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4. 2. Visite de la Grand-Place de Bruxelles - 2ème partie
Visite de la Grand-Place de Bruxelles
Deuxième partie
La Grand-Place et l’ésotérisme alchimique
La Grand-Place est-elle un témoignage des liens entre l’ésotérisme alchimique et l’ancienne maçonnerie opérative ? La question mérite d’être posée car le rôle joué dans la reconstruction de la place, après le bombardement de 1695, par les membres de la corporation des Quatre Couronnés, au premier rang desquels figurait Guillaume De Bruyn, qui réalisa lui-même près du tiers des maisons, a confirmé Paul de Saint-Hilaire dans son interprétation alchimique étendue à l’ensemble de la Grand-Place. Il convient cependant de remarquer que celle-ci n’est hélas fondée sur aucune critique historique rigoureuse.
L’alchimie, qui était la chimie du Moyen Age, est imprégnée d’éléments de mysticisme oriental, ramenés en Occident par les Croisés. Les Alchimistes, tels Thomas d’Aquin, Roger Bacon, Cornélius Agrippa et Paracelse ont pratiqué l’alchimie. Ils recherchaient la transmutation des métaux et la multiplication de l’or à l’aide de la Pierre philosophale. Le symbolisme de la Franc-maçonnerie spéculative fait référence à des éléments alchimiques, tels que le Sel, le Soufre ou le Mercure.
Pour Paul de Saint-Hilaire, les sept groupes de bâtiments de la Grand-Place présenteraient des indices cryptant, par les noms des immeubles, les enseignes, les symboles et allégories décorant leurs façades, l’itinéraire de l’alchimiste préparant la Pierre philosophale en suivant les sept opérations de la « voie sèche », censée avoir été mise au point à Compostelle par l’alchimiste Nicolas Flamel, mort en 1418, et remplaçant une « voie humide », en douze étapes.
Les façades du côté nord de la Grand-Place
Entre la rue au Beurre et la rue Chair-et-Pain, sur le côté gauche de la Maison du Roi, nous trouvons sept façades, le groupe de maisons le plus simple de toute la Grand-Place. Derrière la deuxième se cache une maison double. Ces maisons privées constituent, par la sobriété de leurs façades, un point de repos au milieu des maisons plus que décorées des corporations de métier.
Pour Paul de Sant-Hilaire, des éléments décoratifs de deux façades de ce groupe de sept maisons situées côté nord, correspondraient à la première opération alchimique.
Notre-Dame de la Paix
La première maison de ce groupe, « Notre-Dame de la Paix », est encore située rue au Beurre, au numéro 46. Elle a comme enseigne la Vierge encadrée de deux Cornes d’abondance : son ventre est orné d’un Soleil rayonnant car elle va enfanter l’Or des philosophes.
Le Heaume
Située au numéro 34, « le Heaume » – de Helm – possède une double enseigne et a une façade qui ne manque pas d’élégance. Elle est divisée en trois zones, séparées par des pilastres d’ordre dorique au rez-de-chaussée et au premier étage, d’ordre ionique au deuxième étage. Le pignon est flamand avec sa fenêtre cintrée au centre, avec ses guirlandes de fleurs et de fruits qui ornent les rampants, avec ses boules et son vase. Chose curieuse, dans le gâble, l’architecte a maintenu un oculus qui ne remplit ici qu’un pur effet décoratif.
Le nom de l’architecte de cette maison n’est pas connu. Le nom de Pierre Van Dievoet pourrait être cité, du moins en ce qui concerne les sculptures qui s’y trouvaient avant la restauration de 1921. Par contre, les bas-reliefs qui ornent actuellement « le Heaume » sont l’œuvre de Huygelen.
Sur le premier bas-relief, six enfants nus enlèvent une armure du feu ; sur le second, six autres dressent le heaume sur un trophée. L’opération alchimique est fréquemment représentée par le jeu des enfants, le « Ludus puerorum ». Il faut retirer la matière du feu et la faire refroidir pour obtenir l’Acier des philosophes, appelé heaume. La première opération s’achève ici.
Ces deux édifices encadrent cinq autres maisons :
Au numéro 35, « le Paon » a sa façade rehaussée de guirlandes dorées et est surmonté du pignon propre à nos habitations du 17e siècle.
Au numéro 36, la maison dite « ‘t Voske » ou « le Petit Renard » était jadis appelée « Le Samaritain ». Elle est placée sous le même toit que la maison sise au numéro 37, dite « den Eyck » ou « le Chêne ». Plus simple que leur voisine, on y retrouve, non pas le gâble, mais des lucarnes embellies qui couronnent les toitures des habitations des 16ème et 17ème siècles.
Au numéro 38, « Sinte Barbara », « Sainte Barbe », dénommée ensuite « den Gekroonden Doorelaer » ou « la Ronce couronnée » affecte les mêmes caractéristiques de simplicité, sauf qu’ici le gâble réapparaît.
Enfin, au numéro 39, la maison dite « den Ezel » ou « l’Ane » a été restaurée en 1917. Elle a une façade charmante aux trois ordres superposés et au gâble orné de guirlandes et de vases. Les architectes de ces cinq maisons sont inconnus.
Malgré leur simplicité, ces maisons ne sont pas sans intérêt. Nous y retrouvons non seulement la caractéristique des trois ordres qui distinguent toute l’architecture des maisons de la Grand-Place, avec leurs bandes verticales et horizontales, mais aussi le souvenir de l’ancienne maison bruxelloise des 16ème et 17ème siècles.
Les façades du côté nord-est de la Grand-Place
L’architecte Guillaume De Bruyn avait également voulu réaliser un ensemble entre la rue des Harengs et la rue de la Colline. Une statue équestre du gouverneur devait couronner « La Chaloupe d’Or » et cette partie centrale devait être augmentée de deux ailes horizontales, comme aux « Ducs de Brabant », mais on n’y arriva pas.
Seuls « la Chaloupe d’Or » et « l’Ange » furent construits selon les plans de Guillaume De Bruyn. Cependant, les façades des deux bâtiments ne se raccordaient pas parfaitement. Les propriétaires, le métier des tailleurs et Jean de Vos, entrèrent en conflit et confrontèrent leurs divergences au cours d’une procédure judiciaire qui prit des années. « L’Ange » reçut un gâble à lui et la statue du gouverneur ne fut pas placée sur « la Chaloupe d’Or ». Les quatre autres façades furent réalisées sans aucun rapport avec elles.
La Chambrette de l’Amman
« Het Ammanskamerke », située au numéro 28, s’appelait primitivement « de Gulden Marchant » ou « le Marchand d’Or ». A l’origine, cette maison était en bois et fut reconstruite après le bombardement de 1695. Elle a un décor simple mais élégant. On retrouve, dans l’élégante sobriété de ses lignes, la traditionnelle superposition des trois ordres classiques et la construction se termine par un pignon à volutes orné de trois vases.
Sa façade porte les armoiries du duché de Brabant. C’est ainsi qu’aujourd’hui, elle s’appelle aujourd’hui « Aux Armes de Bruxelles ».
Le Pigeon
« Le Pigeon » – de Duif – qui porte les numéros 26 et 27, était à l’origine la maison des peintres. Cette belle maison fut complètement détruite lors du bombardement. La gilde des peintres, complètement en décadence et sans ressources, vendit le terrain à l’architecte et tailleur de pierre Pierre Simon qui est probablement l’auteur de la nouvelle construction dans le style de la deuxième Renaissance.
Elle est en effet moins décorée que beaucoup d’autres et frappe par sa beauté pleine de sobriété. L’architecte s’est inspiré des vrais principes classiques et n’a laissé que peu de place au décor abondant et fantaisiste du style flamand. On y retrouve la superposition correcte des trois ordres, dorique au rez-de-chaussée, ionique au premier étage, corinthien au deuxième étage. Le gâble qui achève la maison, est sobre de lignes.
Une autre caractéristique de cette maison, c’est l’emploi du plein cintre aux fenêtres. La fenêtre vénitienne du premier étage lui donne un cachet particulièrement raffiné. Les mascarons qui séparent l’ordre dorique de l’ordre ionique et soutiennent celui-ci, sont remarquables et peuvent être considérés comme des modèles du genre.
Une inscription rappelle que Victor Hugo, « tout ébloui de Bruxelles », vécut en proscrit dans cette habitation, dans un deux-pièces qu’il occupa jusqu’à la publication, en août 1852 de « Napoléon-le-Petit ».
La Maison des Tailleurs ou la Chaloupe d’Or
Deux maisons distinctes s’élevaient jadis sur cet emplacement : « la Taupe » (de Mol) et « la Chaloupe d’Or » (de Gulden Boot) qui appartenaient toutes deux à la corporation des tailleurs depuis 1500 à peu près. Ces deux maisons furent reconstruites après le bombardement de 1695 mais cachées par une seule façade.
Guillaume De Bruyn, ingénieur et contrôleur des travaux de la Ville, en fut l’architecte et Pierre Van Dievoet le sculpteur des décorations de la façade.
On y retrouve les apports qui caractérisent si nettement les maisons de la Grand-Place, l’apport baroque italien et l’apport décoratif flamand : deux ordres superposés, un fronton triangulaire, un gâble en forme de niche ainsi que des statues.
De hauts pilastres ioniques bosselés délimitent la hauteur du rez-de-chaussée et de l’entresol. De même, des pilastres corinthiens uniques occupent la hauteur des étages supérieurs. Leur partie inférieure est cannelée et repose sur un socle élevé et épannelé. Sur l’ordre corinthien repose l’entablement orné d’une frise. Sur cet entablement s’élève un fronton triangulaire.
Ces pilastres attestent l’influence de l’Italie alors que l’art flamand y apporte les guirlandes du fronton triangulaire de la fenêtre du centre et le pignon à volutes.
La partie centrale fait saillie sur le plat de la façade. Les pilastres ioniques du rez-de-chaussée et les pilastres corinthiens des étages se détachent sur des pilastres de même ordre, qui se trouvent dans le même plan de la façade. Cette partie centrale saillante continue dans le fronton et s’achève dans la niche du gâble.
Les fenêtres du premier étage rappellent, par leur couronnement, les fenêtres du style classique. Celle du milieu a un fronton triangulaire répondant au grand fronton de même forme qui recouvre la façade toute entière. Les deux autres fenêtres ont un fronton cintré. Les guirlandes qui ornent le fronton triangulaire de la fenêtre centrale dérogent à la sévérité du style classique et sont d’inspiration nettement flamande.
Il en est de même du gâble typiquement bruxellois : malgré ses ornements variés, on retrouve dans sa silhouette les vases, les volutes et les godrons.
En haut, dans un costume assez singulier, la statue de l’évêque Saint Boniface, né bruxellois, semble bénir les passants, alors que le buste de sainte Barbe, patronne des tailleurs, orne le dessus de la porte d’entrée. Les amateurs d’inscriptions liront sur le fronton :
« QUAS FUROR HOSTILIS SUBVERTERAT IGNIBUS AEDES SARTOR RESTAURAT PRAESIDIBUSQUE DICAT »
(La maison que la fureur de l’ennemi a détruite par le feu, les tailleurs la relèvent et en font hommage aux magistrats).
L’Ange
L’origine de la maison sise au numéro 23 remonte au moins au 14e siècle, lorsqu’elle s’appelait « l’Olivier ». Appelée ensuite « den Engel », c’est-à-dire « l’Ange », elle figure sur une gravure représentant l’Entrée de l’archiduc Ernest en 1594.
Sa façade reflète une fois encore une note italo-flamande et les étages sont marqués par des pilastres ioniques et corinthiens.
La hauteur du rez-de-chaussée et de l’entresol est délimitée par des pilastres à bossages de l’ordre ionique. L’ordre corinthien occupe les étages supérieurs et se retrouve dans le gâble, où deux pilastres de cet ordre supportent un fronton triangulaire, orné de trois vases.
Plus haut, nous trouvons les balustres flamands. Deux jolis cartels dotés d’un mascaron et d’une draperie encadrent le balcon du premier étage, d’inspiration moderne.
Anne, Joseph et le Cerf
Trois maisons, « Anne », « Joseph » et « le Cerf », toutes d’un aspect simple, se trouvent sur l’emplacement d’un groupe de bâtiments que la ville expropria à la fin du 14ème siècle afin d’agrandir le Marché.
De ces trois maisons, aucune trace n’est restée dans l’histoire de la ville. « Joseph » et « Anne » sont réunis par une même façade. « Le Cerf » s’appelait autrefois « Le Cerf Volant ». Elles appartenaient à des particuliers. Le gâble à volutes de « Joseph » et « Anne » rappelle le pignon à gradins. Quant à la maison « le Cerf », elle fut probablement conçue par l’architecte et tailleur de pierre Gilles Van den Eynde qui en était le propriétaire.
Pour Paul de Sant-Hilaire, le groupe de façades situées côté nord-est, entre la rue des Harengs et la rue de la Colline, rendrait compte de la deuxième opération alchimique.
L’enseigne du « Cerf » ou « Cervus fugitivus », au numéro 20, est située sur le côté de la première maison de ce groupe, rue de la Colline. Le « Cervus fugitivus » est pour les alchimistes le Mercure ou Vif-argent, métal utilisé au début de la deuxième opération.
Au sommet de la Maison des Tailleurs, la statue qui la surmonte ne serait pas, pour Paul de Saint-Hilaire, celle de saint Boniface mais bien une référence à l’alchimiste Basile Valentin. Au-dessus de la porte, derrière un buste de femme qui serait sainte Barbe patronne des alchimistes, une Roue désignerait le feu violent et continu permettant de porter la matière solide à l‘état gazeux, comme l’indique un ange ciselé au diadème de la sainte, et de réaliser ainsi l’Amalgame.
L’inscription latine du fronton rappelle que la maison a été détruite par un feu violent – celui du bombardement – et que c’est le Sartor qui l’a réédifiée et dédiée aux magistrats. « Sartor » signifie ravaudeur et non pas tailleur, de sorte que, pour Paul de Saint-Hilaire, en supprimant le premier « r », on pourrait lire « Sator », c’est-à-dire le semeur, soit l’Adepte œuvrant à la recherche de la Pierre philosophale !
La Maison du Roi
Le nom de « la Maison du Roi » référerait, pour Paul de Saint Hilaire, à l’Art royal, l’alchimie, et renverrait à la troisième opération alchimique. En 1767, on avait placé au fronton de l’ancienne « Broodhuys » une horloge et une devise : « Que pour la Patrie, tout se change en Or ». Une seconde inscription invoquait en lettres géantes la reine de paix, c’est-à-dire Maria Pacis. Or, pour les alchimistes, l’union du Roi et de la Reine représenterait l’Amalgame des principes mâle et femelle, obtenu à l’état gazeux, et figuré aussi par l’Aigle à deux têtes que l’on peut observer au-dessus de l’entrée.
La Maison du Roi avant sa restauration vers 1860
La Maison du Roi et son passé
Reconstruite à la fin du 19e siècle, en style néo-gothique, la vieille maison du Roi occupait l’emplacement de l’ancienne Halle au Pain ou « Broodhuys » du 13e siècle. Les boulangers bruxellois y avaient pris l’habitude d’y vendre leur pain. Plus tard, le bâtiment devint successivement le bureau du receveur général du domaine en Brabant, le tribunal de la foresterie puis la chambre des tonlieux.
La « Broodhuys » prit ensuite le nom de « ‘s Hertogenhuys » ou « Maison Ducale » lorsqu’on y installa des tribunaux, puis celui de « Maison du Roi » lorsque le Duc de Brabant devint roi d’Espagne, mais, malgré son nom actuel, elle n’a jamais été occupée par un souverain ! C’est devant la « Maison du Roi » que fut dressé, en 1568, l’échafaud sur lequel les comtes d’Egmont et de Hornes furent décapités par ordre du duc d’Albe.
Après la Révolution française, la « Maison du Roi », devenue bien national, fut baptisée « Maison du Peuple ». C’est ainsi qu’après avoir servi de tribunal criminel et de Conseil de guerre, le bâtiment fut acheté par la ville en 1794 et revendu en 1811 à Paul Arconati-Visconti qui y fit d’importantes transformations. Mais lorsque la ville la racheta, en 1860, elle se trouvait dans un état tellement lamentable qu’il fallut se résoudre à la faire raser avant de la reconstruire.
Elle fut donc remplacée par un nouvel édifice construit de 1873 à 1895 par Pierre-Victor Jamaer qui en dessina les plans en s’inspirant du splendide hôtel de ville gothique d’Audenaerde. La « Maison du Roi » abrite aujourd’hui le Musée Communal, inauguré le 2 juin 1887.
Analyse de sa façade
L’architecte Jamaer a fait prévaloir le néogothique et le principe d’unicité de style cher à Viollet-le-Duc. Les décors sculptés chargés de statuettes représentent, de part et d’autre du sommet du porche, Charles-Quint, présenté par l’historiographe officiel comme un prince « national », par opposition à son fils Philippe II, tyran étranger, et Marie de Bourgogne, qui céda la maison à la ville.
Dans la décoration, due à six sculpteurs – dont trois étaient des Francs-maçons – nous trouvons des écussons et statuettes représentant des ducs de Brabant : Henri 1er, qui accorda sa première charte à la Ville en 1229, et Philippe le Bon, duc de Bourgogne et comte de Flandre, devenu duc de Brabant en 1430, qui a favorisé le commerce des draps.
Nous y remarquons également des motifs amusants, comme, entre les deux galeries du campanile, la statuette d’un rôtisseur faisant allusion au sobriquet de « Kiekefretters » (mangeurs de poulets) donné aux Bruxellois.
De part et d’autre de la base du clocheton, rugissent les lions héraldiques du Brabant. Enfin, sur le couronnement, des gens de robe et des hérauts d’armes, des représentants des serments et des métiers proclament la gloire de Bruxelles.
Les façades du côté ouest de la Grand-Place
Au départ, entre la rue au Beurre et la rue de la Tête d’Or, un projet global existait également, en vue de créer une sorte de reflet de l’image que donnait, en face, la « Maison des Ducs de Brabant ». Finalement, c’est le contraire qui s’est produit ! Si le côté oriental de la place chante la grandeur du pouvoir central, le côté occidental est une ode au particularisme !
Au coin de la rue au Beurre, les boulangers ont construit une maison double « le Roi d’Espagne » et « Saint Jacques » dont la façade, du côté de la place, est dominée par des lignes horizontales. Le projet initial d’étendre ce style nouveau à toutes les constructions du côté occidental de la Grand-Place a dû être abandonné : en effet, à gauche, ces lignes devaient se poursuivre mais les façades des deux maisons attenantes, « la Brouette » et « le Sac », étaient déjà en pierre avant 1695. Elles ont survécu aux plans modernistes du gouverneur comme au bombardement. De nouvelles maisons furent construites contre les façades existantes. A leur gauche, deux nouvelles façades furent réalisées, sans doute les plus particularistes de toute la place.
Les sept maisons de l’ouest représenteraient la quatrième opération alchimique.
La première maison de ce groupe est celle du « Roi d’Espagne » ou « Maison des Boulangers », due à Jean Cosyns. Au fronton de l’édifice, la statue de Charles II d’Espagne, souverain des Pays-Bas au moment de la reconstruction de la place, indiquerait pour Paul de Saint-Hilaire, que la voie sèche en sept opérations a été introduite au départ de l’Espagne ! Le dôme octogonal qui couronne la maison figurerait l’athanor, le fourneau où l’Amalgame vient de s’opérer. Il est coiffé d’une Renommée avec banderole.
La façade est surmontée de sculptures allégoriques. Sept statues, enlevées en 1746, surmontaient l‘édifice. La restauration par Adolphe Samyn n’en a reproduit que quatre, figurant les quatre éléments : l’Air (Eole) et la Terre (Cérès, déesse romaine du Blé, assimilée à la divinité grecque Déméter, la grande déesse maternelle de la Terre), à gauche du dôme ; l’Eau (Neptune) et le Feu (Vulcain ou Vesta), à droite.
Au cours de la quatrième opération, l’Adepte doit en effet maîtriser le feu et user de l’air pour refroidir la matière, qui passe de l’état gazeux à l’état solide par le liquide.
Pour le profane, ces quatre statues centrales pourraient tout simplement représenter les éléments dont a besoin le boulanger pour fabriquer son pain : le blé, matière première ; le vent, représenté par un homme tenant un moulin à vent, utilisé pour moudre le blé ; l’eau, nécessaire au pétrissage de la pâte ; le feu, indispensable pour la cuisson du pain.
Mais ces statues peuvent conduire à une interprétation symbolique. Ce sont les quatre éléments grâce auxquels tout candidat Franc-maçon est purifié avant d’être reconnu Apprenti : l’épreuve de la Terre que le candidat subit dans le Cabinet de Réflexion (il meurt à la vie matérielle avant de renaître à une vie spirituelle) ; les épreuves de purification par l’Air et l’Eau (il s’affranchit de tout dogme, de tout enseignement profane et de toute philosophie préconçue) ; enfin la purification par le Feu grâce à laquelle le néophyte parvient à l’initiation pure (la flamme sacrée lui fait quitter sa position horizontale matérielle pour prendre la position verticale tendue vers l’univers spirituel).
Aux extrémités, on peut remarquer Hercule, avec sa massue, et Minerve, déesse romaine assimilée à Athéna (dont la chouette, symbole de Sagesse, est l’animal favori). Minerve tient dans sa main gauche un objet qui a toute l’apparence d’un sablier, image du choix entre le terrestre et le céleste, la possibilité d’un retour aux origines, à l’analyse de son être profond, analyse qui est suggérée au Récipiendaire dans le Cabinet de Réflexion. De plus, un coq est perché sur son bras, symbole de vigilance, annonciateur de la Lumière, et, du bras droit, elle serra contre elle une corne d’abondance, symbole de fécondité, de profusion gratuite des dons divins, devenue dans la suite des temps, l’attribut de la diligence et de la prudence qui sont aux sources de l’abondance. Ce coq et cette corne d’abondance, représentent aussi respectivement la Force et la Sagesse, nécessaires pour dominer les éléments et atteindre la Victoire, triomphant au sommet du bâtiment. Mais cette dernière statue, celle de la Renommée, d’une élégance et d’une beauté admirables, pourrait aussi être le symbole du troisième Pilier maçonnique : la Beauté.
Dans le même groupe de maisons, « le Cornet » était l’immeuble des bateliers. Cela explique la forme de la façade en poupe de navire mais rappellerait aussi qu’à la surface de la matière redevenue liquide au cours de cette opération se forme un résidu solide, que les traités d’alchimie appellent le Poisson, l’Etoile de mer ou la Nef. La présence d’une étoile à huit rais, représentée avec un Soleil et une Lune sous la scène où Triton capture le poisson, confirmerait cette interprétation.
Pour accéder à la coagulation, il faut de l’air froid, ce que rappelleraient les Quatre vents soufflant ensemble au gâble ou « le Cornet », enseigne de la maison. La fin de cette longue étape conduisant au dépôt de la poudre d’or justifierait le nom de « la Tête d’Or » donné à la dernière maison du groupe, rue de la Tête d’Or.
Le Roi d’Espagne
Construite à l’emplacement du manoir des ‘t Serhuyghs, aux numéros 1 et 2 de la Grand-Place, réalisation très moderne pour l’époque, et aussi plus classique que ses voisines, « la Maison des Boulangers » ou « le Roy d’Espagne », rappelle le style italien par sa balustrade et son petit dôme surmonté d’une charmante Renommée, due à P. Dubois, dont la trompette est souvent le perchoir d’un pigeon esseulé.
Si on en attribue les plans à Jean Cosyns, celui-ci est en tout cas, l’auteur des sculptures admirables de la façade d’une grande sobriété et où l’on décèle une note italo-flamande dans certains éléments de la décoration.
Au premier étage, on distingue quatre médaillons. Il s’agit de l’effigie des empereurs romains Marc-Aurèle, Nerva, Dèce et Trajan, choisis pour permettre une comparaison honorable avec le roi. Au second étage, sur un fond de drapeaux et entouré de deux prisonniers – un Turc et un Indien – un buste du roi d’Espagne, Charles II, qui gouverna les Pays-Bas Méridionaux jusqu’en 1700.
Le reste de la décoration rend hommage à Charles II, le dernier des Habsbourgs espagnols qui gouverna les Pays-Bas méridionaux.
Ce groupe sculpté devait expliquer que les boulangers comprenaient et soutenaient la politique de leur souverain : les Habsbourgs dirigeaient la lutte contre l’offensive ottomane turque, alors que la branche espagnole de la famille appuyait sa force sur ses possessions coloniales en Amérique Centrale.
On remarquera aussi l’enseigne « Den Coninck van Spagnien » ainsi qu’un chronogramme qui indique l’année de l’achèvement de cette maison : 1697.
Au-dessus de la porte d’entrée, les boulangers ont placé le buste en bronze doré de saint Aubert, leur patron. Il porte l’inscription :
« HIC QUANDO VIXIT, MIRA IN PAUPERES PETATE ELUXIT »,
qui signifie :
« Celui-ci se distingua pendant sa vie par une admirable pitié pour les pauvres ».
Une corbeille et des fruits sont posés sur l’archivolte interrompue.
La richesse notoire de la corporation des boulangers peut expliquer la profusion de dorures. Les comptes de la construction font notamment apparaître que la couronne du roi et les guirlandes étaient dorées.
La Brouette
De part et d’autre de l’enseigne de « La Brouette » se trouvent les mots « den Cruywagen » désignant la brouette et le mot « ‘t Vettewariershuys » qui rappelle que cet immeuble, situé au n° 3 de la Grand-Place, est l’ancienne maison corporative des graissiers, c’est-à-dire les marchands de produits laitiers et de volaille. Deux des quatre médaillons au-dessus du rez-de-chaussée représentent les brouettes plates qu’ils utilisaient pour amener le fromage et le beurre au marché.
Au rez-de-chaussée une première porte donne accès à la maison même. Une seconde porte, à gauche, débouche sur une ruelle devenue impasse. Autrefois, il y avait quatorze voies d’accès à la Grand-Place : sept rues et sept impasses.
En style italo-flamand, le rez-de-chaussée est en style dorique, le premier étage en style ionique ; le deuxième étage en style corinthien, et le troisième étage en style composite. Le pignon est orné de fleurs et de fruits. Le gâble est occupé par une statue de saint Gilles, patron des graissiers. L’inscription « Anno 1697 » précise en quelle année sa construction fut terminée.
Le Sac
Bâtie également sur le domaine démembré des ‘t Serhuyghs, « le Sac » (den Sack), située au numéro 4, était la propriété de deux corporations de métier et leur servait de local : les menuisiers ébénistes et les tonneliers. Comme pour sa voisine « La Brouette », le rez-de-chaussée, le premier étage et le deuxième font partie de la façade de 1644 qui échappa au catastrophique bombardement de 1695.
Mais un coup d’œil suffit pour remarquer que deux parties distinctes composent la façade. La première, simple, est caractérisée par l’application des ordres classiques. La seconde est richement décorée, même surchargée d’ornements. Comme l’architecte Antoine Pastorama était aussi ébéniste de profession, il a traduit dans le gâble les principes de la construction du bahut.
Au-dessus de la porte d’entrée, une curieuse enseigne montre un personnage tenant un sac dans lequel un autre plonge les mains. D’un point de vue maçonnique, il pourrait s’agir de deux Compagnons sur la route du Grand Voyage vers la Connaissance, qui s’entraident et qui partagent tout.
Le premier étage est orné de colonnes ioniques engagées, le second de colonnes corinthiennes également engagées. En dessous des fenêtres, une rangée de balustres ; sur les socles, les outils des ébénistes et tonneliers retenus par des rubans. La partie centrale fait saillie, simulant un balcon.
A partir du troisième étage, qui date de 1697, commence l’œuvre d’Antoine Pastorama. Sur les colonnes corinthiennes repose une très riche frise composée de cartouches, dont trois sont rehaussés d’une tête d’ange. Sur les socles des balustres, au-dessus des fenêtres des premier et deuxième étages, quelques outils d’ébénistes et de tonneliers sont retenus par des rubans. Nous y trouvons les outils qui sont présentés au Compagnon au cours de ses cinq voyages initiatiques. Le ciseau et le maillet de l’Apprenti y apparaissent au milieu des équerre, règle et compas, outils de vérification (rectitude dans l’action, précision dans l’exécution, mesure dans la recherche) ; du levier (la force intelligente, la volonté efficace, employée à bon escient) et du compas (qui représente l’esprit qui domine la matière et serait donc le symbole du couronnement du voyage effectué par les deux Compagnons en pleine activité, sculptés sur l’enseigne). Pour progresser sur la voie de la Connaissance, les deux Compagnons doivent utiliser judicieusement leurs outils, instruments indispensables au perfectionnement.
Autrefois, tout en haut, au faîte, le globe était surmonté d’un compas, instrument dont se servent aussi les ébénistes. Remarquons encore sur le plein cintre des fenêtres, une coquille et de lourdes guirlandes de fleurs et de fruits.
La Louve
Déjà mentionnée dès le 14e siècle, « De Wolf », « la Louve », comme ses voisines, a été bâtie sur le terrain détaché du « steen » des ‘t Serhuyghs. Construite en bois, elle était, depuis cette époque, la propriété du « Serment de l’Arc » (Gulde van den Handboog). Démolie en 1641, elle fut remplacée par une maison en pierre, dont nous ne connaissons pas le style. Construite d’après les plans du peintre Pierre Herbosch, qui fut reçu maître dans la corporation en 1673, elle fut ravagée par un incendie en 1690. Située au numéro 5 de la Grand-Place, « La Louve » fut acquise au 17ème siècle par la gilde ou serment des archers de saint Sébastien.
Elle venait d’être réparée lorsque, cinq ans plus tard, le bombardement la détruisit ! Sa troisième reconstruction se fit selon le plan original. Mais après la troisième campagne de construction, le serment fut ruiné et obligé de vendre sa maison et son champ de tir. Depuis, il dut louer un local dans le bâtiment qu’il avait lui-même réalisé.
Le style de cette maison date de la première période du style italo-flamand. Elle impressionne par son unité.
Dans les grillages du rez-de-chaussée composé de quatre massifs rustiques, on retrouve les noms de deux saints patrons du métier, à gauche Antoine et à droite Sébastien. Au milieu, une porte est surmontée d’un bas-relief montrant Remus et Romulus, les fondateurs légendaires de Rome, allaités par une louve.
Le casque, la cible, la cuirasse et le brassard peints entre les triglyphes de l’entablement indiquent la destination de la maison.
Sur le gâble, sous le phénix qui resurgit de ses cendres, on distingue le chronogramme suivant :
CoMbUsta InsIgnIor resUrreXI eXpensIs sebastIanae gULDae
(Brûlée je ressuscitai plus glorieuse par les soins de la gilde de Sébastien)
Les lettres que nous avons mises en évidence constituent une référence à la reconstruction en 1691 :
M = 1000 ; D = 500 ; C = 100 ; L = 50 ; 2 x X = 20 ; 3 x U = 15 ; 6 x I = 6.
Sur la troisième version du bâtiment, après le bombardement, on trouvait un autre chronogramme :
stUpes qUoD tertIo CInIs gLorIosIor eXsUrgo, phoenIX sUM
(Etonne-toi de me voir pour la troisième fois ressusciter de mes cendres plus glorieux que jamais, je suis le phénix).
Le texte rappelait également l’année de construction, soit 1696 :
M = 1000 ; D = 500 ; C = 100 ; L = 50 ; 2 x X = 20 ; 4 x U = 20 ; 6 x I = 6.
Ce chronogramme n’existe plus. Il faisait allusion à la triple reconstruction de la maison en 1641, 1691 et 1696.
Les pilastres du second étage supportent des statues portant des inscriptions latines :
- « HIC VERUM » (Ici la Vérité),
- « FIRMAMENTUM IMPERII » (Le Soutien de l’Empire),
- « HINC FALSUM » (Là, la Fausseté),
- « INSIDIAE STATUS » (Les embûches de l’Etat),
- « PAX SIT SALUS GENERIS HUMANI » (Que la Paix soit, symbolisant le salut du genre humain),
- « DISCORDIA LONGE » (Que la Discorde soit éloignée),
- « EVERSIO REIPUBLICAE » (Ruine de la république).
Enfin au-dessus du fronton se dresse le Phénix renaissant de ses cendres, et on peut lire :
« COMBUSTA INSIGNOR RESURREXI EXPENSIS SEBASTIANAE GULDAE »
(Brûlée je ressuscitai plus glorieuse par les soins de la Gilde de Sébastien).
Toute la partie centrale de la façade est éclairée par un symbolisme allégorique. Au-dessus du troisième étage se trouvent quatre médaillons qui représentent des empereurs romains. Sous les médaillons, la décoration fait le lien entre les empereurs et les allégories.
Agencés de manière rationnelle, de gauche à droite :
- la VERITE est surmontée par un soleil éclairant le monde, allusion à Trajan, dont le sérieux, la ténacité, l’équilibre moral et l’équité firent un administrateur remarquable ;
- la cage d’oiseau et le filet qui se trouvent au-dessus de la FAUSSETE font allusion à la ruse et à l’astuce qui valurent à Tibère une si fâcheuse renommée ;
- le globe terrestre qui domine la PAIX symbolise la paix et la prospérité que fit rayonner Auguste sous l’empire romain ;
- le cœur saignant et les flambeaux entrecroisés, qui surplombent la DISCORDE, rappellent les guerres civiles qui troublèrent la république notamment sous César.
La présence de lyres sur le balcon du premier étage trouve son explication dans le bas-relief représentant Apollon dans le tympan triangulaire de la façade.
La mythologie nous apprend que pour se venger de la mort de son fils Esculape, foudroyé par Zeus pour avoir ressuscité Hippolyte, fils de Thésée, roi d’Athènes et amant de Phèdre, sa belle-mère, Phébus Apollon, fils de Jupiter et de Latone, avait tué les Cyclopes, fils de Zeus, qui avaient forgé la foudre. Fou de rage, Zeus le condamna à un exil d’un an sur terre, séjour au cours duquel il garda les troupeaux. Il reçut une lyre des mains de son demi-frère Hermès, en échange de son troupeau, dont ce dernier avait d’ailleurs volé une partie. La lyre devint l’instrument favori d’Apollon qui pouvait en jouer aussi bien à l’endroit qu’à l’envers.
Quant à la présence de carquois et de flèches, leur relation avec la gilde des archers parle de soi, mais leur présence peut également s’expliquer grâce à Apollon, le dieu archer.
Dieu solaire, dieu de Lumière, Apollon est parvenu à dominer en lui les oppositions pour finir en idéal de sagesse. Il a réalisé l’équilibre et l’harmonie, non en supprimant les pulsions humaines, mais en les orientant vers une spiritualisation progressive, fruit d’une conquête par le travail. Il est le symbole de la maîtrise de soi dans l’enthousiasme.
Toutes ces références à l’Antiquité distillaient un double message : les archers étaient aussi vaillants que les héros antiques et aussi doués que les grands humanistes, connaisseurs du monde gréco-romain.
Enfin, en ce qui concerne le phénix, doué d’une extraordinaire longévité, il a le pouvoir, après s’être consumé sur un bûcher, de renaître de ses cendres. Il est donc symbole de résurrection, d’immortalité, de résurgence cyclique. Ce n’est pas parce qu’il est devenu Maître que le Franc-maçon a atteint la perfection. Il devra sans cesse se remettre en question, lutter contre des pulsions qu’il croyait avoir maîtrisées et continuer à travailler au Grand Œuvre. Par chacune de ses victoires, il renaîtra ! Par chacune de ses hésitations, il redeviendra Apprenti, mais son expérience et sa sagesse, acquises progressivement, le soutiendront dans son long chemin vers la lumière.
Au fond, cette façade qui est une des plus riches et des plus merveilleuses de la Grand-Place, pourrait symboliser la vie du Franc-maçon qui jamais n’est arrivé, mais qui chemine lentement sur la voie vers la perfection.
Chacune des interprétations ci-dessus peut être mise en doute : au 17e siècle, les serments avaient dégénéré depuis longtemps en associations de détente pour la bourgeoisie ; leur niveau intellectuel était celui de rhétoriciens et souvent ne dépassait pas la « rimaillerie » paysanne. Mais même si le message ne correspond pas à la réalité, il est, somme toute, fort bien amené.
Le Cornet
« Le Cornet », situé au numéro 6, était la maison des Bateliers. Elle date de 1697. C’est une des belles entre les belles. Le fronton rappelle la poupe d’un navire du 17e siècle. Que d’élégance dans l’envolée des chevaux-marins montés par des cavaliers ! A remarquer : des tritons, des dauphins et le magnifique élancement d’un vaisseau fastueusement décoré et voguant dans les nuages.
Exemple typique du style italo-flamand arrivé aux termes de son évolution, la maison des bateliers s’appelait primitivement « den berg » (la montagne). Les bateliers l’acquirent en 1434 et elle est sans doute l’une des plus originales de la série.
Un cornet, emblème de la maison, est placé dans un bas-relief qui sépare le rez-de-chaussée de l’entresol. Dans la partie supérieure qui reflète une note très personnelle de l’architecte – ébéniste Antoine Pastorana, on reconnaît des ancres, cordages et autres ornements empruntés à la batellerie.
Au centre, un poisson est capturé par un triton, et l’ensemble de cette décoration est surmonté d’un médaillon du roi d’Espagne, Charles II. Deux lions supportent l’écusson royal. Quant à la balustrade, elle attire l’attention par sa similitude avec le garde-fou d’un bateau de l’époque.
Le Renard
Situé au numéro 7, « le Renard » était le lieu de réunion des merciers, qu’en néerlandais on appelait aussi des « kramers ». Le nom de ce métier se retrouve dans les mots néerlandais « marktkraam » et français « mercerie ». Les merciers réunissaient des petits commerçants de diverses espèces.
Reconstruite par les merciers en 1699, à l’emplacement qu’ils occupaient déjà dans la première moitié du 15e siècle, sa dernière restauration remonte à 1883.
Au rez-de-chaussée et à l’entresol, les trois pilastres se fondent dans deux cariatides.
Des bas-reliefs, entre le rez-de-chaussée et l’entresol, symbolisent des amours exerçant le métier de mercier et se livrant aux occupations relatives à la mercerie. On y distingue, de gauche à droite, des enfants vendant des rubans, des étoffes, de la passementerie ; la teinture du drap dans un atelier de teinturier et la fabrication de la faïence dans un atelier de faïencier.
Au premier étage, cinq statues dues à Julien Dillens, expliquent avec quels scrupules les merciers font du commerce et de quelle distance viennent les produits qu’ils présentent. Ces statues symbolisent :
- « la Justice », primordiale pour le commerce, reconnaissable à ses yeux bandés, tenant en mains le glaive et la balance.
A sa gauche et à sa droite, les quatre parties du monde connues à l’époque et d’où provenaient les métaux précieux vendus par la profession :
- « l’Afrique », qui est une noire ;
- « l’Europe », qui tient une corne d’abondance ;
- « l’Asie » dotée de l’encens et de l‘ivoire ;
- « l’Amérique » et son or.
L’Océanie ne s’y trouve pas car Cook ne l’avait pas encore découverte !
Tout en haut se dresse la statue de saint Nicolas, patron des merciers, due à Jean-André Laumans.
La Tête d’Or
Située juste à côté du « Renard », « la Tête d’Or » déjà connue au 14ème siècle, était le siège de la confrérie des menuisiers en bois blanc. En 1762, l’Académie de peinture, de sculpture et d’architecture y fut établie dans une salle du premier étage. Cette maison appartient au cadre de la Grand-Place. Restaurée en 1939-40, la ville a eu l’heureuse idée de l’acquérir.
Pour Paul de Saint-Hilaire, le groupe de maisons qui décrirait la cinquième opération alchimique commence par la Demi Lune, située rue de la Colline, immédiatement après la galerie Agora et se termine à la « Fortune », au numéro 15 de la Grand-Place.
On y observe un croissant de lune entre une lanterne allumée, signifiant que le feu brûle dans l’athanor, et une chauve-souris, mammifère ailé de malheur qui avertirait que cette opération est dangereuse pour celui qui se mettrait au fourneau sans posséder les capacités requises.
« La Balance » indiquerait qu’il lui faut peser les matières avec précision. Ainsi, l’enseigne de « la Colline », qui montre trois monticules, rappellerait qu’il faut mettre en œuvre trois fois plus de matière que l’on obtiendra d’argent après transmutation. Au terme de ces manipulations, la Fortune sourira à l’Adepte et multipliera la mise, comme l’indiquerait la Corne d’abondance. Mais pour terminer cette phase, il faut encore une nouvelle coction à feu vif, le feu de la roue, ce qu’indiquerait la Roue sous les pieds de la Fortune.
La Maison des Ducs de Brabant
Sa structure
Toute la façade orientale de la Grand-Place est occupée par la façade de « la Maison des Ducs de Brabant ». Ce nom est trompeur : les ducs n’ont jamais habité cet édifice et leur administration n’y a jamais été installée. Cette appellation semble due au nombre impressionnant de bustes des ducs de Brabant qui ornent les colonnes de la façade.
Le singulier du mot « maison » est également trompeur car derrière une façade commune se cachent six bâtiments indépendants voire même sept si l’on tient compte d’une porte donnant accès à une arrière-maison appelée « La Renommée » située à l’extrême droite du bâtiment. Les six autres entrées sont réunies, deux par deux, en trois perrons.
Chacune de ces maisons a un nom particulier. De gauche à droite : « La Bourse », « La Colline », « Le Pot d’Etain », « Le Moulin à Vent », « La Fortune », « L’Ecrevisse ou l’Ermitage », toutes construites sur l’emplacement du « steen » de la famille Meynaert. Plusieurs d’entre elles ont appartenu à différentes corporations.
Avant 1695 se trouvait à cet endroit un complexe, réalisé par les autorités de la ville, en collaboration avec deux corporations de métier. Après le bombardement, le magistrat vendit sa part pour financer la reconstruction de la ville. Dans la vente de ses parcelles, il stipula que les nouveaux propriétaires devaient construire selon les plans de l’architecte Guillaume De Bruyn. Les deux corporations de métier se virent imposer la même obligation quand elles demandèrent l’autorisation de contracter un emprunt.
« La Maison des Ducs de Brabant » fut terminée en 1698. Une importante restauration fut entreprise en 1882 et dura sept ans. A différents endroits on peut observer des cartels qui portent des outils utilisés par les corporations propriétaires des maisons.
Ainsi, il n’est pas étonnant de découvrir sur la façade de la maison « La Colline » - « Den Heuvel » qui appartenait au métier des Quatre Couronnés (sculpteurs, tailleurs de pierre, maçons et ardoisiers), un vaste cartel chargé d’outils d’artisan : le maillet et le ciseau, le fil à plomb, l’équerre et la truelle. Faut-il rappeler que la truelle est le symbole de la fraternité universelle qui unit les Maçons, le symbole de cet amour fraternel qui est le ciment véritable que les ouvriers doivent employer pour l’édification du Temple et la réalisation de son unité ?
Analyse de sa façade
L’édifice dans son ensemble rappelle un palais italien, mais sa façade reflète le goût flamand, ce qui résulte en un ensemble plein de charme et d’élégance, rythmé par dix-neuf travées : trois par maison et une dix-neuvième pour « La Renommée ». Dans la partie inférieure, dix-neuf pilastres servent de socles aux bustes des ducs de Brabant. Le fronton central accentue l’unité de cet ensemble.
Même si cette façade est la plus classique de la Grand-Place, elle ne répond pas à cent pour cent aux normes classiques. Normalement, elle aurait dû être alignée sur une ligne droite, mais, dans ce cas, il aurait fallu soit reculer le bâtiment, soit déplacer la rue de la Colline ! Finalement, l’alignement fut incliné afin que la partie gauche de la façade soit dans l’axe de la rue de la Colline, alors que le reste est à angle droit sur la place.
L’individualité des six parcelles s’exprime dans les oculus au-dessus de la travée centrale de chaque maison. Ces fenêtres remplacent les anciens gâbles, mais cela se remarque moins depuis que celles du milieu ont dû céder la place au nouveau fronton.
La différence dans les ornements des façades indique également l’existence des six maisons. Les médaillons des quatre parcelles centrales font référence aux corporations de métier qui en ont été propriétaires. Les corporations de métier qui ne possédaient pas de maison louaient un local.
De nombreuses salles des « Ducs de Brabant » étaient utilisées à cette fin. Les locataires changeaient souvent de local. Contrairement aux propriétaires, ils ne laissaient pas de traces dans l’aspect du bâtiment.
La sixième opération alchimique serait évoquée par le groupe sud, qui commencerait en fait avec les deux dernières maisons du groupe est.
Cette opération commence par l’étude recueillie dans « l’Ermitage ». L’Adepte est plongé dans un grimoire ; un pèlerin lui apporte ses provisions, dans un sac ou un seau. Les matières doivent à nouveau passer à l’état volatil, sous l’effet du feu, comme l’indiquent les ailes de la Renommée claironnant. Elles passent par les Trois Couleurs, blanc, jaune, rouge. Le moment est venu de récolter les fruits de l’œuvre alchimique avec l’Arbre d’Or.
Le tonneau de la putréfaction, qui contient la récolte, est roulé sur un bas-relief au deuxième étage par six enfants nus (la sixième opération). Le tonneau est rempli de bière et le houblon grimpe aux colonnes. Sur le gâble, deux dauphins ailés : la réussite n’a été acquise que parce que les matières liquides ont été poussées au volatil.
La statue équestre de Charles de Lorraine, passionné d’alchimie, qui surmonte l’édifice, ne date que de 1752. Ses armoiries sont entourées du collier de la Toison d’or. Des feuilles d’armoise, l’herbe de saint Jean, évoqueraient son appartenance maçonnique.
Le Cygne, battant des ailes, indiquerait qu’il faut ouvrir le vase dans lequel s’est déroulée l’opération et laisser échapper les gaz accumulés, lourds comme un envol de cygne.
Enfin, l’Etoile est l’astre des alchimistes ; elle brille de son plein éclat comme la pierre obtenue.
Les maisons entre la rue Buls et la rue des Chapeliers devaient également constituer un ensemble. Deux ailes devaient se joindre à la façade centrale de « L’Arbre d’Or ».
Comme en face, à « La Chaloupe d’Or », seule cette dernière partie fut réalisée. Au-dessus fut placée une statue du gouverneur, celle qui, à l’origine, devait couronner « La Chaloupe d’Or ».
Les façades du côté sud-ouest de la Grand-Place
Observons à présent les édifices situés entre la rue Charles Buls et la rue des Chapeliers.
L’Etoile
Déjà mentionnée au 13ème siècle, « l’Etoile » est l’une des plus vieilles maisons de la Grand-Place. Située au numéro 8, elle est devenue plus tard le bureau de l’ « Amman ». C’est de son balcon que le représentant officiel de la ville regardait tomber les têtes !
Louis de Maele y planta son étendard en 1356. Quelques mois plus tard, Evrard ‘t Serclaes, échevin de Bruxelles, y fut transporté, mutilé, après avoir délivré la ville des mains du Comte de Flandre. Il y mourut en 1388.
La plus petite de la Grand-Place, la maison de « l’Etoile » fut incendiée en 1695 et reconstruite en pierre. Démolie en 1852 sous prétexte d’élargir l’accès vers la place, c’est le Bourgmestre Charles Buls qui la sauva en prenant l’heureuse initiative de la faire reconstruire sur arcade et colonnades en 1897 permettant ainsi le passage des piétons.
Sa façade est d’une grande sobriété. Quatre pilastres sont ornés d’un chapiteau et son gâble se termine par un couronnement en triangle orné d’une étoile.
Sous les arcades de l’Etoile :
- Plaque commémorative à Charles Buls
Ce sont deux Francs-maçons qui ont collaboré pour la conception de cette plaque : l’architecte Victor Horta et le sculpteur Victor Rousseau. Cette plaque commémorative a été érigée en 1899 en l’honneur de Charles Buls, bourgmestre franc-maçon de la ville, qui a su émouvoir ses contemporains et leur insuffler le feu nécessaire pour œuvrer à la sauvegarde de la Grand-Place, chef-d’œuvre émouvant du passé, en témoignage de gratitude pour les services rendus aux artistes et pour son rôle considérable dans la préservation de la ville. Promoteur actif et éclairé des travaux de restauration, il en fit respecter les beautés.
Cette plaque, qui renvoie aux convictions philosophiques du bourgmestre Charles Buls, a été symboliquement placée sous les arcades de la maison de l’Etoile située au n° 8.
Que peut-on y observer ?
A gauche, une jeune femme assise médite. Elle tient en main un compas, symbole de la mesure à garder en toute chose et de la perfection à rechercher, ainsi qu’un plan déroulé. Elle personnifie ainsi l’architecture et rend hommage aux Maîtres architectes.
Au centre, on peut observer une allégorie du début de la recherche ésotérique. Un adolescent, debout, symbolise l’humanité dans sa marche progressive, guidé par la lampe à huile allumée, emblème de la Lumière éternelle, qu’il tient au bout de son bras tendu, symbole de lumière, mais aussi d’immortalité, au même titre que les feuilles d’acacias.
La plaque commémorative est précisément rehaussée d’une branche d’acacia. L’acacia fleurit dans le désert. Il est le symbole de la renaissance grâce auquel les maîtres maçons ont identifié la tombe du maître Hiram, l’architecte du Temple de Salomon, assassiné par les mauvais compagnons.
- Bas-relief commémorant Evraerd ‘t Serclaes
Chaque plaque raconte chacune un épisode héroïque de la vie de ‘t Serclaes : la reprise de Bruxelles, la rentrée solennelle de Jeanne et Wenceslas, l’agonie du héros. La fin tragique de ce héros est par ailleurs contée par un chapiteau de l’hôtel de ville.
Le premier bas-relief rappelle l’exploit de ‘t Serclaes délivrant la ville des troupes du comte de Flandre, Louis de Male, dans la nuit du 24 octobre 1356. Il porte la devise « Avec main et dent pour ville et pays ».
Le deuxième bas-relief montre l’entrée dans la ville de Jeanne et Wenceslas, les souverains légitimes.
Le troisième décrit la destruction du château de Gaesbeek par les Bruxellois en 1388. Le peuple, furieux de l’assassinat de son héros, mit le siège devant la forteresse et l’incendia. Les assiégeants, avant de partir, n’avaient pas négligé leur estomac. Ils s’étaient munis de victuailles, surtout de poulets rôtis qui étaient leur mets favori. L’incident leur valut le sobriquet de « Kiekefretters » (mangeurs de poulets). A droite du bas-relief, nous voyons une femme qui tire d’un panier une superbe poule.
Le bras d’Evraerd ‘t Serclaes porte les traces d’attouchements, de même que la tête d’un chien éploré. Une coutume toute récente, datant de 1932 environ, veut que tout Bruxellois passant par la rue Charles Buls, touche en passant le bas-relief, aux endroits indiqués et que ce geste rituel lui porte bonheur pendant la journée.
Ce monument est devenu depuis longtemps déjà le symbole de chance et de porte-bonheur.
Le Cygne
Les bouchers acquirent « le Cygne », situé au numéro 9, pour en faire leur maison corporative. Elle date de 1698. Mais ce n’est qu’en 1904 que Charles Samuel en exécuta les statues : « Abondance », « Agriculture » et « Boucherie » qui ornent l’attique. On observera également une belle enseigne au-dessus de la porte.
« La Maison du Cygne » est un ancien cabaret. Elle fut relevée de ses cendres en 1698. C’est en 1720 qu’elle devint la maison des bouchers qui en firent le siège de leur corporation. Ici l’influence du style Louis XIV dans le balcon, les balustres, les fenêtres même, tranche nettement. Avec « Le Cornet », « le Cygne » est la seule maison de la Grand-Place à ne pas reprendre les trois ordres classiques.
Quelle simplicité dans la façade ! La construction du balcon – qui nécessita une autorisation officielle – constituait une innovation en architecture.
L’inscription sur le socle de la stature du milieu annonce au passant que la maison a été surélevée en 1720 avec l’argent provenant de la vente de la laine :
« HAEC DOMUS LANAE EXALTATUR »
Karl Marx y anima de nombreuses réunions. Toujours en prise à des difficultés financières, la famille Marx eut six domiciles différents à Bruxelles. C’est aussi dans cette maison que fut créé, le 5 avril 1885, le Parti Ouvrier Belge, sous la présidence de Louis Bertrand, tout comme le fut l’organe quotidien « Le Peuple ».
L’Arbre d’Or
Mieux connue de nos jours sous l’appellation « Maison des Brasseurs », « l’Arbre d’Or », situé au numéro 10, est l’œuvre de Guillaume De Bruyn.
Au 13ème siècle, cette maison s’appelait « de Hille », mot qui fut traduit erronément par « l’Enfer » et qui, en réalité, veut dire « la colline ». Au 15ème siècle elle appartenait aux tanneurs. Les tapissiers en firent l’acquisition puis la revendirent aux brasseurs qui la firent reconstruire après le bombardement de 1695 et l’occupent encore.
L’architecte a introduit ici un nouveau style à colonne unique engagée. Quatre grandes colonnes reposent sur des socles.
Nous retrouvons dans la décoration du fût des épis de blé et des feuilles de houblon rappelant la fabrication de la bière : les « Vendanges », le « Transport de la Bière » et la « Cueillette du Houblon », sont des bas-reliefs dus à Pierre Van Dievoet.
Une statue de pierre représentant l’Électeur de Bavière Maximilien-Emmanuel se trouvait autrefois au sommet de cette maison. Elle avait été exécutée par Marc de Vos, mais la pierre employée était de très mauvaise qualité et ne résista que peu de temps aux intempéries. Lorsqu’elle se mit à tomber par morceaux sur la tête des passants, il fallut se résoudre à la descendre de son piédestal.
En 1752, la statue équestre du gouverneur Charles de Lorraine remplaça celle de l’Électeur de Bavière. Elle était l’œuvre de Nicolas Van Mons. En 1793, elle fut mise en lieu sûr après la destruction de celle de la Place Royale. Elle fut replacée lors du retour des Autrichiens pour disparaître après la seconde invasion française. La statue actuelle fut exécutée par Joseph Lagae en 1901, d’après un modèle de Joseph Jacquet, datant de 1854.
« L’Arbre d’Or » ou « Maison des Brasseurs » abrite aujourd’hui un charmant petit musée de la bière dans lequel on peut observer la reconstitution fidèle d’une brasserie du 18e siècle et admirer notamment une superbe collection d’anciennes poignées de pompes en vieux Bruxelles.
La Rose
Située au numéro 11, cette maison fut reconstruite en 1702 et porte le nom de ses propriétaires, les Van der Rosen qui la possédaient au 15ème siècle et avaient vraisemblablement adopté le nom de la maison qu’ils habitaient. Cette demeure bourgeoise reflète les caractères des trois ordres classiques. La construction est surmontée d’un gracieux fronton à pignon. C’est le type de l’habitation bourgeoise.
Le Mont Thabor
Il s’agit cette fois d’une maison bourgeoise qui date de l’année 1699. Sa façade est décorée de balustres et de guirlandes. Dans le pignon à volutes, on reconnaît le souvenir du gâble à redents.
Cette maison s’appelle aujourd’hui « Aux Trois Couleurs ». C’est également une maison de bourgeois.
L’hôtel de ville symboliserait la septième opération alchimique. Pour Paul de Saint-Hilaire, les douze arcades de l’aile gauche, porche compris, rappelleraient que la première méthode pour obtenir la Pierre philosophale consistait en douze opérations.
L’aile droite, par contre, compte sept arcades et symboliserait « la voie courte ». Il faut toutefois rappeler que cette structure de l’hôtel de ville est bien antérieure à la reconstruction de la Grand-Place. Aux chapiteaux du rez-de-chaussée de l’aile droite, on voit, au bout, Ariane dévidant un fil, saisi par l’Adepte au chat. Suit le feu de Roue, qui rend la matière liquide, puis volatile. Il faut tant de combustible que chaises entassées sont jetées à la pelle dans le foyer, comme le fit l’alchimiste Palissy avec son mobilier.
Une interprétation plus prosaïque réfère au nom d’une ancienne maison qui occupait l’emplacement, « de Scupstoel », c’est-à-dire « l’estrapade », décomposé en un rébus formé des mots « scup », la pelle, et « stoel », la chaise.
La coagulation intervient les pieds dans l’eau du cuvier, précédant la multiplication obtenue grâce au bois consumé et exprimée aux clés de voûte par celle des Têtes d’or.
Au sommet de la tour, l’archange saint Michel serait le substitut de Mercure ; il terrasse le Diable, ou le Soufre. Saint-Hilaire indique encore que, lors de travaux de restauration de cette girouette bardée de feuilles d’or en 1841, on trouva dans la sphère en cuivre de son pivot, une boîte en fer, contenant dans un étui de plomb une pièce d’argent, gravée d’inscriptions supposées alchimiques !
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A. B.
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