un cornet, emblème de la maison, est placé dans un bas-relief qui sépare le rez-de-chaussée de l’entresol. Dans la partie supérieure qui reflète une note très personnelle de l’architecte – ébéniste Antoine Pastorana, on reconnaît des ancres, cordages et autres ornements empruntés à la batellerie.
Au centre, un poisson est capturé par un triton, et l’ensemble de cette décoration est surmonté d’un médaillon du roi d’Espagne, Charles II. Deux lions supportent l’écusson royal. Quant à la balustrade, elle attire l’attention par sa similitude avec le garde-fou d’un bateau de l’époque.
Le Renard
Situé au numéro 7, « le Renard » était le lieu de réunion des merciers, qu’en néerlandais on appelait aussi des « kramers ». Le nom de ce métier se retrouve dans les mots néerlandais « marktkraam » et français « mercerie ». Les merciers réunissaient des petits commerçants de diverses espèces.
Reconstruite par les merciers en 1699, à l’emplacement qu’ils occupaient déjà dans la première moitié du 15e siècle, sa dernière restauration remonte à 1883.
Au rez-de-chaussée et à l’entresol, les trois pilastres se fondent dans deux cariatides.
Des bas-reliefs, entre le rez-de-chaussée et l’entresol, symbolisent des amours exerçant le métier de mercier et se livrant aux occupations relatives à la mercerie. On y distingue, de gauche à droite, des enfants vendant des rubans, des étoffes, de la passementerie ; la teinture du drap dans un atelier de teinturier et la fabrication de la faïence dans un atelier de faïencier.
Au premier étage, cinq statues dues à Julien Dillens, expliquent avec quels scrupules les merciers font du commerce et de quelle distance viennent les produits qu’ils présentent. Ces statues symbolisent :
- « la Justice », primordiale pour le commerce, reconnaissable à ses yeux bandés, tenant en mains le glaive et la balance.
A sa gauche et à sa droite, les quatre parties du monde connues à l’époque et d’où provenaient les métaux précieux vendus par la profession :
- « l’Afrique », qui est une noire ;
- « l’Europe », qui tient une corne d’abondance ;
- « l’Asie » dotée de l’encens et de l‘ivoire ;
- « l’Amérique » et son or.
L’Océanie ne s’y trouve pas car Cook ne l’avait pas encore découverte !
Tout en haut se dresse la statue de saint Nicolas, patron des merciers, due à Jean-André Laumans.
La Tête d’Or
Située juste à côté du « Renard », « la Tête d’Or » déjà connue au 14ème siècle, était le siège de la confrérie des menuisiers en bois blanc. En 1762, l’Académie de peinture, de sculpture et d’architecture y fut établie dans une salle du premier étage. Cette maison appartient au cadre de la Grand-Place. Restaurée en 1939-40, la ville a eu l’heureuse idée de l’acquérir.
Pour Paul de Saint-Hilaire, le groupe de maisons qui décrirait la cinquième opération alchimique commence par la Demi Lune, située rue de la Colline, immédiatement après la galerie Agora et se termine à la « Fortune », au numéro 15 de la Grand-Place.
On y observe un croissant de lune entre une lanterne allumée, signifiant que le feu brûle dans l’athanor, et une chauve-souris, mammifère ailé de malheur qui avertirait que cette opération est dangereuse pour celui qui se mettrait au fourneau sans posséder les capacités requises.
« La Balance » indiquerait qu’il lui faut peser les matières avec précision. Ainsi, l’enseigne de « la Colline », qui montre trois monticules, rappellerait qu’il faut mettre en œuvre trois fois plus de matière que l’on obtiendra d’argent après transmutation. Au terme de ces manipulations, la Fortune sourira à l’Adepte et multipliera la mise, comme l’indiquerait la Corne d’abondance. Mais pour terminer cette phase, il faut encore une nouvelle coction à feu vif, le feu de la roue, ce qu’indiquerait la Roue sous les pieds de la Fortune.
La Maison des Ducs de Brabant
Sa structure
Toute la façade orientale de la Grand-Place est occupée par la façade de « la Maison des Ducs de Brabant ». Ce nom est trompeur : les ducs n’ont jamais habité cet édifice et leur administration n’y a jamais été installée. Cette appellation semble due au nombre impressionnant de bustes des ducs de Brabant qui ornent les colonnes de la façade.
Le singulier du mot « maison » est également trompeur car derrière une façade commune se cachent six bâtiments indépendants voire même sept si l’on tient compte d’une porte donnant accès à une arrière-maison appelée « La Renommée » située à l’extrême droite du bâtiment. Les six autres entrées sont réunies, deux par deux, en trois perrons.
Chacune de ces maisons a un nom particulier. De gauche à droite : « La Bourse », « La Colline », « Le Pot d’Etain », « Le Moulin à Vent », « La Fortune », « L’Ecrevisse ou l’Ermitage », toutes construites sur l’emplacement du « steen » de la famille Meynaert. Plusieurs d’entre elles ont appartenu à différentes corporations.
Avant 1695 se trouvait à cet endroit un complexe, réalisé par les autorités de la ville, en collaboration avec deux corporations de métier. Après le bombardement, le magistrat vendit sa part pour financer la reconstruction de la ville. Dans la vente de ses parcelles, il stipula que les nouveaux propriétaires devaient construire selon les plans de l’architecte Guillaume De Bruyn. Les deux corporations de métier se virent imposer la même obligation quand elles demandèrent l’autorisation de contracter un emprunt.
« La Maison des Ducs de Brabant » fut terminée en 1698. Une importante restauration fut entreprise en 1882 et dura sept ans. A différents endroits on peut observer des cartels qui portent des outils utilisés par les corporations propriétaires des maisons.
Ainsi, il n’est pas étonnant de découvrir sur la façade de la maison « La Colline » - « Den Heuvel » qui appartenait au métier des Quatre Couronnés (sculpteurs, tailleurs de pierre, maçons et ardoisiers), un vaste cartel chargé d’outils d’artisan : le maillet et le ciseau, le fil à plomb, l’équerre et la truelle. Faut-il rappeler que la truelle est le symbole de la fraternité universelle qui unit les Maçons, le symbole de cet amour fraternel qui est le ciment véritable que les ouvriers doivent employer pour l’édification du Temple et la réalisation de son unité ?
Analyse de sa façade
L’édifice dans son ensemble rappelle un palais italien, mais sa façade reflète le goût flamand, ce qui résulte en un ensemble plein de charme et d’élégance, rythmé par dix-neuf travées : trois par maison et une dix-neuvième pour « La Renommée ». Dans la partie inférieure, dix-neuf pilastres servent de socles aux bustes des ducs de Brabant. Le fronton central accentue l’unité de cet ensemble.
Même si cette façade est la plus classique de la Grand-Place, elle ne répond pas à cent pour cent aux normes classiques. Normalement, elle aurait dû être alignée sur une ligne droite, mais, dans ce cas, il aurait fallu soit reculer le bâtiment, soit déplacer la rue de la Colline ! Finalement, l’alignement fut incliné afin que la partie gauche de la façade soit dans l’axe de la rue de la Colline, alors que le reste est à angle droit sur la place.
L’individualité des six parcelles s’exprime dans les oculus au-dessus de la travée centrale de chaque maison. Ces fenêtres remplacent les anciens gâbles, mais cela se remarque moins depuis que celles du milieu ont dû céder la place au nouveau fronton.
La différence dans les ornements des façades indique également l’existence des six maisons. Les médaillons des quatre parcelles centrales font référence aux corporations de métier qui en ont été propriétaires. Les corporations de métier qui ne possédaient pas de maison louaient un local.
De nombreuses salles des « Ducs de Brabant » étaient utilisées à cette fin. Les locataires changeaient souvent de local. Contrairement aux propriétaires, ils ne laissaient pas de traces dans l’aspect du bâtiment.
La sixième opération alchimique serait évoquée par le groupe sud, qui commencerait en fait avec les deux dernières maisons du groupe est.
Cette opération commence par l’étude recueillie dans « l’Ermitage ». L’Adepte est plongé dans un grimoire ; un pèlerin lui apporte ses provisions, dans un sac ou un seau. Les matières doivent à nouveau passer à l’état volatil, sous l’effet du feu, comme l’indiquent les ailes de la Renommée claironnant. Elles passent par les Trois Couleurs, blanc, jaune, rouge. Le moment est venu de récolter les fruits de l’œuvre alchimique avec l’Arbre d’Or.
Le tonneau de la putréfaction, qui contient la récolte, est roulé sur un bas-relief au deuxième étage par six enfants nus (la sixième opération). Le tonneau est rempli de bière et le houblon grimpe aux colonnes. Sur le gâble, deux dauphins ailés : la réussite n’a été acquise que parce que les matières liquides ont été poussées au volatil.
La statue équestre de Charles de Lorraine, passionné d’alchimie, qui surmonte l’édifice, ne date que de 1752. Ses armoiries sont entourées du collier de la Toison d’or. Des feuilles d’armoise, l’herbe de saint Jean, évoqueraient son appartenance maçonnique.
Le Cygne, battant des ailes, indiquerait qu’il faut ouvrir le vase dans lequel s’est déroulée l’opération et laisser échapper les gaz accumulés, lourds comme un envol de cygne.
Enfin, l’Etoile est l’astre des alchimistes ; elle brille de son plein éclat comme la pierre obtenue.
Les maisons entre la rue Buls et la rue des Chapeliers devaient également constituer un ensemble. Deux ailes devaient se joindre à la façade centrale de « L’Arbre d’Or ».
Comme en face, à « La Chaloupe d’Or », seule cette dernière partie fut réalisée. Au-dessus fut placée une statue du gouverneur, celle qui, à l’origine, devait couronner « La Chaloupe d’Or ».
Les façades du côté sud-ouest de la Grand-Place
Observons à présent les édifices situés entre la rue Charles Buls et la rue des Chapeliers.
L’Etoile
Déjà mentionnée au 13ème siècle, « l’Etoile » est l’une des plus vieilles maisons de la Grand-Place. Située au numéro 8, elle est devenue plus tard le bureau de l’ « Amman ». C’est de son balcon que le représentant officiel de la ville regardait tomber les têtes !
Louis de Maele y planta son étendard en 1356. Quelques mois plus tard, Evrard ‘t Serclaes, échevin de Bruxelles, y fut transporté, mutilé, après avoir délivré la ville des mains du Comte de Flandre. Il y mourut en 1388.
La plus petite de la Grand-Place, la maison de « l’Etoile » fut incendiée en 1695 et reconstruite en pierre. Démolie en 1852 sous prétexte d’élargir l’accès vers la place, c’est le Bourgmestre Charles Buls qui la sauva en prenant l’heureuse initiative de la faire reconstruire sur arcade et colonnades en 1897 permettant ainsi le passage des piétons.
Sa façade est d’une grande sobriété. Quatre pilastres sont ornés d’un chapiteau et son gâble se termine par un couronnement en triangle orné d’une étoile.
Sous les arcades de l’Etoile :
- Plaque commémorative à Charles Buls
Ce sont deux Francs-maçons qui ont collaboré pour la conception de cette plaque : l’architecte Victor Horta et le sculpteur Victor Rousseau. Cette plaque commémorative a été érigée en 1899 en l’honneur de Charles Buls, bourgmestre franc-maçon de la ville, qui a su émouvoir ses contemporains et leur insuffler le feu nécessaire pour œuvrer à la sauvegarde de la Grand-Place, chef-d’œuvre émouvant du passé, en témoignage de gratitude pour les services rendus aux artistes et pour son rôle considérable dans la préservation de la ville. Promoteur actif et éclairé des travaux de restauration, il en fit respecter les beautés.
Cette plaque, qui renvoie aux convictions philosophiques du bourgmestre Charles Buls, a été symboliquement placée sous les arcades de la maison de l’Etoile située au n° 8.
Que peut-on y observer ?
A gauche, une jeune femme assise médite. Elle tient en main un compas, symbole de la mesure à garder en toute chose et de la perfection à rechercher, ainsi qu’un plan déroulé. Elle personnifie ainsi l’architecture et rend hommage aux Maîtres architectes.
Au centre, on peut observer une allégorie du début de la recherche ésotérique. Un adolescent, debout, symbolise l’humanité dans sa marche progressive, guidé par la lampe à huile allumée, emblème de la Lumière éternelle, qu’il tient au bout de son bras tendu, symbole de lumière, mais aussi d’immortalité, au même titre que les feuilles d’acacias.
La plaque commémorative est précisément rehaussée d’une branche d’acacia. L’acacia fleurit dans le désert. Il est le symbole de la renaissance grâce auquel les maîtres maçons ont identifié la tombe du maître Hiram, l’architecte du Temple de Salomon, assassiné par les mauvais compagnons.
- Bas-relief commémorant Evraerd ‘t Serclaes
Chaque plaque raconte chacune un épisode héroïque de la vie de ‘t Serclaes : la reprise de Bruxelles, la rentrée solennelle de Jeanne et Wenceslas, l’agonie du héros. La fin tragique de ce héros est par ailleurs contée par un chapiteau de l’hôtel de ville.
Le premier bas-relief rappelle l’exploit de ‘t Serclaes délivrant la ville des troupes du comte de Flandre, Louis de Male, dans la nuit du 24 octobre 1356. Il porte la devise « Avec main et dent pour ville et pays ».
Le deuxième bas-relief montre l’entrée dans la ville de Jeanne et Wenceslas, les souverains légitimes.
Le troisième décrit la destruction du château de Gaesbeek par les Bruxellois en 1388. Le peuple, furieux de l’assassinat de son héros, mit le siège devant la forteresse et l’incendia. Les assiégeants, avant de partir, n’avaient pas négligé leur estomac. Ils s’étaient munis de victuailles, surtout de poulets rôtis qui étaient leur mets favori. L’incident leur valut le sobriquet de « Kiekefretters » (mangeurs de poulets). A droite du bas-relief, nous voyons une femme qui tire d’un panier une superbe poule.
Le bras d’Evraerd ‘t Serclaes porte les traces d’attouchements, de même que la tête d’un chien éploré. Une coutume toute récente, datant de 1932 environ, veut que tout Bruxellois passant par la rue Charles Buls, touche en passant le bas-relief, aux endroits indiqués et que ce geste rituel lui porte bonheur pendant la journée.
Ce monument est devenu depuis longtemps déjà le symbole de chance et de porte-bonheur.
Le Cygne
Les bouchers acquirent « le Cygne », situé au numéro 9, pour en faire leur maison corporative. Elle date de 1698. Mais ce n’est qu’en 1904 que Charles Samuel en exécuta les statues : « Abondance », « Agriculture » et « Boucherie » qui ornent l’attique. On observera également une belle enseigne au-dessus de la porte.
« La Maison du Cygne » est un ancien cabaret. Elle fut relevée de ses cendres en 1698. C’est en 1720 qu’elle devint la maison des bouchers qui en firent le siège de leur corporation. Ici l’influence du style Louis XIV dans le balcon, les balustres, les fenêtres même, tranche nettement. Avec « Le Cornet », « le Cygne » est la seule maison de la Grand-Place à ne pas reprendre les trois ordres classiques.
Quelle simplicité dans la façade ! La construction du balcon – qui nécessita une autorisation officielle – constituait une innovation en architecture.
L’inscription sur le socle de la stature du milieu annonce au passant que la maison a été surélevée en 1720 avec l’argent provenant de la vente de la laine :
« HAEC DOMUS LANAE EXALTATUR »
Karl Marx y anima de nombreuses réunions. Toujours en prise à des difficultés financières, la famille Marx eut six domiciles différents à Bruxelles. C’est aussi dans cette maison que fut créé, le 5 avril 1885, le Parti Ouvrier Belge, sous la présidence de Louis Bertrand, tout comme le fut l’organe quotidien « Le Peuple ».
L’Arbre d’Or
Mieux connue de nos jours sous l’appellation « Maison des Brasseurs », « l’Arbre d’Or », situé au numéro 10, est l’œuvre de Guillaume De Bruyn.
Au 13ème siècle, cette maison s’appelait « de Hille », mot qui fut traduit erronément par « l’Enfer » et qui, en réalité, veut dire « la colline ». Au 15ème siècle elle appartenait aux tanneurs. Les tapissiers en firent l’acquisition puis la revendirent aux brasseurs qui la firent reconstruire après le bombardement de 1695 et l’occupent encore.
L’architecte a introduit ici un nouveau style à colonne unique engagée. Quatre grandes colonnes reposent sur des socles.
Nous retrouvons dans la décoration du fût des épis de blé et des feuilles de houblon rappelant la fabrication de la bière : les « Vendanges », le « Transport de la Bière » et la « Cueillette du Houblon », sont des bas-reliefs dus à Pierre Van Dievoet.
Une statue de pierre représentant l’Électeur de Bavière Maximilien-Emmanuel se trouvait autrefois au sommet de cette maison. Elle avait été exécutée par Marc de Vos, mais la pierre employée était de très mauvaise qualité et ne résista que peu de temps aux intempéries. Lorsqu’elle se mit à tomber par morceaux sur la tête des passants, il fallut se résoudre à la descendre de son piédestal.
En 1752, la statue équestre du gouverneur Charles de Lorraine remplaça celle de l’Électeur de Bavière. Elle était l’œuvre de Nicolas Van Mons. En 1793, elle fut mise en lieu sûr après la destruction de celle de la Place Royale. Elle fut replacée lors du retour des Autrichiens pour disparaître après la seconde invasion française. La statue actuelle fut exécutée par Joseph Lagae en 1901, d’après un modèle de Joseph Jacquet, datant de 1854.
« L’Arbre d’Or » ou « Maison des Brasseurs » abrite aujourd’hui un charmant petit musée de la bière dans lequel on peut observer la reconstitution fidèle d’une brasserie du 18e siècle et admirer notamment une superbe collection d’anciennes poignées de pompes en vieux Bruxelles.
La Rose
Située au numéro 11, cette maison fut reconstruite en 1702 et porte le nom de ses propriétaires, les Van der Rosen qui la possédaient au 15ème siècle et avaient vraisemblablement adopté le nom de la maison qu’ils habitaient. Cette demeure bourgeoise reflète les caractères des trois ordres classiques. La construction est surmontée d’un gracieux fronton à pignon. C’est le type de l’habitation bourgeoise.
Le Mont Thabor
Il s’agit cette fois d’une maison bourgeoise qui date de l’année 1699. Sa façade est décorée de balustres et de guirlandes. Dans le pignon à volutes, on reconnaît le souvenir du gâble à redents.
Cette maison s’appelle aujourd’hui « Aux Trois Couleurs ». C’est également une maison de bourgeois.
L’hôtel de ville symboliserait la septième opération alchimique. Pour Paul de Saint-Hilaire, les douze arcades de l’aile gauche, porche compris, rappelleraient que la première méthode pour obtenir la Pierre philosophale consistait en douze opérations.
L’aile droite, par contre, compte sept arcades et symboliserait « la voie courte ». Il faut toutefois rappeler que cette structure de l’hôtel de ville est bien antérieure à la reconstruction de la Grand-Place. Aux chapiteaux du rez-de-chaussée de l’aile droite, on voit, au bout, Ariane dévidant un fil, saisi par l’Adepte au chat. Suit le feu de Roue, qui rend la matière liquide, puis volatile. Il faut tant de combustible que chaises entassées sont jetées à la pelle dans le foyer, comme le fit l’alchimiste Palissy avec son mobilier.
Une interprétation plus prosaïque réfère au nom d’une ancienne maison qui occupait l’emplacement, « de Scupstoel », c’est-à-dire « l’estrapade », décomposé en un rébus formé des mots « scup », la pelle, et « stoel », la chaise.
La coagulation intervient les pieds dans l’eau du cuvier, précédant la multiplication obtenue grâce au bois consumé et exprimée aux clés de voûte par celle des Têtes d’or.
Au sommet de la tour, l’archange saint Michel serait le substitut de Mercure ; il terrasse le Diable, ou le Soufre. Saint-Hilaire indique encore que, lors de travaux de restauration de cette girouette bardée de feuilles d’or en 1841, on trouva dans la sphère en cuivre de son pivot, une boîte en fer, contenant dans un étui de plomb une pièce d’argent, gravée d’inscriptions supposées alchimiques !
Pour voir la suite ( L'Hôtel de Ville de Bruxelles ) : cliquez ICI
A. B.
votre commentaire -
Par Dans mes malles le 15 Décembre 2015 à 17:39
Visite de la Grand-Place de Bruxelles
Première partie
Localisation de l’antique marché
Il est difficile d‘assigner une date précise et certaine à la création du marché primitif de Bruxelles. Celui-ci s’est probablement créé dès l’époque où la ville s’est formée, c’est-à-dire au 11ème – 12ème siècle.
Jusque-là il n’existait qu’un château fort, un « castrum », situé dans l’île Saint-Géry, château édifié par Charles de France, duc de Basse-Lotharingie, dans le but de protéger la route marchande qui unit le Rhin à l’Escaut et le long de laquelle des villes se sont formées, soit au passage d’une rivière, soit au pied d’un château fort.
A partir du 11ème siècle mais surtout au 12ème, le Brabant, qui était resté longtemps agricole, se réveille économiquement et devient une région de villes. Les relations commerciales suivies entre Cologne, métropole du Rhin, et les villes de Flandre, Gand et Bruges, ont déterminé cette profonde transformation. Sur cette route commerciale se produisait un va-et-vient permanent de marchands.
« Bruocsella » est précisément née à côté de ce « castrum », dans une île de la Senne où la rivière devenait navigable, et s’est développée grâce à sa situation sur la route commerciale entre Bruges et Cologne. Cette route traversait le site primitif de « Bruocsella ». Elle correspondait au tracé des actuelles chaussée de Gand, rue de Flandre, rue Sainte-Catherine, rue Marché-aux-Poulets et rue du Marché-aux-Herbes.
Cette route empierrée, dénommée « Steenweg », s’articulait d’une part sur un embranchement du « diverticulum » – ancienne voie de communication romaine devenue voie agricole – qui suivait approximativement l’actuelle rue de la Montagne, en direction de la chapelle Saint-Michel édifiée sur le « Treurenberg » ; d’autre part, ce « Steenweg » se prolongeait également, au bas de la rue de la Montagne, par la voie d’accès au château qui suivait l’actuelle rue de la Madeleine et la Montagne de la Cour jusqu’au Coudenberg.
C’est tout naturellement le long de cette route que naquit le premier marché, rendez-vous des commerçants, des artisans et des acheteurs, endroit où les marchands pouvaient pratiquer leur négoce, et les artisans, écouler les produits de leur industrie. Il est facile d’imaginer que c’est à ce carrefour (photo ci-contre) que se situa logiquement le marché primitif de « Buocsella » tandis que l’espace occupé actuellement par notre Grand-Place actuelle n’était vraisemblablement qu’un marécage.
Il semble bien, en effet, qu’un marécage s’étendait depuis l’emplacement actuel de l’hôtel de ville jusqu’à l’ancienne boucherie. Tout autour de ce marécage, le sol était sablonneux.
L’histoire de la Grand-Place, du Marché ou du « Nedermerct » se confond presque avec l’histoire de la cité elle-même. C’est autour du marché que s’est déroulée l’enfance commerciale et industrielle de la ville, que les marchands ont édifié les premières maisons, le jour où l’économie urbaine naissante refoula la vieille économie agricole et transforma le sol rural en terrain à bâtir.
Les origines de la Grand-Place
Topographie primitive
Des observations géologiques jointes à l’étude des lieux-dits ont permis à Guillaume Des Marez d’établir la topographie primitive de la Grand-Place.
Dans le fond de la Grand-Place, une colline de sable se relevait sensiblement et on peut remarquer aujourd’hui encore que le niveau aux deux extrémités de la place est sensiblement différent.
La toponymie témoigne de l’état du sol. Une des maisons s’appelle « den Heuvel » (la Colline), et la rue avoisinante porte le nom caractéristique de « Heuvelstraat » (rue de la Colline). D’autres dénominations font allusion à l’ancien marécage. Une maison s’appelait « Au Marais » tandis que la rue de Tabora, voisine de l’église Saint Nicolas, portait à l’origine le nom significatif de « Broeckstraat » ou « rue du Marais ».
Le niveau monte
A travers les siècles, le niveau de la Grand-Place s’est sensiblement élevé. Au-dessus du pavé primitif du 11ème – 12ème siècle, qui gît à une profondeur de 1 m 20 environ, sont venues se poser des couches successives de sable et de terre : chaque repavage a provoqué un exhaussement du terrain.
Ce serait une erreur de croire que le Marché ait eu, dès son origine, la forme rectangulaire que nous lui connaissons aujourd’hui : ce marché primitif devait être le résultat d’une formation spontanée, naturelle, inconsciente, sans plan préconçu, au gré des besoins successifs. Il devait présenter les mêmes irrégularités que les rues. Nous pouvons aisément imaginer qu’aucun alignement n’était respecté entre les maisons, construites en bois, et qui étaient isolées par des allées dans le but de diminuer les dangers d’incendie. De plus, des espaces vides, vagues ou cultivés, séparaient les demeures. Des flaques d’eau permettaient aux chevaux et au bétail de s’abreuver. Quelques habitations pouvaient être situées au fond d’une cour, d’autres entourées d’un jardin.
Avec le temps, la nouvelle place est devenue bien plus qu’un marché. Point de rencontre de toute une population, son rôle social a gagné en importance. Des événements tragiques ou glorieux y ont été célébrés ; des festivités somptueuses s’y sont déroulées en présence des souverains régnants : tournois, joutes, processions religieuses, parades militaires...
Au 13e siècle, conscients de la nécessité d’une esthétique urbaine, les Magistrats ont ordonné le recul de certaines demeures ou en ont fait avancer d’autres, dans le but de former un espace aux maisons plus ou moins alignées, plus propice au bon déroulement des activités économiques et autres d’une ville digne de ce nom.
La justice y était rendue sous le regard de « l’amman » de Bruxelles, justicier qui exécutait les sentences au nom du souverain. Les lois et ordonnances étaient lues au peuple du haut du balcon de l’hôtel de ville.
Le bombardement de 1695
On a souvent parlé du bombardement de Bruxelles de 1695, un événement qui allait complètement modifier la physionomie de la ville et que Napoléon traita d’ « aussi stupide qu’inutile ». Il eut lieu pendant la guerre entre Louis XIV et les Alliés ligués par un accord conclu à Augsbourg. Tandis que Guillaume III faisait le siège de Namur, Louis XIV fit marcher les 70 000 hommes du maréchal de Villeroy sur Bruxelles afin d’obliger les alliés à lever le siège de Namur.
Le 11 août 1695, le maréchal de Villeroy établit son quartier général dans le couvent des Minimes à Anderlecht. Le gros de ses troupes s’adossait aux villages d’Itterbeek et de Dilbeek d’où l’on découvrait aisément l’ensemble de la ville. Le 13, l’ennemi arma ses batteries – 18 pièces de gros calibre et 25 mortiers – installées derrière la ferme de Ransfort, sur le territoire de Molenbeek-Saint-Jean. Vers 19 heures, le bombardement commença. La tour de l’hôtel de ville était prise comme point de mire car elle constituait un dangereux poste d’observation d’où l’on suivait beaucoup trop bien les mouvements des troupes françaises. Les bombes et les boulets chauffés au rouge s’abattirent sur le centre de la cité durant toute la nuit, y allumant l’incendie de centaines de maisons. Le lendemain, le 14 août, le bombardement recommença vers 9 heures du matin pour ne cesser que vers 16 heures. Trois mille bombes et douze cents boulets rouges avaient été lancés. De plus, un fort vent d’ouest ayant activé les foyers d’incendie, le cœur de la ville était devenu un immense brasier. Lorsque celui-ci fut maîtrisé, la population se rendit compte de l’importance de la catastrophe. Trois mille huit cent trente immeubles avaient été anéantis. Quatre cent soixante autres étaient fortement endommagés et, parmi eux, des monuments publics, entre autres l’hôtel de ville, avec ses inestimables tableaux de Roger van der Weyden, peintre officiel de Philippe le Bon, la Halle aux Draps, la Maison du Roi, la Boucherie communale ; des hôtels seigneuriaux comme l’hôtel d’Aremberg, l’hôtel Bergeyck, l’hôtel Arschot ; des églises comme Notre-Dame de la Chapelle et l’église Saint Nicolas, et de nombreux couvents.
Dès le lendemain du désastre, les Bruxellois reprirent courage. Ils déblayèrent les ruines, les rues furent dégagées et les plus gros dégâts réparés. Après ce bombardement de terreur, la reconstruction coûta une fortune. Le Magistrat se préoccupa aussitôt de la reconstruction de la Grand-Place et invita les corporations à contribuer à la reconstruction du centre. Chaque corporation se fit un point d’honneur à réaliser la plus belle de toutes les maisons de la Grand-Place ! La moitié de Bruxelles fut donnée en hypothèque à de grands commerçants anversois, dont les capitaux dormaient depuis la fermeture de l’Escaut en 1648.
Sagement inspiré, le Magistrat promulgua une ordonnance enjoignant aux propriétaires de ne relever leurs maisons qu’après en avoir fait approuver les plans par l’autorité communale. Cette ordonnance explique l’unité de la Grand-Place d’aujourd’hui, son harmonie et sa beauté. Les maisons de bois furent remplacées par des maisons de pierre bien alignées. Caractéristiques des constructions du Moyen Age, les étages surplombants furent supprimés.
Les magnifiques façades des maisons de métiers sur la Grand-Place sont le résultat de cette reconstruction. Elles revêtent leur état actuel à la fin du siècle dernier, lors de la restauration de la place, qui s’inspire des dessins du 18ème siècle. Contrairement à ce que l’on pense souvent, ces maisons n’ont aucun rapport avec l’âge d’or des métiers : elles n’ont été construites que deux siècles plus tard !
Reconstruction de la Grand-Place en style italo-flamand
Les maisons bordant la place ont été reconstruites dans les quelques années qui suivirent le bombardement de Bruxelles, suivant les dispositions du règlement de bâtisse imposées par le magistrat urbain et dû à Guillaume de Bruyn (1649 – 1719), doyen du métier des Quatre Couronnés, les saints patrons des maçons opératifs (sculpteurs, tailleurs de pierre, maçons, ardoisiers). Elles devaient être en style baroque italo-flamand qui succéda à la Renaissance classique du 16ème siècle.
Mais à bien considérer l’ensemble des maisons de la Grand-Place, il apparaît que les projets de de Bruyn n’ont été réalisés que très partiellement. Les idées particularistes du magistrat et des métiers l’ont souvent emporté. Le complexe couvrant l’aile est de la place – la Maison des Ducs de Brabant – en tient lieu d’exemple. A cet égard ce bâtiment semble plus moderne.
Le plan de la Grand-Place est médiéval. Sa forme est irrégulière. Sept petites rues étroites y aboutissent, tant sur les coins de la place que sur ses côtés, sans aucun souci de symétrie ou de perspective.
Le style baroque italo-flamand continua à se servir des éléments essentiels du style classique, à savoir, le plein cintre, les pilastres et les chapiteaux des ordres dorique, ionique et corinthien, mais il dégénéra en une fantaisie ornementale incompatible avec la sévérité du style classique d’où son nom qui lui fut appliqué au 18ème siècle.
Seul l’hôtel de ville date du 15ème siècle. L’aspect actuel de la Maison du Roi qui lui fait face date de la fin du 19ème siècle.
Ailleurs, les corporations, soucieuses d’affirmer leur autonomie par rapport au Prince et au magistrat, parvinrent à imposer leur vision individualiste, malgré le contrôle esthétique. Souvent, trois ordres ont été superposés sur les façades des maisons de la place : le dorique, l’ionique et le corinthien. Selon Paul de Saint-Hilaire, auteur féru d’ésotérisme, leur symbolique correspondrait aux trois grades maçonniques d’Apprenti, de Compagnon et de Maître, mais cette succession est fréquente dans la composition baroque à ordre colossal.
Les maisons de la place se sont rapidement détériorées au cours du 18ème siècle. En pleine décadence, les corporations ne disposaient plus des ressources nécessaires pour entretenir leurs bâtiments. Aussi les maisons corporatives furent vendues.
La restauration des petites maisons
A partir de 1852, la ville de Bruxelles accorda des subsides pour la réalisation de quelques travaux de réparation aux maisons de la Grand-Place. Sous prétexte d’élargir une des voiries qui y menait, la maison de l’Etoile (au n° 8) fut détruite en 1853.
La restauration des petites maisons démarra définitivement en 1883. Au nom du collège, l’échevin De Mot défendit l’idée que les maisons privées de la Grand-Place constituaient un ensemble architectural monumental. Il proposa que la ville signe des accords avec les propriétaires concernés. Ceux-ci paieraient une contribution modeste. En échange, la ville prendrait en charge l’entretien des façades. Très vite l’accord fut signé par certains propriétaires mais, en 1894, le projet fut bloqué par la mauvaise volonté de certains autres.
C’est le bourgmestre Charles Buls qui débloqua le dossier en menaçant de les exproprier pour cause d’utilité publique ! L’avenir de la Grand-Place entra en effet dans une phase décisive lorsque Charles Buls frappa, en 1883, l’ensemble des façades d’une servitude architectonique, de manière à assurer la conservation des dimensions, des dispositions d’ensemble et de détail, de la décoration et de l’aspect. Pour autant que les propriétaires s’acquittent d’une redevance, la ville se chargerait dorénavant de l’entretien des façades.
Pour retrouver le caractère fermé de la place, c’est encore Charles Buls qui donna instruction à Adolphe Samyn de reconstruire en 1896 – 1897 la maison de l’Etoile (n° 8), mais avec une galerie au rez-de-chaussée pour faciliter la circulation.
C’est dans la restauration de la Grand-Place que s’est exprimé le plus spectaculairement le souci de Charles Buls de valoriser un passé mythique d’autonomie urbaine fondé notamment sur des créations littéraires comme celle de Thyl Uilenspiegel de Charles De Coster.
On peut donc affirmer que le bourgmestre Charles Buls aura été l’animateur de la restauration de la Grand-Place mais il n’eut pas l’occasion de terminer lui-même l’œuvre de sa vie. Lors du décès du bourgmestre en 1914, toutes les façades étaient terminées sauf celles de trois immeubles situés à gauche de la Maison du Roi. Ces dernières furent réalisées après la guerre.
Pour la petite bourgeoisie libérale commerçante et artisanale de la fin du 19ème siècle, il s’agissait d’affirmer les valeurs de liberté et d’autonomie par rapport au pouvoir central de l’Etat et par rapport à l’Eglise.
De nombreux artistes, souvent francs-maçons, prirent part à la rénovation de la Grand-Place.
Les travaux de restauration des maisons se sont appuyés sur des dessins du 18ème siècle, dus à F.J. De Rons. L’architecte Adolphe Samyn a rétabli plusieurs de ces maisons dans leur style primitif. Elles ont été enrichies de sculptures allégoriques, remplaçant celles qui avaient disparu pour cause de vétusté. Les artistes sculpteurs étaient tous francs-maçons. Il s’agit de Victor Rousseau (1865 – 1954), Isidore De Rudder, Godefroid Devreese, Julien Dillens, Egide Aerts et Louis Samain.
Les travaux d’embellissement de l’hôtel de ville ont multiplié les statues de la façade. C’est à Charles-Auguste Fraikin (1817 - 1892) que l’on doit les sculptures du portail d’entrée de l’hôtel de ville, datées de 1845 - 1854 et de 1887 - 1889. Elles figurent des patrons de serments ou de gildes militaires. La restauration de l’édifice s’est achevée en 1902 par la reconstruction de la tourelle à l’angle de la rue de la Tête d’or par Adolphe Samyn.
Les grands groupes d’édifices depuis le 19ème siècle
Nous analyserons successivement :
Les six maisons du groupe nord :
- le « Heaume ».
- le « Paon »,
- le « Petit Renard »,
- le « Chêne »,
- « Sainte-barbe »,
- l’ « Âne »,
Les sept maisons du nord-est :
- la « Chambrette de l’Amman » ou « Aux Armes de Bruxelles »,
- le « Pigeon »,
- la « Maison des Tailleurs » ou la « Chaloupe d’Or »,
- l’ « Ange »,
- « Anne »,
- « Joseph »,
- le « Cerf ».
La Maison du Roi
Les sept maisons du groupe ouest :
- le « Roi d’Espagne »,
- la « Brouette »,
- le « Sac »,
- la « Louve »,
- le « Cornet »,
- le « Renard »,
- la « Tête d’Or ».
La Maison des Ducs de Brabant
composée de :
- la « Demi-Lune »,
- la « Balance »,
- la « Bourse »,
- la « Colline »,
- le « Pot d’Etain »,
- le « Moulin à vent »,
- la « Fortune »,
- l’ « Ermitage »,
- la « Renommée ».
Les cinq maisons du groupe sud-ouest :
- l’ « Etoile ».
- le « Cygne »,
- l’ « Arbre d’Or »,
- la « Rose »,
- le « Mont Thabor »,
L’hôtel de ville (voir dernière partie de cette série)
A. B.
votre commentaire -
Par Dans mes malles le 15 Décembre 2015 à 17:38
Visite de la Grand-Place de Bruxelles
Introduction et sommaire
Avant-propos
L’objectif de cette recherche est de faciliter une visite de la Grand-Place de Bruxelles et d’y découvrir quelques traces du symbolisme maçonnique et des indices qui ont permis une interprétation alchimique.
L’accent est mis sur l’évolution historique, sur la localisation des maisons et édifices ainsi que sur leur rénovation, sur la décoration de leur façade.
La bibliographie qui complète cette recherche reprend les principaux ouvrages consultés (voir fin de la quatrième partie).
Ne manquez pas de visionner le montage suivant : http://bruxelles.tv5monde.com
C'est long mais c'est très complet ! Il y a lieu de cliquer sur les façades des maisons dont vous désirez connaître l'histoire.
Sommaire
Première partie
Localisation de l’antique marché
Les origines de la Grand-Place
-
Topographie primitive
-
Le niveau monte
Le bombardement de 1695
Reconstruction de la Grand-Place en style italo-flamand
La restauration des petites maisons
Les grands groupes d’édifices depuis le 19ème siècle
Deuxième partie
La Grand-Place et l’ésotérisme alchimique
Les façades du côté nord de la Grand-Place
Le « Heaume », le « Paon », le « Petit Renard », le « Chêne », « Sainte-barbe », l’ « Âne ».
Les façades du côté nord-est de la Grand-Place
la « Chambrette de l’Amman » ou « Aux Armes de Bruxelles », le « Pigeon »,
la « Maison des Tailleurs » ou la « Chaloupe d’Or », l’ « Ange », « Anne », « Joseph », le « Cerf ».
La Maison du Roi
-
La Maison du Roi et son passé
-
Analyse de sa façade
Les façades du côté ouest de la Grand-Place
Le « Roi d’Espagne », la « Brouette », le « Sac », la « Louve », le « Cornet », le « Renard », la « Tête d’Or ».
La Maison des Ducs de Brabant
-
Sa structure
-
Analyse de sa façade
Les façades du côté sud-ouest de la Grand-Place
L’ « Etoile » ; sous les arcades de l’Etoile : la plaque commémorative à Charles Buls et le bas-relief commémorant Evraerd ‘t Serclaes ; le « Cygne », l’ « Arbre d’Or », la « Rose », le « Mont Thabor ».
Troisième partie
L’hôtel de ville
-
Sa structure
-
Un premier édifice
-
Le porche de l’hôtel de ville
-
L’hôtel de ville du 15ème siècle
-
Les sculptures des façades
Conclusions
Bibliographie
A. B.
votre commentaire
Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique
-