•  L’enceinte de Bruxelles datant du 13ème siècle

     Sommaire de ce cinquième article (3. 5.)

      Ce qui subsiste à l’heure actuelle (suite)

    A. Des restaurations fantaisistes (suite 2)

    5. La Tour d'angle dite " Tour d'Anneessens "

     

    5. LA TOUR D’ANGLE dite « TOUR D’ANNEESSENS »

    Vers 1870, la «Tour Anneessens » était toujours enfouie dans une bâtisse. L’architecte Jean Baes, bien connu à l’époque, habitait la tour avec ses frères. En fait, ils avaient leur habitation dans la maison du bas et leur atelier d’art dans la tour !

    3. 4. 2. L'enceinte de Bruxelles au 13ème siècle

    La tour d’angle à l’époque où elle était encore cachée par d’anciennes habitations dont celle de l’architecte Jean Baes

    Le souhait de conserver cette précieuse ruine avait déjà été exprimé à ce moment. C’est en mars 1896 qu’il fut exaucé lorsque la ville fit l’acquisition de l’immeuble remontant jusqu’à la rue de Rollebeek et qui contenait celle qu’on appelait encore « Tour de la Steenpoort ».

    Ses occupants furent expropriés en 1900 par les constructeurs de l’école de la rue de Rollebeek. Le principe de restaurer la tour fut dès lors acquis.

    Mais avant 1957, il fallait encore pénétrer dans l’ancienne école communale n° 10 de la ville, appelée aussi Ecole François Anneessens, 22 rue de Rollebeek, pour apercevoir ce qu’il convient d’appeler une tour d’angle qui avait déjà fait l’objet d’une restauration au 15ème siècle lorsqu’on la coiffa de poivrières et la compléta de parties en briques. Les démolitions menées en vue de l’établissement de la Jonction Nord – Midi sous le boulevard de l’Empereur ont permis de dégager cette tour et les deux fragments de courtines qui s’y rattachent.

                                     3. 5. L'enceinte de Bruxelles au 13ème siècle     3. 5. L'enceinte de Bruxelles au 13ème siècle    3. 5. L'enceinte de Bruxelles au 13ème siècle

    La tour d’angle dite « Tour d’Anneessens »,

    près de la « Steenpoort », boulevard de l’Empereur, côté extérieur de l’enceinte

     

    C’était une très belle tour mais que les restaurations successives ont bien défigurée ! On ne peut hélas plus se faire une idée exacte de ce qu’était une tour d’angle au 12ème siècle. A l’origine il ne devait y avoir qu’une simple plate-forme, à ciel ouvert, bordée d’un parapet à créneaux. Les plates-formes des tours disparurent généralement au 15ème siècle. Elles furent couvertes à cette époque d’un toit conique posé sur une maçonnerie en briques. Ici, les créneaux ont disparu et les fondations ont été mises à jour.

    Les arcs de la paroi extérieure ressortent entièrement du sol alors qu’à l’origine, ces arcades se trouvaient enfouies dans un talus de terre ! Les fondations sont devenues visibles pour la simple raison que le talus a été enlevé.

    La maçonnerie inférieure du mur est par ailleurs moins bien soignée et rejointoyée que la partie supérieure qui a toujours été exposée à la vue.

                                                               3. 4. 2. L'enceinte de Bruxelles au 13ème siècle     3. 5. L'enceinte de Bruxelles au 13ème siècle

    La tour d’angle dite « Tour d’Anneessens », près de la « Steenpoort », boulevard de l’Empereur, côté intérieur de l’enceinte

     

    Cette tour d’angle a longtemps été appelée « Tour d’Annessens » parce qu’une légende veut que le tribun bruxellois François Anneessens y aurait été enfermé. Longtemps incorporée à l’école de la rue de Rollebeek, elle a été complètement dégagée en 1957 et restaurée en 1967.

    Daniel Ch. Luytens affirme que cette tour aurait abrité une chapelle et que l’aumônier des prisons y faisait le guet. François Anneessens, représentant des métiers en révolte contre le gouvernement autrichien, y aurait été emprisonné avant d'être exécuté en 1719. Mais il est plus plausible qu'il aurait été enfermé en 1719 dans l’ancienne « Steenpoort » toute proche, à l’époque où elle servit effectivement de prison, probablement pour les prisonniers de droit commun. Jacques Dubreucq abonde dans le même sens en précisant que la tour était en réalité la chapelle de la prison et qu’il n’est pas du tout sûr que l’infortuné fabricant de chaises bruxellois n’y mit jamais les pieds !

    Cette tour d'angle fut restaurée en 1967. On distingue une tourelle d'escalier octogonale et un chemin de ronde fragmentaire bordé de merlons. La tour repose sur deux niveaux voûtés en berceau brisé. Depuis 1970, cette tour d’angle est bien visible en bordure du boulevard de l’Empereur.

    Les éléments d’origine de la tour sont en moellons de calcaire gréseux. Les parties en briques sont des aménagements tardifs. C’est une construction circulaire, en pierres grossièrement appareillées de 7,70 m de diamètre extérieur, superposant deux étages voûtés en berceau brisé se terminant en cul-de-four. Le rez-de-chaussée est voûté. On y perçoit les traces de meurtrières. Dans la paroi existent des trous, dans lesquels étaient probablement placés des madriers capables de supporter un plancher en bois. La calotte de la voûte est entourée d’un bourrelet.

    Flanquée d'une tourelle d'escalier octogonale, cette tour est implantée à la rencontre de deux courtines formant entre elles un angle de 112 degrés, auxquelles on accède par le deuxième niveau de la tour mais dont il ne subsiste que deux moignons, l’un, de 5 mètres, orienté nord-est, l’autre de 13,50 m, dans la direction sud-ouest. Ces courtines sont complètement dégagées de la terre initiale et montrent à l’air libre leurs arcs de fondation.

    La « Porte de Pierre », généralement mieux connue dans son appellation d’origine « Steenpoort », se trouvait entre la Tour dite d’Annessens et la place actuelle de Dinant.

    3. 5. L'enceinte de Bruxelles au 13ème siècle

    Il ne faut donc pas confondre la porte et la tour d’angle ! La « Steenpoort » ou « Porte de Pierre » était l'une des sept portes de la première enceinte de la ville. Elle était établie sur un lieu nommé « Montagne du Géant » qui correspond au bas de l’actuelle rue de Rollebeek.

     A. B.

     

     Pour passer à l'article suivant (3. 6.) : Lien URL

     


    votre commentaire
  • L’enceinte de Bruxelles datant du 13ème siècle

     Sommaire de ce quatrième article (3. 4.)

    Ce qui subsiste à l’heure actuelle

    A. Des restaurations fantaisistes

    1. La Tour Noire, place Sainte-Catherine

                         2. Rue du Midi n° 110

                         3. Les vestiges à l’hôtel S.A.S.

                         4. Le vestige de l’hôtel Royal Embassy

     

    Ce qui subsiste à l’heure actuelle

    En dehors de restes mutilés confondus dans des constructions adjacentes ultérieures, il ne subsiste plus guère visibles que quelques très beaux morceaux de courtine dans la cour de l’Athénée royal Jules Bordet rue du Chêne, une tour et un morceau de rempart rue de Villers (visible également dans la cour de l’Institut Sint Joris, rue des Alexiens), une tour et une partie de courtine dans le jardin du doyen de la cathédrale Saint-Michel, ainsi que quatre autres tours de défense sur les quelques quarante que comptait l’enceinte à l’origine, portes exclues. Les tours diffèrent légèrement dans leurs dimensions. Leurs murs, épais de 2 m 30 à 3 m, percés dans l’axe et latéralement de profondes embrasures éclairées par une meurtrière, soutiennent une voûte qui est en berceau sur la partie droite et en cul-de-four sur la partie arrondie de la pièce du rez-de-chaussée.

    A. Des restaurations fantaisistes

    Il faut malheureusement préciser que de nombreux vestiges ont fait l’objet de telles restaurations que leur originalité peut parfois être contestée et que leur aspect rénové fausse totalement l’idée de ce que les remparts étaient au début du 13ème siècle. Ainsi, entre 1954 et 1955, les vestiges du mur que l’on pouvait encore apercevoir au fond de l’impasse Saint-Eloi rue de Ruysbroeck ont été démolis. 

    3. 4. L'enceinte de Bruxelles du 13ème siècle

         3. 4. L'enceinte de Bruxelles du 13ème siècle

         Extérieur du mur d'enceinte

         au fond des jardins de la rue de Ruysbroeck en 1954 

         subrepticement abattu par les bâtisseurs

         de la nouvelle Bibliothèque Royale Albert 1er.

     

    Les experts des Archives du Royaume et de la Bibliothèque Royale n’ont pu empêcher la démolition d’une grande partie du mur d’enceinte longeant l’ancien cours du Ruysbroeck lors de la construction de ces deux institutions culturelles avoisinantes : la Bibliothèque Albertine et le bâtiment des Archives Générales du Royaume.

     3. 4. L'enceinte de Bruxelles du 13ème siècle   Restes de la courtine avant sa démolition 

                                                                      pour faire place à la Bibliothèque Royale Albert 1er    3. 4. L'enceinte de Bruxelles du 13ème siècle

    Les vieilles maisons, dont les jardins jouxtaient ce qui fut sans doute le plus important vestige de l’enceinte du 13ème siècle, ont fait place à la Bibliothèque Albertine !

    3. 4. L'enceinte de Bruxelles du 13ème siècle 

    En « souvenir », à l’angle de la rue de la Paille et de la rue de Ruysbroeck, à l’arrière de la  Bibliothèque Albertine et devant le bâtiment des Archives Générales du Royaume, soit une cinquantaine de mètres plus bas, sur une pelouse appartenant aux Archives du Royaume, quelques pierres provenant sans doute de ces anciens remparts ont été maçonnées de façon à former la base d’un mur assez large. Ni l’emplacement, ni l’orientation, ni la structure de ce mur ne correspondent aux vrais remparts ! Un plan de l’enceinte du 13ème siècle y a été apposé. Il s'agit d'une représentation symbolique du vestige, compte-tenu de ce qu'il était encore jusqu'en 1954. Cette petite édification n’a donc rien d’historique et il convient aussi de remarquer que le plan de l’enceinte ne mentionne même pas la Porte Saint-Jacques !

                                                3. 4. L'enceinte de Bruxelles du 13ème siècle        3. 4. L'enceinte de Bruxelles du 13ème siècle

    1. LA TOUR NOIRE

    3. 4. L'enceinte de Bruxelles du 13ème siècle

    Bâtie derrière l’église Sainte-Catherine, la Tour Noire, était une propriété privée au 16ème siècle. En 1887, lorsque les expropriations et les démolitions d’immeubles nécessaires à l’assainissement du quartier de la Vierge-Noire étaient déjà assez avancées, la tour fut complètement dégagée des constructions qui l’avaient rendue invisible. Il n’est pas étonnant qu’elle ait été oubliée car la démolition de cette partie du mur d’enceinte datait déjà du 17ème siècle quand il fut décidé d’aménager les quais des bassins du nouveau port de Bruxelles. La tour accueillit alors l’administration chargée de l’approvisionnement et de la vente du sel.

    Désaffectée, elle redevint une propriété privée avant d’abriter une partie de la taverne « In den Toren ». Redécouverte au centre de ce quartier, le problème de la restauration de cette tour d’enceinte fut posé au Conseil communal. Bien que certains affirment aujourd’hui que ce qui fut découvert à l’époque n’était qu’un tas de pierres, la Tour Noire, qui ne portait donc pas encore ce nom, n’était pas visible de la rue. Elle formait l’arrière de l’estaminet  « In den Toren ».

    Sauvée de la destruction en 1888, grâce à la détermination du bourgmestre de l’époque, Charles Buls, elle fut remaniée d’après les propositions de l’architecte communal Victor Jamaer. Mais un simple coup d’œil sur cet édifice nous permet de comprendre que Jamaer prêta aux éléments restitués sa propre vision de l’architecture médiévale.

    De proportions modestes, cette tour a été affublée d’une toiture semi-conique à double bâtière, s’appuyant contre un haut pignon à gradins, à l’image de celles que l’on peut voir notamment sur le tableau de Bernard Van Orley « Vierge à l’Enfant ».

    Les escaliers ou gradins du mur pignon de la Tour Noire sont au nombre de quatre de 80 centimètres de largeur et 1 mètre 60 de hauteur, terminés par un mur de 1 m 50 de largeur sur 2 m 20 de haut. Ce large mur sert de fond à la toiture en ardoise. Il a longtemps masqué l’arrière des habitations de la rue de la Vierge Noire.

    3. 4. L'enceinte de Bruxelles du 13ème siècle

     

    3. 4. L'enceinte de Bruxelles du 13ème siècle

     La Tour Noire vers 1910

     

    3. 4. L'enceinte de Bruxelles du 13ème siècle

     L'incendie des Etablissements Esders en 1990

    Après l’incendie des Etablissements Esders qui entouraient la tour, la conservation de celle-ci fut à nouveau mise en péril lors de l’élaboration d’un nouveau plan de rénovation de l’îlot. En 1998 il était permis de penser que la tour était enfin sauvée de la destruction et qu’elle serait bientôt entourée d’un nouvel hôtel de grand confort.

    3. 4. L'enceinte de Bruxelles du 13ème siècle

    3. 4. L'enceinte de Bruxelles du 13ème siècle

    La Tour Noire enclavée dans la construction du Novotel

    Aujourd’hui, la Tour noire est cernée par un hôtel de construction récente et se dresse toujours fièrement place Sainte-Catherine. 

    3. 4. L'enceinte de Bruxelles du 13ème siècle

    La Tour Noire en juin 2004

     

    2. Rue du Midi n° 110

    Percé en 1850, le tronçon de la rue du Midi qui menait à la première gare du Midi ou station des Bogards, fit apparaître un pan de mur et des fondations à hauteur du médailleur De Greef. Dans la cave de l’immeuble sis 108 – 110 rue du Midi, le mur mitoyen avec le 112 est un fragment de l’enceinte du 12ème siècle. Louis Quiévreux, qui avait visité les lieux, disait que le propriétaire avait aménagé des rayons et des placards au premier étage, dans l’épaisseur de la muraille.

    En 1994, ce sont les vestiges de la base d’une tour qui ont été découverts lors de travaux au n° 118 rue du Midi qui communique avec le n° 15 de la rue des Moineaux.

     3. 4. L'enceinte de Bruxelles du 13ème siècle

     

    3. LES VESTIGES A L’HOTEL S.A.S.

    Entre 1970 et 1985 environ subsistaient une importante partie de mur du 13ème siècle au fond du parking situé en face de la C.G.E.R. rue du Fossé-aux-Loups.

    3. 4. L'enceinte de Bruxelles du 13ème siècle 

    3. 4. L'enceinte de Bruxelles du 13ème siècle

    Ce tronçon de courtine de trente mètres de long bien conservé sur toute sa hauteur fut classé en 1984. 

    Au moment où débuta la construction de l’hôtel S.A.S. à cet emplacement, il avait été convenu que ces vestiges seraient intégrés aux salons de ce nouvel établissement hôtelier.

    Hélas, au moment des fondations, l’entrepreneur a sciemment laissé s’effondrer un vestige qui entravait la circulation des engins de chantier. Ce superbe pan de mur fut détruit.

    La reconstruction présentée actuellement dans l’atrium de l’hôtel n’est qu’un fac-similé de mauvaise qualité car les matériaux utilisés ne sont pas ceux d’origine.

     

              3. 4. 1. L'enceinte de Bruxelles du 13ème siècle   3. 4. 1. L'enceinte de Bruxelles du 13ème siècle 

     Aspects de la reconstruction de la muraille après l’édification du Radisson SAS Hotel Brussels

    rue du Fossé-aux-Loups 47

    mais les matériaux ne sont pas d’origine.

     

    4. LE VESTIGE DE L’HOTEL ROYAL EMBASSY

    En 1989, dans le chantier du futur hôtel Embassy (« Eurostars Grand-Place »), des moellons séculaires ont été mis au jour. Ces vieilles pierres appartenaient à une arche d'un pont permettant à la première enceinte de franchir la Senne, près de l'église de Bon Secours, entre la Porte d'Overmolen et le Guichet du Lion. Au fil du temps, ce pont a été absorbé par l'habitat, mais jamais par la voirie. Cette arche a été (trop) bien restaurée et intégrée à la piscine du sauna, au fond des caves du Royal Embassy Hotel, 159 boulevard Anspach.

     3. 4. L'enceinte de Bruxelles du 13ème siècle    

    3. 4. 1. L'enceinte de Bruxelles du 13ème siècle

    A. B.

    Pour passer à l'article suivant (3. 5) : Lien URL

     


    votre commentaire
  • L’enceinte de Bruxelles datant du 13ème siècle

    Sommaire de ce troisième article (3. 3.)

    Le tracé de l’enceinte au 13ème siècle

    Quelques problèmes liés à la construction de l’enceinte

    Utilité et évolution de l’enceinte

    Des restaurations et des vestiges

    Le tracé de l’enceinte au 13ème siècle

    Le premier rempart urbain de Bruxelles semble avoir été entièrement édifié au 13ème siècle. Il englobait les différents pôles constitutifs de la ville : le château ducal du Coudenberg, le port marchand établi sur la Senne ainsi que la collégiale des Saints-Michel-et-Gudule. Il a structuré de façon déterminante la forme urbaine du centre-ville. N'ayant jamais fait l'objet d'une campagne de démantèlement systématique, sa structure s'est petit à petit fondue dans le tissu urbain. Aujourd'hui de nombreux vestiges matériels de ce rempart subsistent un peu partout dans la ville. D'autres traces plus indirectes sont également présentes dans la forme d'une place ou le nom d'une rue.

    L'absence de documents écrits ne permet pas de dater avec précision l'âge de cette muraille ; la construction de la première enceinte de Bruxelles reste pour les historiens une énigme. Ne perdons pas de vue qu'une grande partie des archives de Bruxelles fut détruite lors du bombardement de Bruxelles en 1695 !

    L'archiviste G. Des Marez (1918) et le professeur Bonnenfant (1934) se basant sur un écrit non daté, un acte d'Henri Ier, Duc de Brabant, estiment que l'enceinte devait être achevée vers 1200. Aujourd'hui, les chercheurs situent sa construction de la fin du 11ème au début du 12ème siècle.

    Intéressons-nous tout d'abord au tracé de cette muraille en nous aidant du plan de Messieurs P. Combaz et A. de Behault datant de 1888. Bien des vestiges ont disparu depuis lors !

    3. 3. L'enceinte de Bruxelles du 13ème siècle

    Plan de Bruxelles au 12ème siècle de Combaz et de Behault (1888)

    A. La Porte Sainte-Catherine

    B. La Tour Noire

    C. La Porte de Laeken ou Porte Noire

    D. Le Viquet de Wolf

    E. La Warmoespoort ou Porte aux Herbes Potagères

    F. La Tour des Dames de Berlaimont

    G. La Tour du Pléban

    H. La Porte du Treurenberg ou Porte Sainte-Gudule

    I. La tour retrouvée rue du Coude, place de la Chancellerie

    J. La Tour Matthieu

    K. La Porte du Coudenberg

    L. Le Viquet du Ruysbroek

    M. La tour d’angle, dite Tour d’Anneessens

    N. La Steenpoort

    O. La Tour Saint-Jacques ou Tour de Villers, rue des Alexiens / rue de Villers

    P. La Porte Saint-Jacques ou Porte d’Overmolen

    Q. Ancienne écluse (Oude Spuy)

    R. Le Guichet du Lion

    S. Tour retrouvée rue des Chartreux

    T. Le Viquet du Driesmolen

     

    En ayant le Steenweg comme axe, et protégeant à la fois la ville haute et la ville basse, l’enceinte suivait un itinéraire que l’on peut aisément retrouver dans le tissu urbain du 20ème siècle.

    Les profondes modifications que ce dernier a subies au cours des quarante dernières années nous empêchent parfois de bien localiser l’emplacement de la muraille et des portes. C’est en consultant des ouvrages comme celui de Léon Van Neck datant de 1909, celui de René Dons datant de 1947, mais surtout le plan des rues de la ville à ces mêmes époques que la localisation gagnera en précision.

    D’une manière très arbitraire, prenons comme point de départ l’actuelle place de la Monnaie, à l’entrée de la rue du Fossé-aux-Loups dont l’appellation est assez fantaisiste. La traduction correcte devrait être «rue du Fossé de Wolf» car la famille Wolf avait des propriétés dans ce quartier.

    De la rue Fossé-aux-Loups, la muraille se dirigeait vers l’ancienne rue de Berlaimont, au niveau des anciens Bains Saint-Sauveur (actuellement le parking de la Banque Nationale), s’infléchissait derrière le bâtiment de la Banque Nationale et le chevet de la cathédrale Saint-Michel (rue du Bois Sauvage).

    C’est quasi en ligne droite, en longeant le fond des propriétés bâties en bordure de la rue Royale, face au Parc, qu’elle aboutissait à la place des Palais où elle bifurquait vers l’hôtel de Belle-Vue pour contourner le château ducal. Elle contournait ainsi l’église Saint-Jacques pour couper la rue de Namur à la hauteur de la rue Bréderode où se trouvait la Porte du Coudenberg.

    La muraille redescendait alors vers le bas de la ville, parallèlement et à l’arrière de l’alignement nord-est de la rue de Ruysbroeck et descendait jusqu’à l’ancien Palais de Justice où, par un coude en angle droit, elle remontait par le côté gauche de la rue d’Or, parallèle au Boulevard de l’Empereur,  jusqu’à la rue Haute où se trouvait la Steenpoort puis reliait une tour marquant elle-même un nouveau coude vers la place et la rue de Dinant.

    Suivant alors la limite arrière des bâtiments de l’Athénée de Bruxelles, entre la rue du Chêne et la rue des Alexiens, l’enceinte rejoignait la porte Saint-Jacques ou d’Overmolen sur le bras oriental de la Senne, à hauteur de l’église Notre-Dame de Bonsecours.

    Elle traversait la Senne à la hauteur du Jardin des Olives et de la place Fontainas. Par un arc de cercle englobant l’église des Riches-Claires et le Marché Saint-Géry, elle suivait la rue Saint-Christophe, gagnait le côté droit du Marché-aux-Grains pour atteindre la Porte Sainte-Catherine puis l’aile droite de la place Sainte-Catherine et, passant vis-à-vis de la place De Brouckère,  elle rejoignait la rue du Fossé-aux-Loups à travers l’espace occupé de nos jours par le bâtiment du Centre administratif de la Ville de Bruxelles !

    Près de 80 hectares de territoire étaient ainsi intimement soudés intra muros !

    Quelques problèmes liés à la construction de l’enceinte

    Les problèmes de datation, déjà évoqués, ne sont pas les seuls que pose la construction de l’enceinte. Mina Martens en évoque quatre autres :

    1. La propriété du sol

    On peut également se demander si l’assiette de l’enceinte était la propriété du duc. C’est en tout cas l’avis du Professeur Paul Bonenfant. Il semble en effet difficile d’imaginer que l’enceinte ait pu être construite sur un sol appartenant à la population qui occupait les lieux ! Ces habitants n’auraient eu aucun intérêt à entreprendre de tels travaux qui n’étaient finalement destinés qu’à protéger des intérêts comtaux : la nouvelle demeure du Coudenberg, l’église collégiale de Saint-Michel et l’ancien castrum de la vallée dont l’infrastructure domaniale subsistait avec ses moulins et ses viviers notamment.

    2. La main d’œuvre

    Le problème de la main d’œuvre nécessaire à une telle édification mérite également d’être posé. Allait-on la chercher dans une population locale ou éloignée ? Le nombre de maçons nécessaires à la réalisation de l’ouvrage évoque l’image d’une population largement accrue depuis que Charles de France était venu s’établir à Bruocsella 100 ans plus tôt. Sont-ce des corvées de transport et de service qui le permirent ? Il est difficile de se prononcer.

    3. Les matériaux

    L’ampleur de la masse de pierres à fournir et à acheminer vers les endroits prescrits du tracé amène tout naturellement à se demander si ces pierres étaient extraites des environs de la ville comme le veut la tradition ou si certaines sinon toutes ont tout simplement été extraites de carrières situées sous les collines du versant oriental de la Senne

    Qu’en pensent les historiens ?

    Marcel Vanhamme prétend que le système défensif primitif s’est perfectionné par l’utilisation de matériaux durs solidement cimentés les uns aux autres, notamment de grès lédiens provenant des carrières d’Evere et de Diegem et de grès ferrugineux de Groenendael. Il n’avance cependant aucune preuve.

    Selon Léon Van Neck, l’enceinte était composée de pierres massives extraites des carrières de Groenendael. C’est l’idée la plus répandue, sans doute sous le poids de la tradition, mais aucune preuve n'a été fournie !

    En évoquant la solidité des pierres de la Steenpoort comme du reste des quatre kilomètres de l’enceinte, Jacques Dubreucq reprend aussi cette supposition de leur provenance des carrières de Groenendael. Celles-ci furent mises à jour en 1847 lors de la construction de la ligne de chemin de fer Bruxelles-Namur. Ces pierres avaient une dureté incroyable. Elles auraient également servi à la construction de l’église Sainte-Gudule. On savait de tradition, mais de tradition seulement, qu’elles venaient des environs de Bruxelles. Ces vieilles carrières de Groenendael ont été vaguement remblayées depuis lors.

    Mina Martens avance une autre hypothèse, à savoir que tous les vestiges de la première enceinte de Bruxelles sont faits de pierres jadis bien équarries et provenant de carrières de grès qui furent exploitées souterrainement dans l’agglomération même, au Solbosch et à Laeken, comme aussi rue Meyerbeer à Uccle, avenue Ducpétieux à Saint-Gilles et rue de Linthout à la limite de Schaerbeek et d’Etterbeek.

    Jean d’Osta, dans son ouvrage consacré aux rues disparues de Bruxelles nous signale que la rue Cantersteen fut officiellement dénommée rue des Carrières entre 1770 et 1853. L’extrémité nord de cette rue fut souvent appelée place des Carrières au début du 19ème siècle. Mais, si Jean d’Osta estime que cette appellation est due à une traduction fantaisiste, d’autres témoins anonymes auxquels se réfère Daniel Ch. Luytens, affirment qu’il était encore possible d’accéder à d’anciennes carrières situées sous la colline du Blindenberg par les caves de l’ancien hôtel Ursel rue du Cardinal Mercier, juste avant sa démolition. La rue des Carrières en rappellerait donc l’existence et son appellation ne serait pas une fantaisie ! Cette dernière hypothèse permettrait aussi de résoudre le problème de la main d’œuvre nécessaire au transport des pierres !

    3. 3. L'enceinte de Bruxelles du 13ème siècle 

    Ancien hôtel Ursel, rue du Cardinal Mercier

    dont les caves donnaient accès aux anciennes carrières sous le Blindenberg

     

    Précisons enfin que l’analyse à laquelle s’est livré Pierrik de Hénau en 1974 a révélé que le matériau utilisé là où se dressent les vestiges de la rue de Villers est du grès bruxellien.

    4. Récupération de certaines parties du castrum

    Aux environs de 977 une tête de pont avait été construite sur la rive droite, renforçant ainsi la défense du castrum. Originellement ce premier rempart était constitué de remblais de terre ou de palissades de bois mais fut sans aucun doute rapidement empierré. Ainsi, en dehors de la Grande Ile s’étendait un espace appelé «Oude Borch» qui était protégé par cette enceinte qui semble bien avoir été utilisée pour faire partie de l’enceinte de la ville au 12ème siècle. Entre le Guichet du Lion et la porte Sainte-Catherine approximativement, l’enceinte urbaine ne fut rien d’autre que le rempart remanié du castrum primitif. C’est en tout cas l’avis du Professeur Paul Bonenfant, conforté par la similitude des matériaux utilisés.

    3. 3. L'enceinte de Bruxelles du 13ème siècle

     Plan montrant l'emplacement de la Porte du Lion

    Utilité et évolution de l’enceinte

    C’est donc une enceinte de pierre qui donna à Bruxelles son caractère de «ville» en englobant une nouvelle résidence du duc établie aux environs de 1047 au Coudenberg, diverses institutions pieuses implantées çà et là à flanc de coteau et le marché qui s’était formé petit à petit à l’est de l’ancien castrum. C’est avec cette enceinte et ces murailles que pendant plusieurs siècles, de 1040 à 1355, les princes de la Maison de Louvain, notamment Godefroid 1er, Henri 1er et Jean 1er, soutinrent les sièges et les combats les plus valeureux.

    Mais au 13ème siècle, Bruxelles débordait déjà de ses remparts : la ville était entièrement entourée de faubourgs. Au milieu du 14ème siècle, le duché de Brabant fut confronté à une crise dynastique. Le comte de Flandre Louis de Maele occupa la ville. Une coalition dirigée par le patricien Evrard T’Serclaes la libéra. Ce conflit a démontré que les anciens remparts n’ont plus eu aucune utilité. Par la suite, de nouveaux moyens de défense ont été construits : de petits remparts et des hamèdes puis une nouvelle enceinte.

    • Les petits remparts étaient une ligne de défense avancée composée d’un fossé et d’un talus de terre qui devaient protéger les faubourgs à l’ouest de la ville et peut-être aussi le grand béguinage. Plus tard ce système défensif a été appelé le Rempart des Moines.
    • Les hamèdes étaient des systèmes de défense provisoires, composés probablement de talus de terre, renforcés de palissades et bordés d’un fossé. Il est peu probable que les hamèdes aient jamais formé un système continu. Philippe Godding, cité par Roel Jacobs a situé et délimité quatre hamèdes, notamment dans le Warmoesbroeck, au Sablon et le long de la petite Senne.

    Par la suite, entre 1357 et 1383 de nouveaux remparts ont été construits. La coutume veut qu’on les désigne sous l’appellation de deuxième enceinte de Bruxelles. Mais, selon Roel Jacobs entre autres, c’est pratiquement la quatrième ! Elle coïncide approximativement au pentagone bien connu et la Porte de Hal en est un des derniers vestiges à ciel ouvert mais profondément transformé.

    Au fil des siècles, notamment du fait de la construction de cette seconde enceinte au 14ème siècle, la première enceinte a vu ses fonctions originelles disparaître. A partir de la fin du Moyen Age, elle a fait l’objet de nombreux percements et démantèlements destinés à faciliter la communication interne à la ville ou aux propriétés riveraines.

    Les grands travaux d’urbanisme de la fin du 19ème siècle et du début du 20ème siècle ont achevé de la faire disparaître. Cependant quelques vestiges ont survécu à cette évolution destructrice et ont été classés au titre de monument.

    Des restaurations et des vestiges

    Le centre de Bruxelles a longtemps gardé un nombre important de vestiges de remparts. Ils font pour la plupart partie d’une même enceinte que l’on a appelée généralement « la première » dans les anciens manuels scolaires. Mais, en ne perdant pas de vue qu’il subsiste aussi quelques vestiges bien cachés du castellum du 10ème siècle, il serait plus logique de l’appeler la deuxième enceinte !

    Il faut savoir en effet que des vestiges d’un castellum subsistent dans certaines caves proches de la Grand-Place et que les propriétaires des lieux en nient même l’existence ! C’est le cas à la Maison Dandoy. Pour le Professeur Paul Bonenfant, ces remparts sont les premiers que Bruocsella ait connus. Ce castellum édifié sur la rive droite de la Senne dans le dernier quart du 10ème siècle devait occuper l’espace compris entre la rue au Beurre, la rue Maus, le boulevard Anspach, une ligne qui occupe le pâté de maisons de la rue des Pierres, la rue de la Tête d’Or et la Grand-Place.

    Ces remparts de l’enceinte du 11ème siècle n’ont pas été détruits après la construction de l’enceinte du 13ème siècle car une telle démolition aurait demandé beaucoup trop de travail. De plus, les fossés pouvaient encore servir de terrain d’exercice pour les serments. Les murs ont souvent servi de point d’appui aux maisons qui y ont été accolées !

    Ainsi, Roel Jacobs affirme que du 16ème au 18ème siècle, un vestige de l’enceinte séparait encore le couvent des dames de Berlaimont de celui des bénédictines anglaises.  Ce fait est par ailleurs confirmé par Daniel Ch. Luytens qui précise qu’une tour de l’enceinte du 13ème siècle se trouvait encore dans le couvent de Berlaimont avant que ne furent érigés les bâtiments de la Banque Nationale le long du nouveau boulevard de Berlaimont.

    Il est souvent arrivé de découvrir, au cours du 20ème siècle, des parties de cette enceinte serrées entre deux vieux immeubles.

    3. 3. L'enceinte de Bruxelles du 13ème siècle

    De la « Vieille Enceinte », comme les habitants l’ont surnommée pendant quelques temps, de nombreux éléments ont donc longtemps subsisté. Mais les anciennes portes, tombant en ruines, ont été abattues les unes après les autres, de sorte qu’en 1760, il n’en restait plus aucune sur pied.

    Au début du siècle, il était encore possible de rencontrer l’une ou l’autre tour habitée ! En période de crise du logement, certaines tours ont été louées et leur intérieur était même tapissé ! Avant 1914, on pouvait découvrir au bas de la Montagne du Parc, une tour de défense du rempart. Située dans la propriété du banquier Mathieu, la Tour « Mathieu », fut démolie en 1909 lors de l’extension de la Société Générale.

    3. 3. L'enceinte de Bruxelles du 13ème siècle

    La tour Mathieu

    Dans un ouvrage daté de 1909, Léon Van Neck signale également la redécouverte d’une tour et d’un morceau de muraille qu’il situait dans un immeuble de la rue du Coude. Le percement de la rue des Colonies, en 1903, sonne le glas de cette tour nommée « Tour de la Chancellerie ».

    3. 3. L'enceinte de Bruxelles du 13ème siècle

    Plan indiquant l’emplacement de l’enceinte entre le parc et la rue d’Isabelle.

    En 1911, lors de la construction de l’Athénée Léon Lepage, 30 rue des Riches Claires, les substructions d’une tour (« Tour des Carmes ») et un pan de mur avec contreforts de l’enceinte du 12ème siècle ont été découverts à proximité de l’aile sud de l’ancien couvent des Riches-Claires. Malheureusement ces vestiges n’ont pas été intégrés au complexe scolaire.

    3. 3. L'enceinte de Bruxelles du 13ème siècle    3. 3. L'enceinte de Bruxelles du 13ème siècle

    Découverte des substructions d'une tour de la première enceinte lors de la construction de l'Athénée Léon Lepage en 1911.

    Enfin, Léon Van Neck indiquait également que le pont rustique du Bois de la Cambre aurait été construit avec des pierres provenant de ces murailles.

    A. B.

     

     Pour passer à l'article suivant (3. 4.) : Lien URL

     


    votre commentaire
  • L’enceinte de Bruxelles datant du 13ème siècle

     Sommaire de ce deuxième article (3. 2.)

    L’enceinte de Bruxelles à partir du 12ème siècle

    Epoque d’édification

    Aspects des premiers remparts

    La muraille

    Les tours

    Les portes

    Plan de Bruxelles en 1572

    Les guichets

    L’enceinte de Bruxelles à partir du 12ème siècle

    3. 2. L'enceinte de Bruxelles du 13ème siècle

    Plan de Bruxelles en 1174

    1. Eglise collégiale et paroissiale des saints Michel et Gudule

    6. Château du Coudenberg

     

    Ce plan, établi par Guillaume Des Marez, montre le tracé de l’enceinte probablement achevée au 13ème siècle :

    3. 2. L'enceinte de Bruxelles du 13ème siècle

    Plan de Bruxelles au 13ème siècle d'après G. Desmarez 

    A remarquer :

     

    1

    Le castrum désaffecté

    14

    L’hôpital Saint-Jacques

    2

    Les « steenen »

    15

    Le château du Coudenberg

    3

    L’église Saint-Nicolas

    16

    Le manoir du Duc

    4

    La boucherie

    17

    La chapelle Saint-Jacques-sur-Coudenberg

    5

    La Halle aux draps

    18

    Hospice Terarken

    6

    La Halle au pain

    19

    Chapelle Saint-Michel

    7

    La Maison des Brasseurs

    20

    L’hôpital Sainte-Gertrude

    8

    L’Etoile

    21

    Les étangs du parc

    9

    De Meerte

    22

    Des marais convertis en fossés de défense

    10

    Den Berg

    à

    11

    Le port et le débarcadère

    26

    12

    La grue

    27

    L’étang du Sablon

    13

    L’Eglise Sainte-Catherine

     

     

     

    L’époque de l’édification

    De quand date l’édification de cette enceinte que nos manuels d’histoire qualifient de « première » ?

    Marcel Vanhamme se fie à la tradition pour avancer que la muraille aurait été bâtie à partir du milieu du 11ème siècle.

    Léon Van Neck opte pour l’année 1040 en ce qui concerne la décision prise par le comte Lambert II de la Maison de Louvain d’entourer la ville d’une enceinte en pierres massives.

    L’édification daterait « Post annum 1040 » d’après J.B. Grammaye  et en 1044 selon le « Luyster van Brabant » !

    Mina Martens donne comme limites temporelles « avant 1063 – 1100 ». Elle souligne ainsi qu’il est donc possible que plusieurs décennies aient été nécessaires à la construction de ce rempart.

    Roel Jacobs cite trois actes datant de 1134, 1138 et 1141 et en déduit que l’enceinte doit dater d’avant 1134.

    Tout porte à croire que l’enceinte urbaine de Bruxelles, entièrement terminée, remonte à 1100 et qu’elle est de toute façon postérieure à l’édification du château du Coudenberg qui, lui, fut construit entre 1041 et 1047.

    Paul Bonenfant a établi avec précision les données historiques présidant à l’élévation de ces murs mais il a éprouvé quelque scrupule à les dater du règne de Lambert II. Seul, en définitive, ce prince lui parut susceptible de prendre une telle mesure et d’en poursuivre largement l’exécution, compte tenu de l’aide qu’elle apportait à sa politique belligérante. Il semble bien que le parachèvement ait été accompli sous la direction de son successeur, Henri II.

    Aujourd’hui, la relecture de certains documents d’archives, de récentes fouilles archéologiques fructueuses permettent de situer la construction de la première enceinte dans la première moitié du 13ème siècle. Il est vraisemblable que c’est grâce à un accord passé entre les autorités urbaines et le duc de Brabant, Henri 1er (1190 – 1235), que l’on doit le lancement du chantier. La construction de cette enceinte a pu s’étaler sur de nombreuses années, voire décennies et peut-être même jusqu’à la fin du 13ème siècle. La plupart des historiens semblent à présent d’accord pour considérer ce travail comme achevé dans son ensemble à l’avènement de Jean 1er le Victorieux, soit en 1267.

    Aspects des premiers remparts

    Les premiers éléments de l’enceinte qui furent établis sous le règne du duc de Brabant Henri 1er ne constituèrent pas directement une enceinte murale. En effet,  ses constructeurs tinrent compte au maximum des fossés et étangs existants et vraisemblablement aussi du nombre d’habitants aptes à occuper l’enceinte en cas de siège. 

    Roel Jacobs estime que les remparts ont été tracés de façon intelligente car les murs orientés de l’est à l’ouest ont été élevés systématiquement le long des ruisseaux qui descendaient vers la Senne. Les pentes de ces vallées naturelles ont été surélevées puis les murs y furent bâtis. Même si ceux-ci semblent encore assez bas aujourd’hui, le tout formait quand même pour l’époque une fortification assez imposante.

    On peut donc imaginer facilement la constitution de ces premiers remparts : comme partout ailleurs, ce furent d’abord des talus, façonnés avec la terre provenant du creusement des fossés ainsi que des palissades qui ont très probablement rempli le rôle d’écran protecteur. Les nombreux marécages qui entrecoupaient notre sol devaient aussi contribuer puissamment à défendre notre vallum.

    Toutefois l’édification de portes en pierre fut un des premiers soucis des constructeurs. Ces portes, au nombre de sept, occupaient les chemins qui rayonnaient vers les villes voisines.

    Bientôt, aux endroits dont l’expérience militaire avait démontré la faiblesse, le rempart de terre laissa alors place à un mur en pierre.

    Enfin, sous l’impulsion des progrès réalisés par l’art militaire, c’est un mur dont le développement total dépassait 4 km qui finit par encercler la cité tout entière.

    Cette première enceinte de la ville de Bruxelles, longue d’environ 4 km, appartient au type des enceintes sur arcades. Il s’agit d’un monument de terre et de pierre. Ses fondations sont constituées de piles quadrangulaires espacées d’environ 4 mètres, reliées entre elles par des arcs, le tout étant enterré dans un talus de terre. Au-dessus se développe un mur de courtine régulièrement percé d’ouvertures de tir et doublé d’une seconde série d’arcades supportant le chemin de ronde supérieur protégé par un parapet crénelé.

    La tête du talus devait être suffisamment large du côté intérieur pour permettre de circuler le long du mur et d’avoir accès aux archères qui perçaient le mur à intervalles réguliers correspondant à chaque arcade.

    Sur le pourtour du rempart, à intervalles plus ou moins réguliers, des tours en fer à cheval ouvertes à la gorge font saillie sur le mur. Elles sont percées, à chaque étage, de trois archères, deux latérales selon l’axe du rempart qu’elles protègent et une troisième suivant leur axe de symétrie.

    Abordons à présent  la composition de l’enceinte murale.

    La muraille

    Le tracé plus ou moins ovale de cette muraille se trouvait en majeure partie logiquement étiré sur le versant oriental de la vallée de la Senne puisque c’est dans cette direction que la ville s’était développée.

    Ce tracé nous est bien connu car il figure en effet sur une carte gravée par Hogenberg en 1572 ou sur celle dressée par Jacques de Deventer entre 1550 et 1554 à une époque où la première enceinte subsistait en entier.

    Mina Martens nous en donne une description très précise :

    « Le rempart proprement dit, d’une hauteur moyenne de 7 mètres, était surmonté d’un chemin de ronde de 1 m 70 de large protégé par des merlons de 52 cm d’épaisseur, le tout prenant appui sur de hautes arcades de plein-cintre de 5 mètres d’ouverture et de 1 mètre de profondeur, séparées par des montants de 1 m 90 de largeur. Le mur du fond des grandes arcades était percé, dans l’axe, par une archère largement ébrasée vers l’intérieur au-dessus du niveau d’un terre-plein occupant chaque arcade et reposant sur une voute en berceau surbaissé constituée de moellons grossièrement assemblés ».

    René Dons précise que le mur avait une épaisseur moyenne de 84 cm mais de 2 mètres 21 en y comprenant les arcades cintrées. De distance en distance s’élevait une tour. On en comptait une vingtaine au total mais les historiens ne sont pas tous d’accord à ce sujet. L’enceinte était percée de sept portes principales et de cinq portes secondaires désignées sous le vocable « guichets ». L’ensemble de ce dispositif était précédé d’un large fossé mis en eau dans le bas de la ville.

    Les tours

    En se fiant à J. B. Grammaye, on a longtemps cru que la première enceinte de Bruxelles comprenait 8 portes et 24 tours. « En réalité, nous dit Léon Van Neck, elle comportait 7 portes et une cinquantaine de tours ! » Mina Martens quant à elle évalue le nombre de tours à une quarantaine maximum. Un examen minutieux du plan de Bruxelles dressé par Braun et Hogenberg en 1572 ou de celui établi par Martin de Tailly en 1640 permet de confirmer cette dernière estimation.

    Tous les cinquante mètres, les tours permettaient une protection maximale du mur. Elles avaient une forme générale en fer à cheval qui faisait saillie sur le mur. Elles étaient hautes de deux étages. Chaque niveau était percé de trois meurtrières et de deux ouvertures menant au chemin de ronde. Au sommet de la tour, une terrasse était cordée d’un parapet à créneaux et à merlons.

    A l’origine, les tours n’étaient pas couvertes, mais peu à peu, des toitures sont venues protéger leurs nouvelles affectations comme réserves et dépôts communaux.

    Les portes

    Implantées sur les axes de circulation qui reliaient Bruxelles aux villes voisines, les portes se présentaient sous la forme d’un passage couvert entre deux tours rapprochées et coiffé d’une toiture à deux pentes. Le passage débouchait sur un pont qui franchissait le fossé.

    A partir de la fin du Moyen Age, les portes ont également accueilli de nouvelles fonctions, notamment le dépôt d’archives ou de matériel. Elles ont aussi eu le rôle de prisons, surtout à l’époque des guerres de religion du 16ème siècle.

    3. 2. L'enceinte de Bruxelles du 13ème siècle

    L'emplacement des sept portes au 13ème siècle

    1. Porte de Pierre ou Steenpoort
    2. Porte Saint-Jacques ou d’Overmolen
    3. Porte Sainte-Catherine
    4. Porte de Laeken ou Porte Noire
    5. Porte aux Herbes Potagères ou Warmoespoort
    6. Porte Sainte-Gudule ou Porte du Treurenberg
    7. Porte du Coudenberg

    3. 2. L'enceinte de Bruxelles du 13ème siècle

    Plan de Bruxelles en 1572

    Extrait de l’ouvrage intitulé Civitates orbis terrarum, publié par Braun, avec planches de Hogenberg

    Sept  portes fortifiées défendaient les accès de la ville. Ces portes principales nous sont connues par l’iconographie uniquement. Elles se présentent sous la forme d’un passage couvert entre deux tours rapprochées. Ces portes urbaines étaient bâties sur les voies partant de Bruxelles et conduisant vers les localités voisines. Chaque porte était défendue par un bâtiment massif, crénelé, percé d’une porte et de petites ouvertures. 

    1. LA PORTE SAINTE-GUDULE

    Cette porte avait deux noms : Porte Sainte-Gudule ou Porte du Treurenberg. Cela se comprend aisément parce qu’elle était située à proximité de l’église Sainte-Gudule, sur le Mont des Pleurs. Les marchands franchissaient la Porte Sainte-Gudule pour aller vers Louvain et Cologne. Elle fut utilisée comme prison pour dettes au 16ème siècle et fut démolie en 1760.

    2. LA PORTE DU COUDENBERG

    La Porte de Coudenberg donnait accès à la direction de Namur. Située dans la montée de la rue de Namur actuelle, au carrefour de la rue Bréderode, elle fut également appelée «Porte de Froid-Mont». Par cette porte repartaient les marchands flamands qui avaient séjourné à Bruxelles et qui se rendaient en Wallonie. Elle fut également démolie en 1760.

    3. LA PORTE DE PIERRE

    3. 2. L'enceinte de Bruxelles du 13ème siècle

    La Steenpoort se dressait dans l’axe de la rue Haute, sur le tracé actuel du boulevard de l’Empereur, à peu près à égale distance de l’actuelle rue des Alexiens et de la rue de l’Escalier. L’aspect de la Steenpoort ressemble à celui des autres portes de l’enceinte et nous est connu par quelques sources iconographiques anciennes qui nous montrent un bâtiment quadrangulaire, flanqué vers l’extérieur de deux tours en demi-cercle, coiffé d’une toiture à deux versants s’appuyant sur deux pignons, massif avec des hauts murs percés dans le haut de quelques fenêtres grillagées. Le bâtiment était traversé en son milieu par un passage couvert fermé par deux vantaux de bois.

    Cette construction puissante, dans le style des forteresses belges de son époque, tournait son immense porte comme un défi vers le faubourg déjà remuant de la rue Haute. Elle donnait accès vers le quartier de la Chapelle et le faubourg de Saint-Gilles (Obbrussel) puis vers, Forest, Uccle, Alsemberg et Halle.

    Plus tard on l’appela également « Porte de la Prison ». Elle était située dans l’ancienne rue Steenpoort très courte mais aujourd’hui disparue. Elle servit aussi de prison aux étrangers délinquants et aux vagabonds

    La Steenpoort, qui n’était autre que l’une des sept portes principales de la première enceinte, a rempli le rôle de prison criminelle bruxelloise, très probablement du 15ème au 18ème siècle. Elle était toujours bondée de criminels de tous acabits, et en particulier les braconniers de la forêt de Soignes. La Steenpoort était une prison horrible. Selon G. Des Marez mais aussi Jacques Dubreucq, dans la tour secondaire, également appelée «la Pyntorre», se pratiquaient tous les raffinements de tortures de ces siècles délicats. Ces historiens n’ont  cependant avancé aucune preuve de telles affirmations. Sur un diplôme datant de 1326, une indication nous renseigne que les bourgeois de Bruxelles ne pouvaient être incarcérés qu’à la Steenpoort, ce qui tendrait à prouver que cette porte aurait déjà pu servir de prison au 14ème siècle.

    La Steenpoort fut démolie en 1759. L’étroitesse de son couloir gênait la circulation des voitures et charrettes entre la rue Haute et le centre de la ville. Mais déjà on n’y enfermait plus les prisonniers car ses murs délabrés et disjoints avaient trop facilité les évasions. Un de ses derniers prisonniers connus aurait été François Anneessens.

    La  Steenpoort

    3. 2. L'enceinte de Bruxelles du 13ème siècle

    Plan de quartier : la Steenpoort est entourée d'un cercle.

    1. Rue Steenpoort et la Porte de Pierre (Steenpoort)
    2. Rue d’Or
    3. Rue de l’Escalier
    4. Rue de Rollebeek
    5. Grand Sablon
    6. Rue Haute
    7. Eglise de la Chapelle
    8. Rue des Alexiens
    9. Rue des Ursulines
    10. Rue du Saint-Esprit

    4. LA PORTE SAINT-JACQUES

    Longeant la rue du Marché au Charbon, le chemin inférieur conduisait à la Porte d’Outre Moulin ou Overmolenpoort. La Porte d’Overmolen était également appelée « Porte Saint-Jacques » ou Porte du Moulin supérieur. Elle était située au carrefour du Marché-au-Charbon et de la rue du Bon Secours et menait vers Anderlecht, Mons et Paris. La route de Paris menait jusqu’en Galice, dans le nord de l’Espagne, à Saint-Jacques de Compostelle, haut lieu de pèlerinage.

    Elle doit probablement son nom de « Saint-Jacques » au fait qu’il existait près de cet endroit en deçà du rempart la chapelle Saint-Jacques ainsi qu’un hospice Saint-Jacques qui accueillait les pèlerins venus de Flandre et qui se rendaient à Compostelle en passant par cette porte vers Anderlecht où ils rendaient hommage à saint Guidon. Elle fut abattue en 1574.

    Au 17ème siècle, ces bâtiments ont fait place à l’église Notre-Dame de Bon Secours.

    5. LA PORTE SAINTE-CATHERINE

    La Porte Sainte-Catherine était située au bout de la rue Sainte-Catherine, à l’entrée de la place Sainte-Catherine actuelle et menait vers Alost, Gand, Bruges et la Flandre. Cette porte avait la même utilité que la Porte du Coudenberg : elle laissait pénétrer dans la ville les marchands flamands venus du Nord-Ouest de nos contrées.

    6. LA PORTE DE LAEKEN

    Après la Grande Île, un peu plus large que la place Saint-Géry actuelle, la route militaire, ainsi désignée par G. Des Marez, rejoignait le port de la Senne par la rue du Pont de la Carpe et la rue des Poissonniers. Au port, elle croisait la route marchande Bruges-Cologne. Là débutait la rue de la Vierge Noire, très courte, qui conduisait à la Porte Noire.

    Ouverte en direction de Laeken, de Malines et d’Anvers, la Porte Noire ou Lakenpoort ou Zwartepoort se situait au bas de la rue de l’Évêque, là où se trouve le Parking 58 actuel. La route vers le nord suivait ensuite la Senne et traversait Vilvorde et Malines.

    7. LA PORTE AUX HERBES POTAGÈRES

    Enfin, la Warmoespoort, également désignée sous le vocable de Porte aux Herbes Potagères menait au potager de la ville et à l’Orsendael, le vallon des chevaux.  P. Combaz la situe rue Montagne-aux-Herbes-Potagères, au bout de la rue du Fossé-aux-Loups, c’est-à-dire devant l’entrée du parking de la Banque Nationale. Elle subsista jusqu’en 1872.

    Très basse et très peu défendue, elle facilitait l’entrée des maraîchers. Au-delà de cette porte, le chemin s’est appelé plus tard la rue du Marais, peut-être en souvenir du passage de ces maraîchers, à moins qu’un marais ait effectivement existé à cet endroit, ce qui n’est pas prouvé.

    C’est par cette porte que les maraîchers de Schaarbeek pénétraient dans la cité. La rue de la Poste prolongée par la rue de Schaerbeek et rejoignant enfin la rue du Marais formaient probablement l’Ezelswech ou chemin des Ânes. Il faut préciser qu’à cette époque l’âne était utilisé de façon courante pour transporter les produits agricoles.

    C’est par cette porte qu’Everard t’Serclaes et une centaine d’hommes ont pénétré dans la ville en 1356 pour délivrer Bruxelles occupée par les troupes flamandes du comte de Flandre Louis de Male.

    Toutes les portes ont disparu. Seuls quelques vestiges furent mis à jour lors de fouilles archéologiques récentes.

    Les guichets

    Outre ces portes de la ville et les points de passage de la rivière, les remparts permettaient encore l’accès à la ville par d’autres endroits, des portes secondaires appelées guichets ou poternes parfois aussi dénommés « viquets ». Ces guichets étaient des portes moins importantes, inaccessibles au grand trafic. Il semble logique de les considérer comme des portes pour piétons.

    C’est Jean d’Osta qui nous fournit l’explication du mot « viquets ».

    A propos de la rue Finquet ou rue Finquette, premier tronçon de la rue des Chartreux entre la rue des Poissonniers et la rue Saint-Christophe, Jean d’Osta nous dit qu’il s’agit du nom francisé au 18ème siècle de la rue que les Bruxellois nommaient « Vinket », «Vincket» mais aussi « Viquet » sur certains plans des années 1830 à 1850, altération du néerlandais « Wicket » ou « Winket » qui a donné en français « guichet », le W germanique étant généralement devenu G en français.

    Jean d’Osta confirme que les guichets étaient des poternes ou petites portes dérobées donnant sur le fossé de l’enceinte.

    Ce sont :

    1. Le Guichet ou Poterne du Loup (Swolfswiket)

    La poterne de Wolf était une petite poterne, petite porte réservée aux usages militaires selon Léon Van Neck. Au-delà de cette poterne, l’enceinte était précédée d’un fossé plein d’eau, le Wolfsgracht, où fut établie la rue du Fossé-aux-Loups, appellation vicieuse car le nom du fossé était dû au sieur Jean Wolf, propriétaire de terrains dans ce quartier. Le Viquet du Loup se trouvait à peu près à hauteur de l’actuel immeuble Philips près de la place de Brouckère entre deux portes de la ville : la Porte de Laeken et la Porte-aux-Herbes-Potagères.

    2. Le Guichet de Ruysbroeck

    Dans le bas de la rue de Ruysbroeck, à l’emplacement actuel d’une petite galerie couverte débouchant sur l’ancienne place de la Justice, les remparts venus de la Steenpoort dessinaient un angle droit pour escalader le Coudenberg. Là se trouvait le guichet du Ruysbroeck.

    3. Le Guichet aux Herbes Potagères

    Ce viquet appelé également «Waermoes wijket»  barrait la Montagne-aux-Herbes-Potagères, un peu en arrière des anciens Bains Saint-Sauveur, donc entre la « Warmoespoort » et la Porte du Coudenberg.

    4. Le Guichet de Driesmolen

    Combaz et A. de Behault situent ce viquet près du Vieux Marché-aux-Grains pratiquement au carrefour actuel de la rue Saint-Christophe et de la rue des Chartreux. La rue des Chartreux s’appelait à l’origine rue du Guichet et menait au guichet du Moulin du pré ou Driesmolen.

    5. Le Guichet du Lion

    D’après Marcel Vanhamme, le guichet du Lion portait plusieurs noms : Sleeuwswiket ou Wiketum Remorum en latin. Sur certains documents il s’appellerait aussi Guichet des Ramesdes Drapiers ou des Châssis ! Mais cet historien ne fournit aucune explication au sujet de ces appellations.

    La rue des Sœurs-Noires, c’est-à-dire la rue de la Grande Île actuelle, était fermée, en son milieu, par la Poterne du Lion.

    Lors de la démolition d’immeubles en bordure de la rue de la Grande Île, à l’emplacement probable de l’ancienne Leeuwe Poorte ou Guichet du Lion, démoli en 1594, les vestiges d’une arcade de soubassement (claveaux en grès lédien) ont encore été aperçus en 1972 mais trop rapidement comblés pour éviter tout retard dans la poursuite des travaux !

    3. 2. L'enceinte de Bruxelles du 13ème siècle

    A cet endroit, selon l’avis du Professeur Paul Bonenfant, l’enceinte urbaine ne fut rien d’autre que le rempart remanié du castrum primitif. Une similitude des matériaux utilisés viendrait confirmer cette opinion.

    Marcel Vanhamme signale également l’existence d’un Guichet des Bogards (Bogaerdenwiket) et d’un Guichet de Priem (Priemswiket) mais ne donne aucune indication quant à leur localisation ou leur fonction.

    Dans un ouvrage d’Alexandra De Poorter consacré au quartier des Riches-Claires, Stéphane Demeter, attaché aux Musées royaux d’Art et d’Histoire, apporte quelques précisions à propos de la « Priemspoort ». Le terme « Priemspoort » doit être interprété comme une grande maison, sans doute en pierre, bien qu’elle ne porte pas le nom de « steen ». Il s’agit de l’habitation d’un grand bourgeois drapier du nom de Jean Priem.

    Cette maison et les terrains qui y étaient attachés occupaient une partie du site de l’Oude Borch (actuel quartier des Riches-Claires), en retrait de la voirie de la Grande-Île, dans l’axe de la rue des Teinturiers. Elle n’était pas adossée à l’enceinte.

    Il ne s’agit donc pas d’une ouverture dans la muraille et aucune confusion n’est possible avec une porte ou un guichet.

    La « Priemspoort » et ses dépendances furent cédées en 1481 à la congrégation des Frères de la Vie Commune qui contribuèrent à la naissance de l’humanisme chrétien. Ces Frères qui vivaient en communauté sans prononcer de vœux ni porter l’habit monastique eurent une action essentiellement tournée vers l’enseignement.

    Précisons pour terminer ce chapitre que l’ensemble de ce rempart du 13ème siècle était percé de meurtrières, surmonté de créneaux et parcouru par un chemin de ronde. De petits ruisseaux marécageux tels le Ruysbroeck et le Rollebeek, le marais du Warmoes, les lagunes du Coudenberg… renforçaient naturellement la défense.

    A. B.

    Pour passer à l'article suivant (3. 3.) : Lien URL

     


    19 commentaires
  • L’enceinte de Bruxelles datant du 13ème siècle

    Sommaire de ce premier article (3. 1.)

    Bruxelles au 11ème siècle

    Plan de Bruxelles à la fin du 10ème siècle

    La route marchande à travers Bruxelles

    D’autres voies dans la ville

    Les habitations

    Bruxelles au 11ème siècle

    A quoi ressemblait notre cité au cours du 11ème siècle ?

    Jusqu’au 11ème siècle, il ne peut être question de « ville » quand il s’agit de Bruxelles. Le castrum situé sur l’ile Saint-Géry n’est qu’un simple point d’appui militaire et les habitants qui peuplent la vallée se livrent, pour la plupart, aux travaux de l’agriculture.

    A proximité du marché domanial et du port, proches du castrum, se sont très probablement établis quelques marchands et quelques artisans spécialisés. Ce sont des tisserands, des forgerons, des tanneurs et des cordonniers. Mais Bruocsella n’a encore aucune fonction économique : il n’y a, à vrai dire, ni commerce ni industrie. L’économie est toujours locale et agricole.

    A la fin du 11ème siècle cependant, des changements profonds vont se manifester. Le commerce renaît en Europe occidentale après la disparition de l’empire carolingien et cette renaissance du commerce est le facteur déterminant du développement de Bruxelles, tout comme il l’a été pour d’autres localités telles que Gand, Bruges, Louvain, Dinant et Liège notamment.

    A cette époque des échanges nombreux se pratiquent entre le port de Bruges et la grande cité rhénane de Cologne. Des négociants parcourent la route marchande unissant Bruges à Cologne, grande route commerciale existant depuis l’époque romaine et passant au nord de Bruocsella.

    Les pillards étant si nombreux à cette époque le long de cet axe commercial, il ne faut guère s’étonner que les marchands se soient écartés de leur chemin et détournés par Bruocsella pour cette raison de sécurité en priorité. Le castrum de l’île Saint-Géry leur offrait en effet pleine garantie et ils avaient la certitude de pouvoir y passer la nuit en toute tranquillité.

    En ce lieu, les marchands avaient aussi l’occasion d’exercer leur négoce : le duc, les membres de sa famille et ceux de sa suite constituaient une clientèle non négligeable. Enfin, ils avaient la possibilité de vendre et d’acheter aux artisans et aux autres négociants qui y séjournaient temporairement ou qui y étaient fixés à demeure.

    Pour ces diverses raisons, Bruocsella, pourvu d’un port situé précisément là où la navigation sur la Senne cesse d’être facile en amont, devint une étape sur la route Bruges-Cologne et même un véritable centre économique. Sans cette impulsion, notre ville ne serait probablement restée qu’une modeste bourgade parmi tant d’autres. Ainsi se forma, en dehors du castrum, une nouvelle agglomération, marchande cette fois.

    Dès lors, à cette époque, Bruocsella comptait trois noyaux :

    • le noyau rural, le plus ancien, situé sur le Mont Saint-Michel, là où s’élève de nos jours la cathédrale Saint-Michel ;
    • le noyau militaire constitué par le castrum ;
    • le noyau marchand, le plus récent, appelé à devenir le plus important, à proximité du pont et du port.

    Bruxelles du 10ème au 12ème siècle

     

    3. 1. L’enceinte de Bruxelles datant du 13ème siècle

    1. Le "Castrum" : premier château probablement établi sur l’Île Saint-Géry

    2. Eglise Saint-Géry         3. Siège du Tribunal public

    9. Hôpital Saint-Nicolas    14. Chapelle Saint-Michel

     Quelques « steenen » : 

    5. Steen probablement établi à l’emplacement de la rue des Pierres actuelle

    6. Steen probablement établi au coin de la rue de la Colline actuelle

    4. Plattesteen   7. Steen de Koekelberg   8. Steen dit Payhuys

    12. Meynaertsteen   13. Serhuyghskintsteen

    15. Steen dit Valkenborch   16. Maximiliaansteen

    17. Cantersteen

    18. Hôpital Sainte-Gertrude

    19. Pont du Miroir donnant accès à l’Île Saint-Géry

    20. Pont des Juifs

    La route marchande à travers Bruxelles

    Comment se présentait cette route marchande qui traversait Bruxelles ?

    Les marchands qui empruntaient la route commerciale Bruxelles-Cologne, venant d’Evere par l’antique chemin romain, pénétraient dans la ville par la vieille rue de Schaerbeek, arrivaient au Mont Saint-Michel, suivaient les rues de la Montagne, du Marché-aux-Herbes et du Marché-aux-Poulets, la rue Sainte-Catherine, la rue de Flandre et empruntaient enfin la route allant vers Gand. Ce chemin reçut le nom de « Steenweg » après avoir été pavé.

    Le long de cette route naquit tout naturellement un marché, rendez-vous des commerçants, des artisans et des acheteurs. Il se situait à l’emplacement de notre Grand-Place actuelle (à un peu plus d’un mètre sous le niveau actuel). Cet endroit, appelé à devenir le centre économique de notre cité, était appelé « Nedermerct ». C’est dans ses abords immédiats que furent édifiées plus tard les halles et que d’autres marchés spécialisés (aux Poulets, aux Herbes, aux Fromages…) se sont créés.

     

    D’autres voies dans la ville

    Selon Guillaume Des Marez, Bruxelles doit ses origines à quatre voies principales. Outre la voie marchande qui vient d’être évoquée, cet historien mentionne également :

    • la voie agricole, une voie de communication datant de l’époque romaine, que l’on désigne habituellement par « diverticulum » situé sur la pente est de la vallée et correspondant au tracé actuel de la rue Haute, du boulevard de l’Empereur, du Cantersteen et du boulevard Pachéco ;
    • la voie militaire, un embranchement du diverticulum vers le castrum situé sur la Grande Île et qui suivait le tracé de la rue de la Montagne et la rue des Pierres ;
    • la voie qui mène au château du Coudenberg par la rue du Marché aux Herbes, la rue de la Madeleine, la rue Montagne de la Cour et la rue de Namur.

     

    Les habitations

    Le noyau urbain qui s’était constitué n’avait toutefois pas encore fait disparaître tout caractère rural : des champs, des prairies subsistaient au sein des quartiers habités. On ne conserve aucun souvenir du genre d’habitations qui s’élevaient le long des rues de la ville. Leur disparition totale pourrait s’expliquer par la nature des matériaux périssables dont elles étaient composées. Les habitations qui se multipliaient étaient de modestes demeures occupées par des artisans, maisonnettes en bois et torchis, au toit couvert de chaume, et qui étaient une proie très facile pour les flammes !

    Parmi ces habitations se dressaient, çà et là, des bâtisses massives en pierre. Il s’agissait des « steenen », occupées par les grandes familles patriciennes. On n’est guère mieux renseigné au sujet de ces « steenen » ou «maisons de pierre» édifiées par les bourgeois désireux de protéger leurs biens.

    Il faut se représenter un « steen » sous l’aspect d’une solide demeure en pierres sommairement taillées ou en moellons, comprenant un rez-de-chaussée et un ou deux étages. Une porte unique donnait accès à l’intérieur ; des fenêtres étroites défendues par des barreaux de fer laissaient pénétrer l’air et un peu de lumière. La partie supérieure était garnie de créneaux ; un donjon renforçait la défense de cet immeuble qui pouvait soutenir un siège. La plupart des « steenen » étaient entourés d’un fossé rempli d’eau.

    Les « steenen », au nombre de sept très probablement, constituaient des éléments extrêmement importants de la défense du castrum de l’île Saint-Géry. Ils défendaient les approches du castrum du côté de l’est. Parmi les « steenen », le plus important fut celui de la puissante famille des Clutinc, situé à proximité du Blindenberg (Mont des Aveugles), et dont on a dégagé puis détruit des vestiges importants lors des travaux de démolitions effectués dans ce quartier vers 1910 pour la réalisation de la jonction ferroviaire Nord-Midi.

    La ville naissante commença à se développer, s’étendant vers la hauteur, sur la rive orientale de la Senne, pour échapper aux inondations périodiques de la rivière mais aussi en raison de l’attraction qu’exerçait l’église Sainte-Gudule nouvellement construite et où venaient d’être déposées depuis peu les reliques de sainte Gudule.

    La cité marchande, installée sur les bords de la Senne, est à cette époque une véritable agglomération urbaine qui concentre le pouvoir politique et économique. Les bourgeois disposent de privilèges particuliers, marchands et artisans peuplent la ville alors que la production et le commerce de la draperie fleurissent. Le jour où la ville de Bruxelles atteignit un certain degré d’expansion économique, elle obtint le droit d’avoir ses propres remparts.

    D’après René Dons, au 11ème siècle, le castrum et le bourg primitif furent  complètement désaffectés et un nouveau château fut construit simultanément sur le Coudenberg (place Royale) pour les comtes de Louvain qui, à cette époque, avaient aussi pris le titre de ducs de Brabant.

    Le duc Henri quitta donc définitivement le castrum héréditaire des ducs de Lotharingie pour aller se fixer au Coudenberg.

    La construction d’une enceinte devenait indispensable vu le développement de la ville, le castrum de l’Ile Saint-Géry et celui du Coudenberg ne suffisant plus à assurer la protection de l’agglomération en voie de croissance.

    Selon Henne et Wauters, ce fut probablement le comte de Louvain Lambert II, dit Baldéric, qui entreprit d’entourer Bruxelles d’une ceinture de murailles à partir de  1040. Ce travail dura, selon toutes probabilités assez longtemps, peut-être même un siècle ! 

    A. B .

     Pour passer à l'article suivant (3. 2.) : Lien URL

     

     


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique