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* La Collection Herbin au Musée Matisse
Le 16 janvier 2017, nous avions projeté d'aller visiter le Musée Matisse au Cateau-Cambrésis.
La matinée a été consacrée à la visite de l'exposition temporaire de quelques œuvres de Pierre Alechinsky. J'ai relaté cette visite sur la page suivante : Lien vers l'exposition Pierre Alechinsky.
Après un succulent déjeuner à l'Estaminet du Musée... (situé juste en face de l'entrée)
Situé juste en face du Musée Matisse, l'Estaminet du Musée nous a donné les forces nécessaires pour la suite de sa visite !
Nous avons pu bénéficier d'un accueil très aimable, de l'embarras du choix dans une très belle carte et d'un service rapide.
Les plats sont typiquement régionaux, et corrects. Le rapport qualité-prix est relativement juste. Le prix des bières est cependant assez élevé !... nous sommes allés découvrir, au premier étage la collection Herbin qui nous a laissé un excellent souvenir.
Présentation de l'artiste
Auguste Herbin, né à Quiévy le 29 avril 1882 et mort à Paris le 31 janvier 1960, est un peintre abstrait français. Il a d'abord peint dans le style impressionniste. L'influence de l'impressionnisme et du post-impressionnisme est visible dans les toiles qu'il a envoyées au Salon des indépendants en 1906.
Portrait d'Auguste Herbin en 1909
Dans les années 1940 - 1950, Auguste Herbin invente son alphabet plastique : une méthode de composition qui part d'un répertoire de 26 couleurs, correspondant chacune à une lettre et à des formes géométriques (triangle, cercle, demi-cercle, quadrilatère), ainsi qu'à une sonorité .Par exemple, la lettre I est associée à un cercle et un triangle, à la couleur orange et à la sonorité ré.
Les peintures d'Herbin s'établissent à partir d'un mot qui donne son titre au tableau, selon des correspondances entre lettre, formes, couleur et sonorités musicales.
Il s'est progressivement rapproché du cubisme après avoir rencontré Pablo Picasso et Georges Braque en 1909 au Bateau-Lavoir. Herbin a produit ses premières toiles abstraites en 1917. En 1919 Herbin a décidé d'abandonner le cubisme, pour lui dépassé ; il écrit à Gleizes que « l'art ne peut être que monumental ». Il réalise alors sa série d'« objets monumentaux ». Ses peintures sur bois géométriques en relief remettent en question le statut de la peinture de chevalet. Cependant elles sont très mal accueillies, y compris par les critiques favorables au cubisme. Herbin se retire alors au Cateau-Cambrésis.
Il se consacre ensuite à une peinture entièrement géométrique faite de formes simples en aplats de couleurs pures, alternant avec des formes ondulantes. En 1946 Herbin met au point son « Alphabet plastique », essai de codification des correspondances entre lettres, couleurs et formes. En 1949 il présente à la galerie La Gentilhommière à Paris son livre L'Art non figuratif, non objectif où il expose son alphabet plastique, livre qui deviendra l'une des références majeures de la peinture abstraite de cette époque.
C'est en 1956 qu'il offre 24 œuvres à la ville du Cateau-Cambrésis, constituant ainsi une deuxième collection pour le musée créé par Henry Matisse en 1952.
La collection Herbin
Découverte de la peinture
En 1909, Herbin partage l’aventure des cubistes tout en maintenant la lisibilité du sujet. Il s'installe au Bateau-Lavoir et participe aux découvertes formelles Madame Herbin, Moulin de Saint-Benin, Maman Rose.
Madame Herbin Moulin de Saint-Benin Maman Rose
1919, un art abstrait
Herbin sort du Cubisme et de la peinture figurative pour créer un art conforme à son engagement social et politique.
En 1921, ses Reliefs polychromes sont des œuvres radicalement nouvelles et fondamentalement différentes du traditionnel rapport toile/peinture à l’huile.
Reliefs polychromes
La peinture-relief Danseuse, silhouette sur deux plans, et les deux Bois peints de 1921 donnés par l’artiste font partie des œuvres majeures. De 1922 à 1925, Herbin peint des paysages et des natures mortes et adopte les théories puristes d’Ozenfant et de Léger dans lesquelles il trouve une façon de traiter des sujets figuratifs en s’interdisant les hasards et les gestes de l’inconscient. La géométrie intervient pour régler la mise en place des objets dans la composition Compotier et branches de lilas.
Première période de l'abstraction géométrique
A partir de 1926 et pendant les années 30, l’expression du déroulement du temps, du rythme cosmique et du mouvement l’engage à construire son œuvre, définitivement abstraite. Les deux peintures Réalité Spirituelle (1938) et Synchronie en noir (1939) sont le fruit des recherches abstraites construites sur le mouvement généré par des formes géométriques circulaires. Il adhère aux théories théosophiques de Steiner.
Réalité spirituelle - 1938 - Huile sur toile
De 1940 à 1949, Auguste Herbin écrit sa philosophie de l’art dans un livre L’art non-objectif, non figuratif, une théorie artistique pour un art universel.
L'abstraction géométrique
Associant les mots et les notes de musique à sa peinture, Herbin recherche un art universel qui englobe la poésie, la musique et les arts plastiques. Il refuse l'individualisme, l'émotion, le hasard et toutes formes d'expressions personnelles spontanées. Il transmet à la couleur sa passion et sa violence d'expression. Il la domine et la soumet à la forme qui la contient, la cadre et la structure pour être l’expression de l’espace et du temps.
Dès sa fondation en 1946, Herbin sera Vice-Président du Salon des Réalités Nouvelles jusqu’en 1955 et aura une grande influence sur les artistes cinétiques de l'après-guerre et sur tous ceux qui ont mené des recherches sur la couleur et l'abstraction géométrique.
La grande période de l’abstraction géométrique que Herbin développe dans les années 40 et 50 est représentée : Lénine-Staline (1948), Pape (1948), Pâques (1949), Napoléon (1949), Matin II (1952) Mal (1952), Union (1959), Fin (1960).
Lénine-Staline (1948) Pape (1948) Pâques (1949) Napoléon (1949) Matin II (1952)
Mal (1952) Union (1959) Fin (1960) inachevée
Le vitrail : Joie, 1957
En 1957, Auguste Herbin offre à une école primaire du Cateau un des chefs-d’œuvre du vitrail du 20ème siècle.
Réalisé par Lhotelier mais malheureusement caché par un escalier, un deuxième état a été réalisé en 2002 pour le musée par un des grands maîtres verriers lillois, Luc Benoit Brouard.
L’alphabet plastique : une abstraction spirituelle
C’est pendant la deuxième guerre mondiale alors qu'Auguste Herbin est très isolé suite à la dissolution du groupe abstraction – création, et à la fuite de nombre de ses amis, qu’il élabore son livre manifeste : « L'art non figuratif non objectif ».
Ce livre est tout à la fois un traité de peinture et un livre mystique. Le vocabulaire employé par Auguste Herbin a souvent rapport à la foi, à la création, à la spiritualité.
Dans cette dernière partie de l’œuvre de Herbin, c’est le verbe, le mot qui va être le point de départ de l’image, tel le verbe divin, créateur de toute chose. Très inspiré par la théosophie, où l’artiste est le pendant du créateur, « un des ouvriers de ce grand atelier de la création », Herbin prend ici pleinement sa place.
Cette dernière partie de l’œuvre de Herbin semble être basé sur un paradoxe. En effet, elle se veut universelle et pourtant elle est hermétique, elle est « décorative » plaisante à l'œil, et pourtant complexe.
« Comme la musique, la peinture a son propre alphabet qui servira de base à toutes les combinaisons de couleurs et de formes ». Auguste Herbin « L’art non figuratif non objectif », 1949.
C’est dans cette œuvre qu'Herbin va dévoiler et mettre en place le système qui sera le sien pour réaliser un tableau à partir de ce moment jusqu'à la fin de sa vie.
Cet « alphabet plastique », met en place une stricte correspondance entre chaque lettre de l’alphabet, une couleur, une ou plusieurs formes géométriques, et des sonorités musicales.
Comment Herbin travaillait-il ?
De nombreux dessins préparatoires permettent de mieux comprendre comment Herbin travaillait avec son alphabet plastique. Quand on observe ses dessins préparatoires on peut mieux comprendre les différentes étapes qui l’amènent à la composition définitive. Ses carnet montrent un travail qui suit toujours les même étapes : en haut de sa feuille il y inscrit le mot en lettres capitales et sépare chaque lettre d’une ligne verticale, dessinant ainsi un tableau. En dessous de chaque lettre, dans une case distincte, il note les couleurs et formes qui sont associées à chaque lettre, puis dans une autre case, en dessous, il dessine les formes géométriques, qui seraient la transposition optique du mot suivant le sens de lecture habituel. Puis, en dessous, un premier travail de composition au crayon où les couleurs sont annotées sur chaque forme au crayon.
La prononciation du mot peut avoir une importance quant à la composition. La musicalité du mot est ainsi transcrite, dans l’espace du tableau. Ainsi les syllabes accentuées seront plus visibles par la taille des formes, mais aussi par leur place dans la composition plus centrale. Mais il y a bien sûr en plus une dimension très subjective dans la conception des compositions, le peintre lui même va parfois proposer plusieurs versions d’un même mot. Herbin va ainsi créer une langue optique.
Le tableau – mot, montre ainsi par le biais de ce nouveau langage optique, non pas la chose mais l’essence de la chose, « en renonçant à l’objet nous avons retrouver la parole et l’action créatrice ».
Le mot de la fin
En 1960, à l’âge de 78 ans, l'artiste meurt à Paris. Suite à sa disparition subite, une toile reste inachevée et porte le titre « Fin ».
Mon épouse a également relaté la visite de cette section du Musée matisse. D'ici peu vous pourrez découvrir son « regard » en cliquant sur ce LIEN.
A. B.
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Commentaires
J'aime beaucoup ....Bisous ***