Introduction
De nombreuses questions
Le carnet de Villard de Honnecourt
Qui était Villard de Honnecourt ?
L’origine du mot « cathédrale »
Les bâtisseurs de Dieu
La construction des édifices religieux en France médiévale
Le temps des cathédrales
Les cathédrales
La cathédrale Notre Dame de Paris
La cathédrale de Bourges
La cathédrale de Chartres
La cathédrale de Reims
La cathédrale d’Amiens
La cathédrale de Beauvais
Caractéristiques de l’architecture gothique en France
Un art de la lumière
Les différentes périodes
Le gothique primitif
L’apogée
Le gothique flamboyant
Du style roman au style gothique
Les bâtisseurs de cathédrales
Les métiers spécifiques de la construction des cathédrales
Les chanoines bâtisseurs
Les origines du chapitre
Le travail de la pierre
Francs-maçons et sculpteurs
La sculpture et le vitrail, nouvelles techniques d’expression
Les architectes
Les moines constructeurs
Ingénieurs et techniciens
Un art de « professionnels »
Le message des bâtisseurs de cathédrales
Du temple à la cathédrale
L’art sans la science n’est rien
Capter le mystère
Notre mère, la cathédrale
Déchiffrer une cathédrale
Tradition et traditions
Voyager parmi les symboles
Les deux chemins
Pour conclure : l’éternelle sagesse des cathédrales
Quelques ouvrages traitant des cathédrales de France
Bibliographie
* * *
L'envergure des églises construites au Moyen Age et la qualité de leurs sculptures et de leur décoration nous étonnera toujours.
Ces églises symbolisent la puissance du mouvement religieux dans la société médiévale. Il suffit d'imaginer la somme d'efforts nécessaires à leur réalisation pour s'en convaincre surtout avec les moyens techniques de l'époque.
Presque toutes les villes de France conservent une ou plusieurs de ces églises médiévales dignes d'intérêt. Ces ouvrages ont été construits, pour l'essentiel, du 10ème au 15ème siècle. Ils illustrent la capacité de conception des architectes et le savoir-faire des bâtisseurs de cette époque.
Le Moyen Age n’a pas toujours été la période obscure que l’on croit : les 11ème et 12ème siècles comptent, au contraire, parmi les siècles les plus lumineux de notre histoire. Nous avons aussi pour habitude de considérer le Moyen Age comme une époque de lenteur mais rien n’est plus faux pour les années 1150 – 1250.
En deux siècles seulement, les 12ème et 13ème siècles, les sujets du roi de France se sont mis à ériger pas moins de 80 cathédrales. Très rapidement le style gothique a gagné toute l’Europe. L’inventivité technique qu’a nécessitée l’érection de monuments aussi grands est comparable à celle qui a prévalu après la découverte de l’électricité à la fin du 18ème, après l’invention du béton au 19ème ou du transistor au 20ème.
De Chartres à Amiens en passant par Lausanne, qui, aujourd'hui, se souvient des couleurs éclatantes qui accueillaient les fidèles à l'entrée et à l'intérieur des cathédrales ? Que signifie ce prolifique décor ? Quel éclairage donnaient les vitraux d'origine aujourd'hui disparus ?
Comment ont été érigées, parfois en peu de temps, ces constructions aux dimensions et aux proportions impressionnantes ? Qui peut imaginer l'orgueilleuse flèche de Beauvais au 13ème siècle atteignant 48 mètres mais qui s'écroula en 1284 ? Quelle impression, quelle émotion pouvait ressentir le fidèle du Moyen Age qui entrait dans la cathédrale ? Les chantiers de ces cathédrales ne font-ils pas penser à ceux de l'Egypte ancienne, aux chantiers des pyramides ou à ceux de l'Amérique moderne, aux chantiers des gratte-ciel ? Qui sont les commanditaires et les bâtisseurs ? Qui se cache derrière ces génies créateurs ? Quels sont les techniques et les outils utilisés ? Ces constructions sont-elles l'imitation d'un modèle donné ou le fruit d'une imagination ? Les questions se bousculent au sujet du temps des cathédrales.
C’est pourquoi, dans la présente synthèse, nous allons tenter d’apporter quelques éléments de réponse à ces nombreuses questions, de comprendre pourquoi et comment furent bâties ces cathédrales, qui en furent les bâtisseurs et comment ils étaient organisés.
Un homme du 13ème siècle, maître d'œuvre et dessinateur, Villard de Honnecourt, nous a laissé un carnet exceptionnel composé de notes et de croquis. La précision de ses schémas, la qualité de ses esquisses, l'exactitude de ses plans sont remarquables.
Ce carnet ne traite pas seulement de la construction des cathédrales mais plus généralement des techniques de construction de l'époque. On y trouve les plans de la tour de Laon, l'élévation intérieure des chapelles absidiales de la cathédrale de Reims ainsi que des motifs décoratifs, tels une rose rappelant celle de Chartres ou un pavage vu en Hongrie. Les connaissances techniques se cachent souvent derrière des figures énigmatiques, cavaliers, visages humains ou figures animales qui sont autant de figures mnémotechniques que l'historien et architecte Roland Bechmann s'est appliqué à déchiffrer et à interpréter.
Le manuscrit de Villard de Honnecourt est composé de feuilles de parchemin portant des dessins sur les deux faces et réunies en cahiers comportant un nombre de feuilles variables. Il se présente comme un carnet de format réduit, d'environ 14 cm sur 22, relié et recouvert de cuir marron. Il est conservé à la Bibliothèque nationale de France. Entre un tiers et la moitié des feuilles du manuscrit, estimées au départ à une centaine, ont disparu. D'autres ont été modifiées ou grattées ; 33 folios subsistent, soit 66 pages.
Certains dessins du carnet dévoilent l'étendue des connaissances de Villard de Honnecourt dans cet art de la coupe des pierres. Soucieux de ne pas divulguer ses méthodes à des profanes, il n'y a indiqué que l'essentiel. Pendant cent cinquante ans, ces petits croquis ont paru sans intérêt aux commentateurs du manuscrit qui n'en comprenaient pas la signification. Et pourtant, ces dessins énigmatiques proposent des recettes pratiques pour faciliter et optimiser la taille des pierres ou indiquent comment disposer les joints d'une colonne, comment tailler les pierres d'un arrachement ou encore celles d'une voûte biaise.
Certains dessins rappellent de façon frappante les rituels des Compagnons du Devoir. Quelques indices, dans l'histoire, tendent à démontrer que, malgré l'opposition – attestée par des édits – des autorités civiles et religieuses de l'époque, il existait des associations ouvrières qui pratiquaient la solidarité, se transmettaient une tradition initiatique et partageaient des signes de reconnaissance.
Elles seraient les ancêtres des Compagnons du Devoir actuels qui, par un esprit de rigueur dans le travail comme dans le comportement, maintiennent une tradition de l'ouvrage bien fait. Les Francs-maçons, dont les traditions et les rituels sont souvent analogues, revendiquent également une filiation avec le monde du travail du Moyen Age.
La figure de Villard de Honnecourt demeure mystérieuse. Seul son manuscrit livre quelques indices qui permettent de le situer. Son nom indique son lieu d'origine ou peut-être le monastère dont il faisait partie : Honnecourt, petite ville de Picardie, au bord de l'Escaut près de Cambrai, non loin de Saint-Quentin et Amiens, et formée autour d'une abbaye bénédictine.
Villard est né picard. Au 13ème siècle, la Picardie était dans une situation privilégiée, au cœur de l'Europe, à un carrefour d'échanges économiques importants, et se trouvait au centre des foyers intellectuels. Villard a pu résider et étudier à Honnecourt mais il a probablement aussi travaillé à l'abbaye cistercienne de Vaucelles.
Ses représentations des cathédrales de Laon et de Reims, ses plans des églises de Cambrai, de Vaucelles et de Meaux permettent de situer l'activité de Villard pendant le premier tiers du 13ème siècle, au moment de l'apogée du gothique.
Sans pouvoir établir de chronologie claire et juste, nous pouvons imaginer les pérégrinations avérées, probables ou éventuelles de Villard de Honnecourt, sans qu'il soit non plus possible de préciser s'il s'agissait de participations à des chantiers ou de déplacements pour étudier des édifices réputés, voire ce qu'on appellerait du tourisme culturel. Il est probable qu'il soit allé à Meaux mais rien ne prouve qu'il ait été à Chartres.
Sur son chemin vers la Hongrie, il est passé par Reims, ce qui l'aurait conduit à faire étape dans quelques monastères cisterciens et à visiter quelques églises telles que Clairvaux, Cîteaux ou Morimond, et expliquerait son intérêt pour le plan type d'église cistercienne conforme à la simplicité d'origine. François Bucher, médiéviste américain, a tenté de retrouver les traces de Villard en Bavière ou en Hongrie.
Villard est-il dessinateur, concepteur de plans, ingénieur, constructeur, architecte, maître d'œuvre, géomètre, inventeur, voyageur, observateur de chantiers et d'édifices, chef de chantier, clerc, intellectuel ou savant ? La réponse est complexe. Mais il ne fait aucun doute qu'il était un artiste habile.
Le manuscrit de Villard de Honnecourt est un témoignage révélateur de l'intense période de progrès, de la curiosité intellectuelle immense, de l'intérêt pour la nature et l'expérimentation qui se manifestaient à l'époque. L'élan intellectuel du 13ème siècle a été alimenté par la diffusion des écrits d'Aristote, transmis par les Arabes, par le développement de la logique qui supplante alors la rhétorique, et par l'usage croissant de la langue vulgaire dans la littérature, les actes publics ou les écrits scientifiques.
Ainsi Villard de Honnecourt fut-il le contemporain d'une période qui vit s'affronter deux conceptions du monachisme : celle des clunisiens, dont l'abbé Suger, l'ami du roi de France, en charge de l'abbaye de Saint-Denis, fut le plus éminent représentant, et celle des cisterciens.
L'évêque et la cathédrale : les deux termes sont étroitement liés par l'étymologie. Cathédrale dérive de « cathedra » et désigne la chaire, c’est-à-dire le siège à dossier sur lequel s'assoit l'évêque dans son église et qui symbolise à la fois son autorité et sa présence dans le lieu.
Apparu à l'époque carolingienne, le terme « cathédrale » s'est imposé définitivement au détriment des autres expressions, telles que « mater ecclesia » ou « ecclesia major », voire « ecclesia » simplement, au cours du 13ème siècle, au moment où se sont élevés de terre dans les villes de France ces immenses vaisseaux de pierres gothiques devenus depuis lors l'archétype de l'église épiscopale.
Cela a entraîné d'ailleurs quelques abus de langage, comme par exemple l'habitude de donner à la collégiale de St Quentin, le nom de cathédrale, car ce n'est pas la taille qui fait la cathédrale.
Au niveau de l'architecture, rien ne permet de distinguer la cathédrale d'une autre église. La confusion s’est renforcée par le fait que la suppression d'un diocèse n'entraîne pas la disparition du titre de l'église. Ainsi, la cathédrale de St Omer n'est plus qu'une église paroissiale depuis 1790 et ce n'est qu'en 1553 que cette abbatiale des 13ème et 14ème siècles accueillit le siège d'un diocèse, après que Charles-Quint ait rasé Thérouanne. En fait, sur le plan architectural, rien ne distingue en théorie la cathédrale d'une autre église.
Après la reconquête des lieux saints à Jérusalem, les croisades ont favorisé l’essor des cathédrales gothiques dans tout l’Occident. Fondé sous l’impulsion de saint Bernard de Clairvaux, l’Ordre des Templiers a protégé les bâtisseurs de cathédrales auxquels il a confié de nouveaux savoirs.
Nous pouvons nous demander pourquoi et comment il s’est trouvé tout à coup dans l’Occident chrétien, des « dompteurs » de pierre comme on n’en avait jamais vu depuis les pyramides, d’où ils tenaient leur savoir d’initiés, combien de générations de maçons et de tailleurs de pierre il faudrait aujourd’hui pour produire des maîtres capables de réaliser l’équivalent des cathédrales de Chartres ou d’Amiens.
Des bâtisseurs de jadis ont laissé leurs signatures sur des poutres ou des pierres. Nous connaissons des noms d’architectes et de maîtres d’œuvre, notamment pour Amiens, mais pas pour Chartres… Le fait est que nous savons peu de choses sur l’origine de ces constructeurs, sur le savoir-faire dont ils ont été les dépositaires.
Ce dont nous sommes certains, c’est qu’ils étaient réunis en confréries, en fraternités ou en compagnonnages, un mot qui vient de « compas », leur outil de prédilection, et qui signifie aussi « qui partage le même pain ».
Les confréries les plus connues avaient pour nom « les Enfants du père Soubise », « les Enfants de Maitre Jacques » ou « les Enfants de Salomon ». Elles ont aujourd’hui pour héritiers « les Compagnons des Devoirs du Tour de France ».
Certains d’entre eux ont gardé une tradition initiatique et morale de savoir-faire et de « chevalerie de métier » en refusant, par exemple, de construire des forteresses et des prisons, leur œuvre étant dévolue aux hommes libres. La cathédrale, dans cette éthique, apparait paradoxalement comme un édifice laïc, au sens originel du terme, car construit pour l’âme du peuple et non pour la gloire des seigneurs.
Pour comprendre l’esprit qui a présidé à la construction des cathédrales gothiques, il convient de retracer tout d’abord succinctement les origines philosophiques, intellectuelles et sociales de deux mouvements que tout oppose :
Education populaire contre féodalisme populiste : Bernard de Chartres et Bernard de Clairvaux seront toujours incommensurables et incompatibles !
En l'espace de deux siècles seulement, quelque quatre-vingts cathédrales ont été construites en Europe ! Malgré les effets du temps, leur beauté est restée intacte. Pourtant, elles n’ont pas été bâties pour « réaliser une œuvre de prestige » ni pour « faire joli dans le décor ».
A une époque où la grande majorité de la population était traitée comme du bétail, la cathédrale fut l'affirmation la plus visible et la plus indéniable du pouvoir créateur de l'homme, étincelle divine.
De saint Louis, ardent croisé, les bâtisseurs de cathédrales obtinrent des franchises royales qui en firent des « maçons francs ». C’est dire la reconnaissance et l’estime dont ils jouissaient. Ces privilèges, le roi Philippe le Bel, dans son acharnement pour anéantir les Templiers, les supprima sèchement…
En effet, les bâtisseurs de cathédrales furent pourchassés lors du procès des Chevaliers du Temple, leurs protecteurs. Si bien que beaucoup disparurent, signe de leur inclusion dans l’Ordre, d’autres entrant dans la clandestinité.
La cathédrale de Chartres a dû être construite par « les Enfants de Salomon », qui édifièrent la majorité des autres grands sanctuaires gothiques, comme Amiens et Reims.
Les bâtisseurs étaient très liés aux Templiers, qui les avaient instruits et pris sous leur protection. Et nous pouvons remonter plus loin dans le temps car ces constructeurs puisent leurs origines dans les écoles initiatiques de l’ancienne Egypte.
L’art gothique, en tout cas, a prospéré en même temps que l’Ordre du Temple. Et il déclinera avec lui, de même que l’art du vitrail, tel que splendidement pratiqué à Chartres, lorsque l’Ordre sera brisé, au terme d’un des procès les plus scandaleux de l’histoire. Plusieurs auteurs, dont Louis Charpentier auteur des « Mystères de la cathédrale de Chartres » et des « Mystères templiers » ou Patrick Rivière, historien et philosophe, auteur de l’ouvrage « Les Templiers et leurs mystères », sont convaincus que les Templiers étaient les « dépositaires des arcanes majeurs de la tradition primordiale », connaissances qui leur ont permis d’instruire les bâtisseurs.
Les premiers Templiers auraient en effet occulté leur mission officielle de défenseurs des routes pèlerines pour se livrer à d’intenses fouilles dans les ruines du Temple de Salomon à Jérusalem et en auraient ramené des objets porteurs de lois mathématiques régissant l’univers, la clé, en quelque sorte, du progrès humain. Ramenés secrètement en France pour être mis en lieu sûr, ces objets auraient été contemplés par quelques initiés, dont saint Bernard de Clairvaux, le phare spirituel de l’Occident. Mais il n’existe aucune preuve de cela… Une absence qui participe au mystère des Templiers.
C’est au retour des neuf Templiers qu’a été promulguée, en 1128, la règle de l’Ordre du Temple lors du Concile de Troyes, convoqué sous l’impulsion de saint Bernard. Dès lors, l’Ordre du Temple s’est développé d’une façon extraordinaire. Il a organisé un solide système d’économie publique, protégé cultures et récoltes, sécurisé routes et transport et créé la lettre de change. Les Templiers se sont mués en trésoriers.
Ce sont eux qui ont financé les chantiers des cathédrales et qui ont prêté des sommes faramineuses à Philippe le Bel, qui prit peu à peu ombrage de la puissance grandissante de cet état dans l’Etat. Rappelons que les Templiers, avec à leur tête le Grand Maitre Jacques de Molay, ont été accusés d’hérésie et ont péri sur le bûcher en 1314.
Richissime, l’Ordre du Temple avait réussi à poser les fondements d’une nouvelle civilisation. Les cathédrales, dans la mystique de saint Benoit puis de saint Bernard, en étaient la dimension spirituelle, l’aboutissement du long labeur élaboré à l’abbaye de Cluny, où ont été établies les fondations de la civilisation chrétienne occidentale. Plus de 1300 monastères se rangeront en effet sous la règle clunisienne.
Parfaitement organisés, les Templiers avaient assuré le nécessaire vital, le blé, l’outil, l’argent. Avec les cathédrales, ils ont donné au peuple la clé de l’éveil spirituel qui lui manquait. Pour agir sur la pierre, il fallait des constructeurs initiés à certaines lois, à l’instar des constructeurs de dolmens sacrés et des pyramides d’Egypte.
C’est si vrai que, sept siècles plus tard, lorsque des compagnons travaillèrent sous les ordres de l’architecte et restaurateur de cathédrales Viollet-le-Duc (1814-1879), ils s’effarèrent, raconte Louis Charpentier, « de ce que le moindre choc sur certaines pierres provoquait des ondes sonores comme on en obtient sur des ressorts tendus ou sur des cordes d’instruments de musique ».
L'époque médiévale, et particulièrement les 12ème et 13ème siècles, a donc été marquée par un essor considérable de la construction religieuse. Les grandes cathédrales ont alors été rebâties, de nouveaux ordres religieux ont multiplié les fondations, les églises collégiales se sont multipliées et, dans les campagnes comme dans les villes, les communautés paroissiales ont érigé de nouveaux sanctuaires.
Ce mouvement bâtisseur, qui correspond chronologiquement à la naissance et à la diffusion de l'art gothique, trouve un écho à l'extrême fin du Moyen Age, dans la seconde moitié du 15ème siècle, avec la restauration de la plupart des édifices religieux à la suite des troubles de la guerre de Cent ans.
Les travaux de construction et de restauration du patrimoine religieux au Moyen Age ont nécessité un apport financier considérable, des ouvriers compétents, des techniques efficaces dans la production et la mise en œuvre des matériaux. Des sources historiques de natures diverses rendent compte de l'organisation de certains grands chantiers religieux urbains à partir de la seconde moitié du 13ème siècle et permettent de décrire avec une précision satisfaisante les étapes des travaux, depuis l'élaboration du projet jusqu'à l'achèvement du bâtiment.
Cependant, la plus grande part des constructions religieuses médiévales ne sont pas documentées et la diversité de leurs statuts – églises paroissiales, conventuelles, hospitalières… – implique des organisations de chantiers différentes de celles connues pour les cathédrales ou les grandes églises urbaines.
L'art est le reflet de l'âme d'un peuple, le souvenir inoubliable d'une époque révolue. Avant le 11ème siècle, comme les gens vivaient dans l'insécurité des invasions et croyaient que la fin du monde viendrait avec l'an mil, ils n'éprouvaient guère d'enthousiasme pour les grands projets matériels.
C'est plutôt après le 11ème siècle, avec les profonds changements d'attitude mentale, que l'Europe médiévale s’est transformée. Ainsi, les gens commencèrent à cette époque à s'unir de plus en plus, autant au niveau économique et social qu'au niveau politique. Ceci permit la réalisation de grands projets architecturaux comme la construction de vastes églises pouvant abriter les pèlerins et permettant aux habitants de pouvoir y circuler librement.
Vers le 12ème siècle, on commença à construire encore plus grand en bâtissant des cathédrales. Ces dernières avaient des dimensions qui surprennent encore aujourd'hui. Ainsi, la cathédrale d'Amiens pouvait accueillir 10 000 personnes dans ses murs et la voute de la cathédrale de Notre Dame de Reims s'élève à près de 38 mètres (37 mètres 95 très exactement).
Après le 12ème siècle, celui de la naissance puis des premiers perfectionnements du style gothique, la France est entrée dans un nouveau siècle : celui des cathédrales. S'il est vrai que la course parfois acharnée à la construction se répandit dès la fin du 11ème siècle, elle le fut encore plus aux premières années du 13ème siècle. La population était en quête d'une spiritualité quasi absolue qui s’est matérialisée dans les cathédrales.
Cette majesté, ces dimensions que les bâtisseurs ont toujours voulu augmenter ont donné à la France ses plus belles cathédrales en moins d'un siècle. Le siècle se prêtait d'ailleurs très bien à cette « compétition » entre villes, entre évêchés, tant il fut l'âge d'or du Moyen Age. La paix perdurait, les récoltes étaient bonnes, le pouvoir assurait l'ordre : l'argent était suffisant pour répondre aux exigences d'une telle construction. Dans le courant créatif qui balayait alors la France et l'Europe, sept grandes cathédrales contribuèrent chacune à l'essor technique et esthétique du gothique.
Les cathédrales exigeaient énormément de temps et de capitaux pour leur construction. Elles furent construites sur l'initiative de monastères (ex : les églises de Conques, Caen, Saint-Benoit-sur-Loire, Cluny, etc.) et de riches cités qui rivalisaient entre elles (Sens, Noyon, Laon, Autun, Paris, Bourges, etc.).
Le vaste mouvement de construction des cathédrales s'étendit de 1050 à 1350 et le siècle où l'on en construit le plus, « le siècle des cathédrales », fut le 13ème siècle.
Pendant la guerre de Cent ans, on arrêta de construire. Une fois la guerre terminée, il était trop tard, l'enthousiasme n'y était plus, c'était terminé...
Néanmoins, il reste que ces immenses trésors architecturaux, témoignages incontestables de la foi et du savoir-faire des hommes de l'époque, ont joué un rôle plus qu'important. Ils permirent de développer de nouvelles techniques de construction.
En effet, les églises romanes, basses et sombres, construites avec des murs épais, de grandes voûtes et de puissants contreforts placés à l'extérieur de celles-ci, posaient comme problème celui de la hauteur et du manque de clarté.
Cependant, avec la venue du style gothique, les choses changèrent. En effet, la voute sur croisée d'ogives permit aux murs d'être plus légers et, ainsi, d'être percés de magnifiques vitraux. Le style gothique permit également d'élever les murs à une hauteur bien plus impressionnante que le permettait le style roman.
Outre les nouvelles techniques de construction, les cathédrales permirent aux gens du clergé d'instruire les fidèles grâce aux vitraux et aux tapisseries. Elles permirent également aux gens de se rencontrer, le parvis se prêtant bien aux rencontres, et d'assister à des pièces de théâtre nommées mystères.
Le 13ème siècle débute avec la poursuite des travaux de Notre Dame de Paris. Commencée en 1163, soit à peine vingt ans après Saint-Denis, sous l'initiative de son évêque Maurice de Sully, elle ne sera achevée dans son gros œuvre qu'en 1245. Ensuite, un siècle de modifications puis une intervention au 19ème siècle lui donneront son aspect d'aujourd'hui.
Toutes les parties ne sont donc pas du même âge : le chœur est plus ancien que la façade qui date d'environ 1210. A cheval entre la période de naissance du gothique et celle de son affirmation, la cathédrale Notre Dame porte en elle cette transition architecturale.
C'est ainsi qu'à l'intérieur, de gros piliers qui soutiennent la retombée des voutes rappellent un art roman mourant. La façade, elle, à part la rose centrale, est dominée par une succession verticale d'arcs brisés, ce qui tranche nettement avec la façade de Laon édifiée à peine quelques années plus tôt.
Quant aux dimensions de Notre Dame de Paris, elles dépassent largement celles d'une autre cathédrale du gothique primitif, celle de Noyon avec ses 130 mètres de long et ses 35 mètres de hauteur sous la voute. De telles dimensions annoncent celles plus grandes encore des cathédrales à venir.
Quand débutent les travaux de la cathédrale de Bourges vers 1195, l'art gothique a déjà une certaine maturité. La construction occupera presque la moitié du 13ème siècle pour des raisons techniques et financières, mais l'architecte rendit un travail soigné qui favorisait plus qu'à Paris la pénétration de la lumière, point ô combien important de l'art gothique.
L'originalité de la cathédrale vient du fait qu'elle marque un point de rupture par rapport à celles bâties antérieurement. Son plan n'a pas de transept ni de chapelles rayonnantes à l'origine, ce qui favorise un espace soigneusement mis en valeur. La cathédrale utilise également davantage les arcs boutants par rapport à celle de Paris et cette technique sera dès lors abondamment utilisée. Bourges est l'une des premières cathédrales n'ayant plus rien de commun avec le premier art gothique dit « primitif ». Avec elle, l'Europe entre dans un chantier de construction effrénée.
Suite à un incendie en 1196, l'ancienne cathédrale a été détruite, ce qui laissa à l'évêque le soin de bâtir un nouvel édifice imposant par sa largueur. En effet, sa nef possède sept travées auxquelles s'adjoignent les collatéraux. D'où une largueur de 64 mètres, ce qui ne manque pas de surprendre le visiteur. De plus, la cathédrale a été construite avec des innovations propres à son architecte ce qui la rend bien différente de celles qui existent en France.
Au contraire de Bourges, le transept existe et est mis en valeur par ses façades extérieures. Les arcs boutants sont à double étage ce qui favorise l'élévation à trois niveaux de l'édifice : arcade, triforium et fenêtres hautes. Chartres marque un net progrès dans l'évolution de l'art gothique.
Comme à Chartres, c'est un incendie qui a entraîné la construction d'une nouvelle cathédrale dans la ville où les rois de France sont sacrés. Commencée vers 1215, elle ne fut achevée qu'en 1275. L'architecte de cette cathédrale est resté en partie fidèle aux principes de celle de Chartres et a adopté la même élévation mais gardé sa propre sensibilité dans la réalisation finale en touchant aux proportions des différents niveaux. La cathédrale de Reims a donc été édifiée selon l'initiative propre de son bâtisseur et inspirée des progrès antérieurs.
Dans la course frénétique à la majesté, Amiens marque une étape importante. Le chantier a commencé vers 1220 et son architecte a voulu donner à l'édifice une taille impressionnante. Il a réussi en atteignant plus de 42 mètres de haut sous les voûtes, une hauteur jamais égalée dans la course à la spiritualité et à l'élévation vers Dieu. Mais, à toujours vouloir pousser les limites de la physique, l'architecte s’est rapproché du risque d'écroulement. Celui-ci eut lieu dans la cathédrale d'Amiens où une partie des voûtes s'écoulèrent en 1284, ce qui obligea à reconstruire en doublant les supports intérieurs. Quant au chœur achevé en 1270, il dut être reconstruit suite à l'écroulement. Les travaux de la cathédrale se sont poursuivis jusqu'au tout début du 16ème siècle.
Les travaux ont commencé vers 1245 à une période où l'art gothique avait déjà une certaine expérience, une expérience qui pouvait jusqu'alors manquer aux architectes pour jouer d'une audace particulière. Mais avec les évolutions techniques de Chartres, avec l'impressionnante hauteur d'Amiens, l'architecte de Beauvais a voulu aller plus loin.
Si Amiens nous offrait 42 mètres sous voûtes, Beauvais nous en offre 48. Cette cathédrale a utilisé tous les progrès et l'expérience amassés pendant un siècle d'évolution architecturale. Mais une telle entreprise a récolté les conséquences de son ambition : au 16ème siècle, la flèche s'est écroulée avec une partie du toit. Encore aujourd'hui, la cathédrale est percée de nombreux consolidants métalliques et soutenue à l'intérieur par d'imposantes pièces de bois.
L'essor de l'art gothique a été si rapide qu'une personne née vers 1200 avait le temps de découvrir la nouveauté de Notre Dame de Paris, d'être charmé par la luminosité de Bourges, émerveillé de la réussite de Chartres avant de mourir époustouflée par la hauteur sous voûte de celle Beauvais. Quant aux siècles suivants, ils ont offert moins de nouveautés techniques mais ont gardé des réalisations intéressantes.
Les grandes cathédrales gothiques du Moyen Age sont des exemples d'une architecture révolutionnaire qui a commencé en France pendant le douzième siècle avec l'église Saint-Denis à Paris. L'architecte, qui s'appelait Suger, était un visionnaire et ses idées ont trouvé l'expression dans plusieurs projets architecturaux en Ile de France.
Personne jusqu’à l’abbé Suger n'avait trouvé les moyens d'évoluer. Suger voulait reconstruire l’église Saint-Denis avec une spiritualité religieuse plus intense et insister sur trois aspects nouveaux qui allaient devenir les caractéristiques de l'art gothique : luminosité, hauteur, et gestion de la poussée.
Examinons les caractéristiques principales qui définissent l'essence de l'architecture gothique.
L'intérieur d'une cathédrale gothique est très spacieux avec des détails délicats, mais forts. Le style gothique apporte un espace en trois dimensions, éclairé par une lumière extérieure qui symbolise la présence du divin. Mais pour obtenir un tel esthétisme entre les hommes et Dieu, il fallait résoudre un problème technique insurmontable jusque-là : faire plus haut et plus lumineux avec un poids de plus en plus important. Or l'art gothique permet de mieux répartir le poids grâce à une série de techniques ingénieuses dont la voûte à croisée d'ogive et l'arc-boutant sont les principales.
La voûte à croisée d'ogives, déjà existante avant, connut son essor avec l'église Saint-Denis. C'est un croisement de deux arcs qui permet d'augmenter la résistance. Le mot « ogive » vient du latin « augere » signifiant « augmenter ».
Les différents arcs (formeret, doubleau) permettent de répartir la poussée sur quatre points d'appui. Le poids de la voûte étant conduit par les arcs et absorbé par ces quatre points, le mur n'est plus un support mais un élément de remplissage au travers duquel les architectes percent de nombreuses fenêtres. Grâce à la voûte à croisée d'ogive, la luminosité devient désormais inséparable de l'art gothique.
Quant à l'arc boutant, il est particulièrement utilisé au 13ème siècle. Ce système d'arcs extérieurs qui donne à la cathédrale vue de haut l'aspect d'une araignée géante, permet d'absorber la poussée extérieure des murs pour la diriger vers le sol. La poussée passe d'abord par l'arc reliant l'édifice à la culée, héritière des contreforts romans, et qui reçoit l'ensemble de la poussée. Cette innovation importante augmente la hauteur.
Mais le style gothique n'est pas seulement le recours aux possibilités architectoniques offertes par la croisée d'ogives et l'arc-boutant. C'est aussi la recherche d'une lumière toujours plus abondante, d'une élévation toujours plus haute et d'une unification de l'espace par le décloisonnement des volumes.
L'art gothique est d'abord un art de la lumière. La conquête de la lumière passe par l'agrandissement progressif des fenêtres et par l'emploi de plus en plus fréquent de verre plat, blanc ou coloré, même sur les constructions civiles. Précurseur du « mur de verre » moderne, l'art gothique utilise le verre à grande échelle dans l'architecture civile et religieuse. D'immenses verrières inondent de lumière l'intérieur des édifices.
Du 12ème au 14ème siècle, des verreries voient le jour au voisinage des forêts pour alimenter les constructions urbaines. Le développement de cette industrie nouvelle, lié aux progrès de la métallurgie, est possible grâce à l'amélioration des systèmes de soufflerie et d'utilisation des combustibles. Le verre est ainsi amené plus facilement à l'état de fusion.
Au même moment apparaît l'éclairage sans fumée, chandelle ou cierge, qui remplace la torche résineuse ou la lampe à huile. Lecture, étude, dessin s'en trouvent considérablement facilités.
Le gothique s'étend du premier tiers du 12ème siècle jusqu'au 16ème siècle, de la fin du monde roman à la Renaissance. On le divise généralement en trois grandes périodes :
Le gothique primitif (premier tiers du 12ème siècle – premier tiers du 13ème siècle).
Les premiers édifices gothiques sont encore assez trapus. L’arc en plein cintre ne disparaît pas immédiatement. On le trouve encore dans les grandes roses de façade.
Les voûtes sont généralement conçues sur un plan carré, six branches d’ogives reposant sur des piles alternativement fortes ou faibles, ce qui permet de canaliser la poussée vers des points de retombée entre lesquels les murs ne seront plus porteurs.
A l'extérieur, apparaissent des arcs-boutants dont la fonction est de contrebuter la poussée des voûtes qui, avant leur invention, s'exerçait uniquement sur les murs. Ces techniques rendent possible la construction de nefs de plus en plus hautes. Les fenêtres restent pourtant d'une taille relativement modeste. L’élévation comporte généralement quatre niveaux : les arcades, les tribunes, les arcatures aveugles et les fenêtres hautes. Les chapiteaux, points de jonction de la voûte et de la pile, sont ornés de motifs végétaux dont l'extrémité est recourbée en forme de crochets.
Ce style s'affirme avec la construction de l'abbatiale de Saint-Denis. Suger (v. 1081 – 1151) est nommé abbé de Saint-Denis en 1122 et décide vers 1137 de reconstruire l'abbaye bénédictine de Saint-Denis. Pour ce faire, il utilise pour la première fois de manière systématique tous les procédés architecturaux du gothique. Grâce à lui, le nouveau style s'exprime totalement. La basilique devient le modèle dont se sont inspirés les bâtisseurs des cathédrales de Chartres, de Senlis et de Meaux.
La rapidité de la construction s'explique par la ferveur des fidèles qui y participent et l'habileté de Suger. Le chœur est consacré en 1144 en présence de Louis VII. On découvre alors une création architecturale originale.
Principaux édifices : la basilique de Saint-Denis (1137 – 1144), les cathédrales de Bourges (1172 – 1235), Chartres (1194 – 1220), Laon (1150 – 1233), Noyon (1150 – 1220), Paris (1153 – 1250) et Sens (1130 – 1168).
L'apogée (vers le milieu du 13ème siècle).
Le style atteint sa pleine mesure grâce à l'emploi de l'arc brisé, plus résistant que l'arc en plein cintre. Son usage se généralise, ce qui permet d'accroître considérablement la hauteur des murs et d'alléger l'allure de l'ensemble. Les verticales jaillissent du sol et montent vers le ciel, toujours plus haut, plus près de Dieu. Malgré ce goût pour la démesure, la recherche de l'harmonie est constante : la succession régulière des piliers et des arcs produit une impression d'équilibre et de régularité.
Les voûtes deviennent rectangulaires ou barlongues, le plus souvent à quatre quartiers. Ceci permet de répartir le poids de manière homogène sur des piliers cantonnés (piliers à fût central cerné de quatre colonnettes engagées).
Les murs s'évident considérablement pour laisser place à de grandes fenêtres. Les ouvertures l'emportent sur les pleins et la lumière inonde ces vastes édifices ornés de sculptures, de miniatures et de rosaces.
Les tribunes, dont l'inconvénient principal était de diminuer la lumière, sont remplacées par des arcs-boutants. L'élévation à trois niveaux tend à se généraliser. Les chapiteaux sont ornés de bouquets de feuillage sculptés.
Il est difficile aujourd'hui d'imaginer les conditions dans lesquelles travaillaient les hommes qui lançaient à près de cent cinquante mètres de hauteur les flèches de leur cathédrale. Ils n'avaient aucun moyen de calcul préalable et se basaient sur des méthodes empiriques dictées par l'expérience acquise sur des édifices bien moins ambitieux. Ils se montrèrent parfois trop audacieux. Aussi les accidents n'étaient-ils pas rares sur les chantiers des cathédrales : ainsi, en 1267 la tour de la cathédrale de Sens s'écroule ; en 1272 la flèche de Sainte-Bénigne de Dijon ; en 1284 la voute du chœur de la cathédrale de Beauvais et en 1573 la flèche récemment édifiée. En Angleterre, au 14ème siècle, la cathédrale d'Hereford s'effondre. En Allemagne, en 1492, quatre ans après sa construction, la tour de la cathédrale d'Ulm penche dangereusement.
Principaux édifices :
Les cathédrales d'Amiens (1220 – 1270), Bourges (1172 – 1235), Beauvais (1225 – 1270), Reims (1211 – 1287) et la Sainte-Chapelle (1245 – 1248).
Le gothique flamboyant (15ème et 16ème siècles).
A la fin du 13ème siècle, les efforts se concentrent sur le renouvellement du décor. Le dernier aspect de l'architecture gothique est donc moins marqué par une évolution de structure que par l'ajout, voire la surcharge, d'ornements. Certains plans sont même simplifiés. Les décors et les frises à base de motifs de flammes ou de torsades deviennent exubérants.
Principaux édifices : Saint-Vulfran à Abbeville, Saint-Jacques à Dieppe, Saint-Germain-l'Auxerrois à Paris, Saint-Maclou à Rouen.
Aux alentours de l'an mil, « un blanc manteau d'églises » couvre l'Occident. Essentiellement religieux, l'art roman se caractérise par l'utilisation de la voûte en berceau. Ces voûtes de pierre éprouvent la résistance des murs qui, pour supporter un tel poids, doivent être épais et renforcés. Pour ne pas les fragiliser, on évite de percer des fenêtres. Les églises romanes sont donc des bâtiments trapus et sombres. Leur plan dessine généralement une croix latine et la décoration est concentrée sur les chapiteaux, le porche et le tympan.
L'art gothique se substitue peu à peu à l'art roman pendant la seconde moitié du 12ème siècle dans les villes de l’Ile-de-france. Il se définit par l'utilisation systématique de la voûte sur croisée d’ogives, d’arcs-boutants et de fenêtres en arc brisé. Empruntant des procédés du style roman, l'architecture gothique recourt aussi à de nouvelles techniques : la croisée d'ogives dirige les poussées de la voûte sur des piliers, et non plus sur des murs ; les arcs-boutants servent de soutien extérieur aux piliers, ils s'appuient sur des contreforts ; entre les piliers, les murs qui ne soutiennent plus la voûte sont percés de hautes et larges fenêtres en forme d'arc brisé.
Le gothique s'exprime en premier lieu dans les édifices religieux. Il se trouve également dans la construction d'édifices civils ou militaires, comme des palais (palais de Saint-Louis à Paris, palais de justice de Rouen), des châteaux forts (Falaise, Angers, Pierrefonds, château des ducs de Bourgogne à Dijon), des hôpitaux, des halles, des hôtels de ville, des beffrois, des maisons (maison Jacques-Cœur à Bourges, résidence des abbés de Cluny) ou des enceintes fortifiées (Carcassonne, Saint-Malo, Aigues-Mortes).
Très vite, les évêques, les architectes ont voulu construire selon « l'art de France » et édifier la nouvelle maison de Dieu. Le temps des cathédrales sera le siècle de l'édification.
Quand on constate que, pendant deux cent cinquante ans de la fin du 13ème siècle au début du 16ème siècle, époque où l’on a construit les transepts de Sens, Senlis et Beauvais, les bâtisseurs n’ont fait faire aucun progrès à la technique de la construction, on peut s’en étonner. Le gothique flamboyant n’est qu’une décoration superficielle appliquée sur une ossature technique mise au point du 11ème au 13ème siècle. Pendant deux cent cinquante années suivantes, on s’est contenté de copier les prédécesseurs.
C’est pourquoi on peut affirmer qu’il n’y a pas de bâtisseurs de cathédrales romanes ou de bâtisseurs de cathédrales gothiques, pas plus qu’il n’y a de chantiers romans ou de chantiers gothiques : il y a seulement des bâtisseurs qui créent et d’autres qui copient servilement les techniques anciennes.
L’arrêt du développement architectural à la fin du 13ème siècle est un phénomène lié à toute l’histoire médiévale : religieuse, technique, économique, sociale et psychologique.
La séparation – arbitraire – du roman et du gothique, au milieu du 12ème siècle ne correspond à aucun tournant particulier de l’histoire médiévale, alors que la deuxième moitié du 13ème siècle est une époque marquante dans l’histoire du Moyen Age.
L’expansion de la chrétienté et l’histoire des bâtisseurs sont liées au développement des ordres monastiques.
En organisant le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle pour entraîner les pèlerins en Espagne et ainsi intéresser l’Europe à la reconquête chrétienne de l’Espagne occupée par les Maures, Cluny va encourager la construction ou l’agrandissement de vastes basiliques sur le passage de cet important pèlerinage.
C’est dans la foi médiévale qu’il faut chercher le véritable point de départ de cette « croisade des cathédrales ». Les circonstances étaient particulièrement favorables à l’épanouissement des manifestations architecturales de piété. Mais il va de soi que, si le Moyen Age n’avait pas d’abord été un âge pieux, le génie des bâtisseurs et l’argent des marchands se seraient employés autrement et nous n’aurions ni Chartres, ni Amiens, ni Strasbourg…
L’histoire de la construction des cathédrales et des bâtisseurs est aussi liée étroitement à la renaissance des villes et du commerce, à la naissance de la bourgeoisie et aux premières libertés urbaines.
Dans la plupart des religions antiques, le peuple n’avait pas accès au sanctuaire, à la maison de Dieu.
Au contraire, l’Eglise chrétienne a demandé aux fidèles de participer aux frais de construction d’édifices assez vastes pour que la foule puisse avoir accès au sanctuaire.
On construirait désormais la maison de Dieu à l’image de la Jérusalem Céleste et cette maison de Dieu devait être chose admirable : elle devint la maison des adorateurs et la maison du peuple.
La législation ecclésiastique confirme la différence entre le sanctuaire et le reste de la surface de la cathédrale. Au Moyen Age, Notre Dame de Paris appartenait, non pas à l’évêque, mais au chapitre. La juridiction du chapitre s’arrêtait au sanctuaire, celui-ci ne pouvant appartenir qu’à l’évêque. La nef et les bas-côtés furent plus particulièrement réservés aux adorateurs, au peuple.
Cette distinction est nécessaire pour que notre esprit du 20ème siècle ne soit pas choqué par l’animation et les activités qui pouvaient se dérouler autrefois à l’intérieur des églises : on y dormait, on y mangeait, on pouvait y parler sans avoir besoin de chuchoter. On pouvait y introduire des animaux tels que des chiens ou des éperviers. On y circulait beaucoup plus librement qu’aujourd’hui d’ailleurs, car il n’y avait pas de chaises. On s’y retrouvait pour discuter d’affaires qui, souvent, n’avaient rien de religieux. C’est là aussi que les représentants de la commune se retrouvaient pour parler des affaires de la cité. Les historiens ont remarqué que, dans certaines villes où furent fondées des communes et où se sont élevé de grandes cathédrales, les bourgeois n’ont pas construit d’hôtel de ville.
Il existe même un texte ecclésiastique interdisant à une certaine commune de se servir de la cathédrale comme salle de réunion. Cette interdiction prouve que c’était là un fait courant, une tolérance généralement admise par l’Eglise. On peut supposer que les représentants de la commune ont aidé à financer la cathédrale avec l’arrière-pensée d’y tenir leurs réunions.
Ce sont les très nombreuses fêtes médiévales qui ont accru le contact des hommes avec Dieu et qui justifient la passion des hommes pour la reconstruction des églises.
La prospérité du 12ème siècle fut avant tout celle des arts et spécialement de l'architecture. Les cathédrales furent l'œuvre majeure et le symbole du Moyen Age. Ces magnifiques édifices religieux étaient érigés à la gloire de Dieu en remerciement des grâces accordées au peuple. Les villes engageaient une véritable compétition pour édifier la plus célèbre et splendide cathédrale dont la flèche serait la plus élevée. Les cathédrales représentèrent les plus grands investissements de capital de cette époque, la construction nécessitant souvent plus d'un siècle et coûtant des fortunes.
Le matériau de construction prédominant était la pierre, laquelle minimisait les risques d'incendie. L’acier a aussi été utilisé quelques fois, le fer étant trop souple pour pouvoir soutenir ces édifices d'une hauteur sans précédent.
Les architectes ont développé de nouvelles solutions pour simplifier et consolider les structures : l'introduction de l'ogive et des arcs-boutants ou contreforts pour pouvoir répartir le poids du dôme sur les piliers de pierre massifs. Les nouvelles techniques de construction ont permis d'édifier d'immenses cathédrales lumineuses, de hautes fenêtres, souvent ornées de vitraux somptueux, et des flèches très élevées.
Décorées de peintures, de sculptures et de vitraux en verre coloré, les cathédrales furent une grande source de fierté et de prestige pour les villes. Les pèlerins et les nouveaux pratiquants furent la source de revenus substantiels pour les villes qui possédaient des cathédrales.
Beaux grands monuments de l'architecture chrétienne, de grandes cathédrales ont été bâties dans les villes ou l'évêque résidait. L'évêque est le chef de l'église pour un diocèse. C'est lui qui paie les dépenses. C'est lui aussi qui choisit l'architecte pour faire les plans de la cathédrale, pour diriger et engager les maîtres artisans.
Les habitants, eux aussi, donnaient de l'argent pour la construction qui durait des dizaines d'années. Quand les travaux étaient arrêtés, c'était parce que l'argent et les pierres venaient à manquer !
Parmi les artisans, il y avait le maître carrier, le maître tailleur de pierre, le maître sculpteur, le maître gâcheur, le maître maçon, le maître charpentier, le maître forgeron, le maître couvreur et le maître verrier. Chaque artisan réclamait des outils appropriés : le rustique, un marteau, un ciseau grain d'orge, un gabarit, un levier, une règle graduée, une équerre, un compas à pointes sèches, un vilebrequin, une scie à araser, une masse et des coins, un rabot, un perçoir et une herminette.
Chaque habitant de la cité aidait à construire la cathédrale, assez grande pour accueillir tous les citadins. Sur chemin de la ville, les pèlerins s'arrêtaient à la carrière pour aider à porter les pierres jusqu'au chantier.
Pour évoquer les bâtisseurs de cathédrales, nous évoquerons successivement :
Mais tout d’abord, quelques considérations générales. Le tailleur de pierre travaille sur place. L'amélioration de la qualité des métaux a rendu le travail du forgeron de plus en plus important. Le maçon travaille à l'édification. A la fin du Moyen Age, il intervient même dans la construction : l'architecture prévoit des bardages de fer pour solidifier ses dentelles de pierre. Le maître d'œuvre est responsable de la conception générale.
Les grands maîtres d'œuvre du gothique sont Jean de Chelles, Pierre de Montreuil, l'un des bâtisseurs de Notre-Dame de Paris, Robert de Coucy, Peter Palet, Hugues Libergié, Alexandre et Colin de Berneval. Ce sont des artistes, des savants et des spécialistes des questions techniques. Ils sont capables de défier les forces et les poussées, de les contrôler pour élever toujours plus haut des édifices à la gloire de Dieu. Ils offrent le spectacle de constructions extraordinaires éblouissant leurs contemporains.
A l'intérieur même de la cathédrale, le labyrinthe est parfois le moyen de connaître le nom des maîtres d'œuvre. Une gravure qui représente le labyrinthe de la cathédrale de Reims aujourd'hui disparu en figure quatre : Jean d'Orbais, qui édifie le chœur en 1211, est représenté en haut à droite ; Jean le Loup, qui l'achève et entreprend la façade, est représenté en haut à gauche, tenant une équerre ; Gaucher de Reims et Bernard de Soissons, qui édifie la grande rose de la façade ouest, sont représentés en bas.
Au Moyen Age, on ne fait pas de distinction dans la désignation des fonctions entre tailleur de pierre et sculpteur. Le premier taille ; le second sculpte la pierre qui est posée par le maçon. Le maçon désigne celui qui met la pierre en place et la « cimente ».
Après la pierre vient le bois. Au Moyen Age, le bois reste un matériau très important dans la construction.
L'étude des nombreux chefs-d'œuvre du Moyen Age nous révèle que les architectes étaient de très grands géomètres et qu'ils pratiquaient l'art des proportions avec une grande maîtrise.
Pour les voûtes, il était nécessaire que le charpentier construise d'abord la forme sur laquelle le maçon viendrait poser les pierres.
Le charpentier construit, bien sûr, les charpentes mais aussi parfois certaines voûtes, les coffrages avant la pose des pierres, les échafaudages, tous les engins de levage et certains moyens de transport. Il donne à la pierre sa forme. A partir du 13ème siècle sa fonction devient semblable à celle de l'architecte aujourd'hui. Il utilise des échafaudages légers, fixés au bâtiment au fur et à mesure que les murs montent. Il s'occupe de la fabrication et de l'entretien des outils, des roues ferrées des chariots de transports. Les grands chantiers nécessitent une importante quantité de bois.
La construction d’une cathédrale ne peut se comprendre si l’on ignore le rôle de premier plan accompli par le chapitre. La légende nous a instruits sur l’action de l’évêque dans l’élaboration des plans et dans le financement de la grande entreprise, action que nous ne pouvons nier ; de nombreuses cathédrales ont en effet une dette de reconnaissance envers certains de leurs évêques.
L’évêque, c’est une étoile qui brille et puis disparaît de la scène. Pourtant les travaux de la cathédrale se poursuivent d’une génération à l’autre grâce au chapitre. Le terme « chapitre » n’a plus le même sens aujourd’hui qu’au Moyen Age. Depuis la révolution, le chapitre a un rôle moins actif qu’honorifique. A l’époque médiévale c’était une assemblée composée de chanoines qui jouissait de grands privilèges et qui échappait souvent à la juridiction épiscopale. C’est seulement au 16ème siècle que furent précisés, par le Concile de Trente, ses rapports avec les évêques.
C’est aux chanoines que l’on doit accorder le glorieux titre de bâtisseurs de cathédrales. Il faut leur rendre cet hommage et les faire sortir de l’obscurité. Ce sont eux qui ont érigé de main de maître la croisade des cathédrales et qui ont poursuivi les travaux à travers les siècles, alors que l'enthousiasme collectif avait depuis longtemps cessé.
Quelle est donc l’origine historique du chapitre et comment cette assemblée a-t-elle pu prendre une telle place dans la direction temporelle de l’Eglise ?
Dans le haut Moyen Age, l’évêque avait autour de lui un corps de prêtres qui l‘aidaient à administrer son diocèse et à dire les messes dans les paroisses. Ces prêtres, ou chanoines, devaient en quelque sorte constituer pour l’évêque un conseil privé. Ils furent astreints à une certaine vie communautaire. Ils devaient dormir en dortoir, avoir un réfectoire commun et célébrer en commun leurs offices.
Après l’annulation de leur vœu de pauvreté, les chanoines furent autorisés à avoir un droit viager sur leurs biens immeubles et à disposer de leurs biens meubles par testament. Cette décision amènera peu à peu les chanoines à s’écarter de la vie communautaire, à retourner à une vie plus séculière et plus individualiste.
Dès la première moitié du 10ème siècle, plusieurs chapitres de cathédrales obtinrent la séparation de leurs revenus d’avec ceux des évêques. L’indépendance du chapitre ira désormais en s’accroissant.
Le chapitre disposa dès lors d’un fonds commun et à chaque canonicat fut attachée une prébende, c’est-à-dire un revenu ecclésiastique plus ou moins important. La prébende n’obligeait pas toujours le chanoine à résider dans la ville cathédrale et, même, certains chanoines purent disposer de plusieurs prébendes situées dans des diocèses différents. Il y eut des chanoines résidents et des chanoines non-résidents.
L’établissement d’un doyen à la tête du chapitre conduisait à augmenter l’indépendance du chapitre vis-à-vis de l’évêque.
Le chapitre comprenait un certain nombre de dignitaires : un chancelier qui faisait fonction de secrétaire et qui était responsable des sceaux, un trésorier chargé du trésor et des reliques, un chantre qui était le maître du chœur présidait au chant et était chargé de l’organisation des services religieux. Les chanoines avaient préséance sur les abbés mitrés et crossés. Avec l’extension des villes et l’accroissement de la population, on augmenta le nombre des chanoines. Le développement du commerce et la mise en valeur de l’agriculture accrurent la valeur des prébendes et, par contrecoup, la puissance du chapitre.
Peu à peu les chanoines augmentèrent leurs droits et leurs privilèges et devinrent jaloux de leur autorité et même anxieux de limiter le pouvoir de l’évêque.
Dans toutes les cathédrales, c’est le chapitre qui contrôlait la fabrique. Au Moyen Age, on entendait par fabrique tout ce qui se rapportait à la construction ou à l’entretien d’un monument, aussi bien dans son exécution matérielle que dans l’acquisition et l’administration des ressources financières qui lui étaient affectées.
Les constructeurs gothiques étaient confrontés quotidiennement aux difficultés d'approvisionnement et de transport des matériaux nécessaires au chantier, que ce fût le bois, la pierre, la chaux, le fer ou le parchemin. Économiser les matériaux utilisés était par conséquent au centre des préoccupations des constructeurs et conditionnait, directement ou indirectement, leurs choix techniques.
L’évêque ne parait jamais avoir été tenu en rien à contribuer aux charges de la fabrique et, chaque fois qu’il l’a fait, c’est de son plein gré et à titre exceptionnel. Dans l’élaboration des plans, dans l’exécution des travaux, le chapitre avait un rôle assez comparable à celui d’un actuel directeur à la reconstruction et à l’urbanisme.
Les chanoines se réunissaient en principe chaque année pour désigner un proviseur, personnage dont le rôle consistait à tenir les comptes de la fabrique ou de l’œuvre et à diriger le chantier. Le proviseur pouvait être un chanoine ou un clerc ou, plus exceptionnellement, un agent laïc responsable devant le chapitre. On le choisissait pour ses connaissances en architecture ou ses capacités d’homme d’affaires.
Dans la hiérarchie des bâtisseurs de cathédrales, le manœuvre est évidemment au bas de l’échelle mais, tant que dure la période ascendante du Moyen Age, toutes les possibilités lui sont ouvertes pour s’élever.
Par son travail et son intelligence, il peut devenir un ouvrier spécialisé, il peut amasser un peu d’argent et s’installer à son compte comme entrepreneur ou étudier pour devenir capable de remplir les fonctions d’architecte. La société médiévale a en effet permis aux plus humbles d’accéder à de hautes fonctions. L’avenir est à l’ambitieux. L’évolution du monde ouvrier médiéval présente une certaine analogie avec celle du monde ouvrier américain. Toutes proportions gardées, le manœuvre médiéval pouvait devenir un self-made man, acquérir une situation estimée dans la ville.
Le milieu de recrutement des manœuvres doit être recherché dans la « classe » des déracinés qui étaient souvent des serfs fuyant leurs seigneurs et venant chercher refuge dans les villes éloignées de leurs terres natales. S’ils n’étaient pas réclamés par leurs maitres au bout d’un an et d’un jour, ils devenaient libres et citoyens de la ville.
Les manœuvres se recrutaient aussi, probablement, chez les fils de paysans, enfants de familles nombreuses qui partaient chercher à la ville l’aventure et la liberté. Les uns et les autres pouvaient se faire embaucher immédiatement sur un des nombreux chantiers de la ville. La main-d’œuvre des chantiers a été une main-d’œuvre libre.
Le travail demandé aux manœuvres est varié : ils aident les charpentiers à transporter le merrain (planche obtenue en débitant un billot de bois dans le sens des rayons médullaires, et servant à confectionner les douves des tonneaux) ; ils creusent pour ouvrir une carrière ; ils montent les tuiles en haut de l’église ; ils creusent des fondations. Sur les chantiers, ils transportent les différents matériaux dans des hottes.
Les conditions de vie des manœuvres devaient être assez dures : le salaire n’était pas très élevé et, surtout, le travail était irrégulier.
Les ouvriers spécialisés, les professionnels s’attachaient un certain nombre de manœuvres pour les aider dans leur tâche ; on les appelait aides, serviteurs, compagnons ou valets.
Tandis que les tailleurs de pierres s’adjoignaient des manœuvres qui leur apportaient des pierres et les aidaient dans leur travail, d’autres manœuvres préparaient le mortier ou ciment et le plâtre pour les maçons. Certains des manœuvres se sont spécialisés dans cette fabrication du mortier et du plâtre : on les a appelés mortelliers ou cimentiers et plâtriers.
Les maîtres des métiers, au milieu du 13ème siècle, se sont préoccupés des qualités morales et professionnelles des manœuvres qui pouvaient ainsi accéder à une relative spécialisation.
Les carriers, les mortelliers, fabricants de mortiers en pierre, les tailleurs de pierre font partie d’une branche de la famille des ouvriers de la pierre. Les plâtriers, les mortelliers gâcheurs de ciment et les maçons font partie de l’autre branche.
Le maçon est avant tout un poseur de pierres. Le terme anglais exprime cette action de poser ou de sceller les pierres. On dit un « setter » ou un « layer ». Les mots anglais qui désignent les ouvriers des différentes spécialités sont très intéressants car ils nous révèlent l’origine du mot « franc-maçon » et par suite nous permettent de comprendre comment a pu naitre et se développer la franc-maçonnerie « opérative » qui a précédé l’actuelle franc-maçonnerie « spéculative ».
Certains des maçons les plus habiles dans la taille de la pierre étaient engagés dans l’atelier, ou loge, au pied de l’édifice ; d’autres travaillaient dans les carrières.
Le maçon bénéficiait de certains avantages ; le proviseur lui fournissait des gants pour qu’il puisse protéger ses mains contre les brulures de la chaux. Il recevait certaines gratifications à la fin d’un travail ou lors de la pose d’une clef de voute.
Chaque tailleur de pierre devait posséder un signe distinctif, une marque qu’il devait graver sur l’une quelconque des faces de la pierre taillée, lorsqu’il était embauché à la tâche, pour permettre au chef du chantier de vérifier la qualité de son travail en fin de semaine et de dénombrer le nombre de pierres équarries pour le payer en conséquence.
La variété des marques des tâcherons est grande. Ce sont des figures géométriques telles que des triangles ou des pentagones, des instruments de travail comme la pioche ou le marteau, des croix, des caractères de l’alphabet représentant peut-être la première lettre du nom de l’ouvrier. Parfois transmises de père en fils, ces marques de tâcherons ont fini par devenir en quelque sorte des signatures.
On peut découvrir de nombreuses marques de tâcherons dans les monastères, ce qui permet de mesurer l’apport des ouvriers de l’extérieur dans la construction des abbayes. On en a trouvé à Sylvacane, à Sénanque, à Montmajour, à Fontenay…
Beaucoup de ces signes sont gravés sur la face engagée de la pierre et on ne les découvre que lorsque l’on détruit les murs. Les signes gravés à l’intérieur des églises sur les parements n’étaient pas visibles à l’époque car on sait que les murs étaient recouverts de peintures. Le maçon qui scellait les pierres n’avait pas à tenir compte de ces marques de tâcherons et nous les trouvons parfois à l’envers sur les parements.
Il ne faut pas confondre ces marques de tâcherons et de carriers avec les marques de positions. Lorsqu’on devait procéder à un assemblage un peu compliqué de pierres, l’appareilleur donnait des instructions précises aux tailleurs de pierre, afin que ces derniers gravent de telle ou telle manière les différents blocs de l’assemblage prévu. Ainsi les maçons pouvaient-ils, le moment venu, placer correctement les pierres les unes par rapport aux autres avant de les sceller.
Qu’ils fussent payés à la tâche ou à la semaine, la vie des tailleurs de pierre se déroulait dans la loge ou aux alentours de celle-ci. La loge était construite en planches.
Le matin, les tailleurs de pierre allaient y chercher leurs outils ; à l’heure du déjeuner ils y prenaient leur repas et, lors des grandes chaleurs, ils y faisaient la sieste. Il y avait une ou plusieurs loges sur les chantiers. Elles sont représentées dans les enluminures, au pied de l’édifice en construction.
Non seulement des loges permettaient aux ouvriers d’y prendre leur repas et de s’y reposer mais elles permettaient aux tailleurs de pierre d’œuvrer lorsqu’il faisait mauvais temps. L’importance des loges était d’ailleurs grande, surtout l’hiver ; les tailleurs de pierre pouvaient à l’abri des intempéries préparer le travail pour les maçons, qui, eux, ne revenaient sur le chantier qu’avec le retour des beaux jours.
On ne passait pas la nuit dans la loge. Dans les villes cathédrales, les ouvriers pouvaient loger chez le tavernier ou chez l’habitant.
Les loges devinrent, en même temps qu’un lieu de travail et de repos, un lieu où l’on discutait des problèmes intéressant le métier. Ce furent un peu des clubs et c’est là l’origine lointaine des loges maçonniques contemporaines.
Les tailleurs de pierre et les maçons font partie d’une main-d’œuvre essentiellement flottante : de multiples motifs les ont poussés à se déplacer de chantier en chantier, de pays en pays. Les jeunes ont eu l’ambition de contempler de nouveaux horizons, de connaitre des mœurs et des techniques différentes. Émerveillés par leur époque, ils ont voulu voir ces monuments d’une audace incroyable, qui s’élevaient un peu partout sur la terre chrétienne.
Les expressions latines qui désignent au Moyen Age les ouvriers qui taillent la pierre, ne permettent généralement pas de distinguer ceux qui taillent simplement des carreaux de ceux qui taillent les voûtes d’ogives, les roses et les sculptures monumentales des porches. Les sculpteurs se confondent donc dans la masse des tailleurs de pierre.
Les termes qui désignent en Angleterre les tailleurs de pierre permettent néanmoins d’établir une certaine distinction entre les ouvriers travaillant le gros œuvre et ceux qui exécutent des travaux plus délicats. Cette distinction est fondée sur la qualité de la pierre travaillée. Ceux qui, par exemple, œuvraient une pierre particulièrement dure, se nommaient des hard hewers, des tailleurs de pierre dure ; ils s’opposaient, par conséquent, aux « freestone masons » qui taillaient une excellente pierre calcaire susceptible de se prêter au travail délicat des sculptures.
Les freestone masons s’opposent également aux « rough masons » qui travaillent la pierre grossièrement. L’expression freestone mason fut remplacée peu à peu par celle, simplifiée, de freemason. Le mot freemason se rapporte évidemment à la qualité de la pierre, et non pas à une quelconque franchise dont auraient bénéficié les bâtisseurs des cathédrales. Lorsque la franc-maçonnerie spéculative fut introduite d’Angleterre en France vers 1725, on traduisit tout naturellement freemason par franc-maçon, expression que le Moyen Age n’avait jamais connue.
Les fréquents voyages des tailleurs de pierre à travers le pays les ont mis à même de juger les pierres de nombreuses carrières. Certains ont obtenu de travailler avec la pierre qui convenait le mieux à leur tempérament propre, d’autres ont su faire commander les pierres de telle carrière pour tel travail difficile. Les sculpteurs ont eu réellement l’amour du matériau de qualité. Quand on sait le prix élevé du transport à cette époque, on ne peut qu’admirer la compréhension intelligente de ceux qui ont assumé les frais de ces couteaux transports.
Aux 10ème et 11ème siècles, les théologiens ont exprimé la pensée médiévale dans la fresque, l’orfèvrerie et la miniature qui furent les grandes techniques d’expressions de cette époque, et non pas dans la sculpture.
Dans le courant du 11ème siècle, lorsque les tailleurs de pierre, grâce à une plus grande connaissance de leur métier, commencèrent à sculpter de petites scènes imagées, ils purent sans doute le faire librement et sans surveillance.
A la fin du 11ème siècle, leurs efforts et leurs incessants progrès attirèrent l’attention des moines sur cette nouvelle technique inconnue jusqu’alors du monde chrétien occidental. Les moines prirent des contacts personnels avec ces ouvriers et leur donnèrent des thèmes à exécuter. Les moines soumirent aux tailleurs de pierre pour qu’ils s’en inspirent les scènes de certaines miniatures des manuscrits. La sculpture monumentale prit alors une extension rapide et devint, dès le 12ème siècle, une grande technique d’expression.
A partir du milieu du siècle, le vitrail prit à son tour une importance considérable, au détriment de la fresque qui n'avait plus de murs pour se loger à l'aise ; la fresque devint au 13ème siècle une technique d’expression dépassée.
En devenant sculpteur, le tailleur de pierre a accédé au monde de l’esprit ; il a approché les théologiens et s’est instruit à leur contact ; il a eu la chance magnifique de feuilleter les précieux manuscrits des abbayes. Il a appris à regarder, à observer, à penser.
Son horizon intellectuel s’est élargi, ce qui lui a permis de participer non seulement matériellement mais spirituellement à l’œuvre sculptée. Grâce aux miniatures des manuscrits feuilletés et admirés dans d’autres abbayes, le sculpteur a pu humblement suggérer de légères variations aux thèmes proposés par les Pères. Le sculpteur et le théologien ayant œuvré dans le même sens, le sculpteur pouvait se considérer comme libre car dans cette association il ne subsistait aucune contrainte.
Le sculpteur a souvent œuvré un bloc de pierre déjà scellé dans l’édifice. Les sculptures font ainsi parfaitement corps avec le bâtiment. Les statues-colonnes du 12ème siècle, comme celles du Porche Royal de Chartres, montrent cette étroite collaboration du sculpteur et de l’architecte. Mais cette magnifique harmonie n’a duré malheureusement qu’un temps.
Le sculpteur, perdant peut-être un peu de son humilité première, a voulu rendre son œuvre indépendante et a détaché sa sculpture de la colonne. Dorénavant, il œuvre son bloc de pierre à l’écart de l’édifice, dans la loge. Grisé par son indépendance et son extraordinaire réussite dans l’ordre spirituel et matériel, il ne songe plus qu’à mettre des sculptures partout. Il veut en couvrir les églises, il les étouffe !
Après avoir rompu avec l’architecte, le sculpteur rompt avec le théologien. La période ascendante de la chrétienté est terminée. L’indépendance du sculpteur vis-à-vis de la tradition, chose impensable un siècle plus tôt, coïncide avec une diminution de l’intensité de la foi. Les riches et les puissants se font à présent construire des hôtels particuliers et des chapelles personnelles. L’activité des grands chantiers s’en ressent. Les plus habiles des sculpteurs, des bâtisseurs de cathédrales, sont attirés et engagés pour orner les hôtels et les chapelles des grands de la terre.
L’architecte, au Moyen Age, est celui qui conçoit les plans et établit les devis. Ce travail de création était exécuté dans la « chambre aux traits » qui devait être une pièce réservée à l’architecte et à ses aides.
Pendant toute la période de la croisade des cathédrales, les architectes ne semblent pas avoir construit de modèles en bois ou en plâtre. Ce procédé antique de représentation des édifices parait avoir survécu un certain temps dans le haut Moyen Age puis a disparu pendant plusieurs siècles pour ne réapparaître qu’à la Renaissance.
Nous sommes malheureusement très pauvres en plans pour la période ascendante du Moyen Age. Le carnet de notes de Villard de Honnecourt comprend des élévations mais ce sont plutôt des dessins exécutés pour inspirer des travaux ultérieurs que des plans de travail.
L’absence de documents aussi fondamentaux peut s’expliquer par le fait qu’on n’avait aucune raison particulière de conserver les plans d’édifices construits.
L’architecte, le « maître principal », recevait un salaire plus considérable que les autres. Il est en effet normal que des hommes capables de diriger un chantier, de dresser des plans et d’établir des devis aient une situation sociale et financière supérieure à celle des maçons et des tailleurs de pierre.
Les chapitres se sont trouvés dans la position de demandeurs face à ces hommes d’exception qui réunissaient en eux tant de qualités morales et tant de connaissances techniques.
Le nombre d’hommes pouvant réunir ces qualités et ces connaissances était tout de même assez limité. Aussi les architectes ont évidemment profité de la position privilégiée où ils se trouvaient pour fixer leurs conditions d’embauche.
L’histoire de la construction des monastères est, par certains côtés, assez différente de celle des cathédrales, notamment en ce qui concerne la direction du chantier, la main-d’œuvre et le choix des plans.
Dans les monastères, il n’y a jamais eu d’écoles de tailleurs de pierres ou d’architectes qui auraient permis aux moines d’en assurer la construction sans aide extérieure.
L’histoire de la construction des monastères demande que l’on distingue en effet dans ce domaine : d’un côté les Bénédictins, de l’autre les Cisterciens et que, dans les monastères cisterciens, l’on distingue l’activité des moines de celle des frères convers.
Pour comprendre ces différences, il faut remonter aux sources et relire la Règle de saint Benoît. La mission du moine est de consacrer sa vie à Dieu par la méditation, la prière et les offices. La Règle organise sa vie pour l’œuvre de Dieu. Le travail manuel n’est encouragé que dans la mesure où il contribue à cette œuvre. L’esprit de la Règle ne prévoit pas le dur travail du carrier, du tailleur de pierres ou du sculpteur.
C’est ainsi que l’idée d’une main-d’œuvre religieuse fut codifiée par Cîteaux en 1119 : les us et coutumes des frères convers furent publiés. Dorénavant, deux catégories de religieux se côtoient : les moines qui peuvent se consacrer entièrement à la vie spirituelle ou intellectuelle, et les frères convers, à qui sont confiées les tâches matérielles. Grâce à ces frères convers, la part prise par les Cisterciens à la construction de leurs monastères a été réelle mais la présence de signes de tailleurs de pierres dans les édifices cisterciens prouve que les moines durent cependant faire appel à des constructeurs venus de l’extérieur.
L’histoire des techniques nous prouve que les bâtisseurs des cathédrales ont activement participé à la première révolution industrielle de l’Europe.
Les trois principales ressources d’énergie exploitées pendant la période ascendante du Moyen Age furent : l’énergie hydraulique, l’énergie éolienne et l’énergie du cheval.
Sans énergie hydraulique, la vie du Moyen Age aurait été impensable. C’est au 10ème siècle que se multiplient de façon considérable les moulins à eau étant donné le réseau dense de fleuves et de torrents à débit annuel régulier.
A partir du 12ème siècle on construisit d’innombrables moulins à vent pour profiter de l’inépuisable énergie éolienne. Le cheval fut, pour le Moyen Age, une source d’énergie considérable. Les chantiers des cathédrales en profitèrent directement. Pour la première fois dans l’histoire du monde, le cheval fut employé au maximum de sa puissance.
Les bâtisseurs de cathédrales, travaillant dans une société où l’on admettait le progrès, purent innover, et la cathédrale de la fin du 13ème siècle fut le résultat de centaines innovations et de perfectionnements plus ou moins importants dus à l’esprit de recherche des constructeurs.
La plupart des métiers ont progressé ensemble, et souvent les progrès des uns ont aidé les progrès des autres. Exemple le plus marquant, les progrès des forgerons ont aidé les architectes, les sculpteurs et les tailleurs de pierres.
Il est permis de qualifier ces forgerons de bâtisseurs de cathédrales car ils ont fabriqué des outils en acier plus résistants et nécessitant moins de réaffutages. Ces forgerons ont forgé des outils, des louves, des clous de tous types, des fers à cheval, des tirants… Ces outils ont permis de tailler des pierres plus dures. Les sculpteurs ont pu soumettre la pierre à un travail plus délicat. L’emploi d’une pierre plus dure a amené les architectes à concevoir des colonnes d’un diamètre plus petit et des murs moins épais.
Si les charpentiers ont dû s’adapter directement à l’évolution des voûtes, les couvreurs ont dû s’adapter à l’évolution des charpentes. Suivant les régions, les églises ont été couvertes de tuiles, de plomb ou d’ardoises. A la fin du 12ème siècle, des ardoises solides et résistantes couvraient les édifices de l’Ouest et du Nord de la France.
Pour protéger leurs édifices contre la pluie, les architectes ont conçu un réseau de petites rigoles. Ils ont inventé la gargouille pour rejeter l’eau loin des murs.
Pour diminuer les risques d’incendie, les architectes ont été amenés à voter les églises en pierre. Pour voter les édifices, ils ont adopté les voûtes en berceaux brisés, les coupoles sur pendentifs ou sur trompes et les voûtes d’arêtes. Ils les ont perfectionnées pour couvrir des étendues de plus en plus grandes. Ils ont notamment eu l’idée de renforcer la voûte d’arêtes par des croisées d’ogives. La construction de ce type de voûte, qui s’est généralisé à partir du milieu du 12ème siècle, a profité à l’expérience des tailleurs de pierre, d’un meilleur choix de matériaux et de l’emploi d’un mortier plus solide.
L’arc-boutant, invention révolutionnaire du 12ème siècle, permit de contrebuter efficacement les voûtes en croisées d’ogives, d’élever des vaisseaux de plus en plus hauts et de sauver de la ruine de nombreuses voûtes anciennes qui menaçaient de s’écrouler.
En ouvrant dans les murs des fenêtres de plus en plus grandes pour éclairer l’intérieur des églises, les architectes ont hissé les verriers au premier rang des bâtisseurs de cathédrales.
De toutes les techniques médiévales, c’est celle qui concerne la fabrication des vitraux que nous connaissons le mieux, grâce au moine Théophile, auteur d’un traité technique qui nous aide aussi à mieux comprendre l’esprit dans lequel ont œuvré les bâtisseurs de cathédrales.
Car, si une certaine conception du progrès, un esprit fécond en invention, des conditions économiques et sociales particulièrement favorables étaient nécessaires pour permettre la construction des cathédrales, il fallait surtout que d’autres conditions, d’ordre spirituel celles-là, fussent également remplies.
La basilique de Vézelay, les cathédrales d’Amiens, de Reims, de Paris, de Strasbourg et de Chartres, parmi tant d’autres, témoignent d’une sagesse inspirée autant que d’une science ingénieuse.
Le bilan des bâtisseurs du gothique est impressionnant : des dizaines de cathédrales, des centaines d'églises ont été érigées. La construction d'une cathédrale rappelle la grande ferveur des bâtisseurs, leur enthousiasme et l'affirmation du pouvoir de l'Eglise au cœur de la ville. Des chantiers se sont ouverts en tous lieux et ont pu durer de nombreuses années. Ces chantiers ont vu la naissance d'une collaboration entre l'évêque, les chanoines et le maître d'œuvre. La construction était réservée à des techniciens compétents. Une hiérarchie stricte existait entre les métiers. Des sculpteurs, des tailleurs de pierre, des dessinateurs, des charpentiers, des menuisiers, des couvreurs, des maçons, des forgerons des verriers, des carriers... se sont retrouvés sur les chantiers. Le proviseur, choisi par le chapitre des chanoines pour diriger les travaux, acheter les matériaux et tenir les comptes, engageait sur le chantier des ouvriers hautement qualifiés.
La cathédrale est bien la fille spirituelle du temple égyptien. De nombreux thèmes, apparaissant comme spécifiquement chrétiens, sont inexplicables sans la connaissance de la symbolique égyptienne. En effet, la symbolique égyptienne permet de mieux percevoir la signification de nombreux thèmes iconographiques ou littéraires du Moyen Age.
Des auteurs médiévaux ont montré qu’ils avaient conscience de leur filiation. La fondation des premiers grands monastères occidentaux se fit sur le modèle égyptien, les moines de la terre des pharaons s’inspirant du fonctionnement des anciennes communautés de prêtres. Des pyramides aux cathédrales s’est manifestée la vérité d’une aventure vécue par des communautés de bâtisseurs, initiés par des rites et des symboles identiques quant au fond.
Le Christ du Moyen Age des Maîtres d’Œuvre est un successeur des Rois-Dieux, dans leur fonction comme dans leur mission, malgré les distorsions historiques. La Vierge se situe dans le prolongement d’Isis, assurant la présence d’une symbolique féminine dans une religion catholique qui a tout essayé pour la rejeter mais n’a pas réussi à expulser l’immense figure de la déesse égyptienne qui, au moment de la formation du christianisme, régnait dans tout le bassin méditerranéen et dans une bonne partie de l’Europe.
Cette base symbolique, d’une extraordinaire richesse, ne suffisait pas cependant à déclencher l’épopée des siècles d’or du Moyen Age. Il fallait aussi un certain état d’esprit qui ne dissociait pas l’art d’une certaine science de la vie.
La science du Moyen Age, celle que pratiquèrent les Maîtres d’Œuvre, ne se veut pas théorique. Toute théorie est bavarde, gratuite ; seul compte un empirisme noble, où la main et l’esprit travaillent ensemble. L’intelligence est comprise comme l’art de rassembler ce qui est épars, non comme la faculté perverse d’analyse et de dissociation. Cette démarche s’appuie cependant sur un certain type de savoir. A cet égard, le 7ème siècle fut un moment de synthèse exceptionnel.
Dans les monastères d’Irlande, dont le plus célèbre fut celui de Bangor, près de Belfast, on recueillait la symbolique moyen-orientale et l’on forgeait la culture qui allait bientôt nourrir les premiers bâtisseurs et les premiers imagiers.
De la lecture des auteurs anciens à l’étude de l’astronomie, on travaillait d’arrache-pied à souder entre elles les perceptions intelligentes de l’univers connu.
Pour l’homme de métier, l’art de vivre est l’art tout court. Tous les artisans ne sont pas à considérer comme des Maîtres de Sagesse. Parmi eux, il y a des exécutants, des hommes qui fuient des responsabilités, des techniciens qui ne sont attachés qu’à l’aspect quantitatif de leur pratique. Mais il ne faudrait pas réduire les communautés de bâtisseurs à un troupeau d’ignorants, d’illettrés, soumis aux ordres d’une église ou d’un pouvoir politique.
Le maître d’œuvre accède à ses fonctions au terme d’une longue et exigeante initiation de métier où il apprend autant à connaître l’âme humaine que l’âme de la matière. Tel le peintre zen qui, d’un seul geste continu, crée le dessin parfait sur le papyrus immaculé, le maître d’œuvre qui trace l’épure de la cathédrale est en harmonie totale avec l’œuvre naissante. L’art du maître d’œuvre est simplement la bonne manière de faire chaque chose, la volonté de chef d’œuvre orientée vers l’action la plus humble. Cette conception de l’art montre qu’il n’est pas réservé à quelques artistes mais, au contraire, le bien le mieux partagé, celui qui nous apprend à régner sur notre propre existence. Aussi les médiévaux pouvaient-ils affirmer qu’une vie sans art est dépourvue de sens.
La plus modeste des chapelles correctement construite comme la plus imposante des cathédrales sont érigées selon les règles de la divine proportion. Il en est de même pour le corps humain.
C’est précisément cette géométrie sacrée que les Maîtres enseignaient aux compagnons au travers d’une science qu’on appelait « le trait » et que les compagnons d'aujourd’hui connaissent toujours. Les Cisterciens étudièrent de très près le Trait, cherchant à harmoniser non seulement l’espace architectural des églises mais aussi l’espace intérieur de l’homme.
Le trait, la divine proportion, le nombre d’or sont autant d’éléments tangibles d’une pratique qui devient sagesse. Chaque édifice devient un corps vivant, le corps de l’homme initié devient support d’une sagesse vécue. Le nombre permet de découvrir l’identité profonde des éléments qui composent l’univers. Ainsi, quatre est le nombre de la terre, avec ses quatre orients ; cinq est le nombre de l’homme, né de l’étoile à cinq banches ; dix est le nombre de l’accomplissement, de la communauté qui retrouve l’unité.
Si les cathédrales furent construites sur la base des nombres sacrés, c’est parce que seuls ces derniers donnent la clef des proportions qui en assurent l’extraordinaire stabilité que nous constatons encore aujourd’hui. C’est aussi parce que ces nombres traduisent géométriquement les principes de création, c’est enfin parce qu’ils enregistrent les harmonies secrètes qui font chanter la pierre.
Pour les anciens, extraire une statue de la pierre brute consistait à créer un réceptacle qui attire l’influx divin vers la terre. L’énergie cosmique descend dans la pierre sculptée, l’habite et se rend ainsi présente à l’homme dont les yeux sont ouverts.
La science est un art et l’art est une science. Unis, art et science procurent à l’artisan le moyen de capter le mystère. L’art sacré, celui qui transmet le symbole, met en évidence le processus de création caché dans la nature. Cette orientation de la pensée des maîtres d’œuvre ne devait rien au hasard ; elle était fondée sur une découverte d’une importance considérable : l’univers est une parole divine.
Toutes les cathédrales sont dédiées à Notre Dame. La cathédrale est le corps éternel, impérissable de Notre Dame. La cathédrale rend l’univers perceptible car elle l’organise selon le Verbe. Elle est un corps vivant de pierres qui parlent.
Les maîtres apprenaient d’abord à connaître les lois d’harmonie. Par l’initiation, ils accédaient à l’état d’être nécessaire pour en prendre conscience. Ensuite, le métier appris au fil des années leur permettait de manifester dans la pierre ce qu’ils avaient perçu, de montrer à l’homme la voie à suivre.
Aujourd’hui, nous suivons une démarche inverse. Lorsque nous sommes devant la cathédrale, lorsque nous pénétrons en elle, tout notre être est pris dans un réseau de sensations qui nous amène à nous poser des questions : qui sommes-nous donc, pour oser pénétrer en ces lieux, que cherchons-nous ici ? La beauté des Notre Dame de pierres ne doit pas rester une simple satisfaction esthétique. Elle provoque un choc nécessaire ; elle nous révèle notre propre noblesse.
Bien sûr, il y a la perfection des courbes, des voûtes, l’enchantement des sculptures, la sérénité des murs, les jeux de lumière où le pèlerin trouve naturellement sa place. Ressentir tout cela ne constitue qu’une première étape.
Naître, c’est mourir à Dieu. Mourir, c’est renaître en lui. Le temps de notre passage ici-bas n’est pas dépourvu de signification. Nous avons à collaborer à l’œuvre de l’Architecte des mondes, à la prolonger sur terre.
Les cathédrales sont des boussoles, des bornes indicatrices, des repères dans la forêt des symboles.
Le symbole de la cité céleste est bien antérieur à l’époque médiévale. A la Babylone terrestre correspondait une Babylone cosmique. En Egypte, les textes sacrés parlent souvent de la cité sainte.
La cathédrale, dans ses sculptures et dans sa géométrie, contient l’alphabet nécessaire pour déchiffrer le livre qu’elle incarne.
Les églises médiévales sont comparables à des broyeurs atomiques où sont concentrées des puissances bénéfiques dont la permanence est entretenue par les rites. La même analyse a été faite par des égyptologues à propos des temples pharaoniques.
La cathédrale reflète l’harmonie du cosmos où tout est soigneusement ordonné. Elle est construite d’après la divine proportion qui a également présidé à la formation du corps de l’homme.
En dépit des variations de plan, qui expriment autant de significations symboliques, l’une des formes essentielles du temple médiéval est la croix, rencontre de la verticale et de l’horizontale, du temps et de l’espace, du ciel et de la terre.
La croix est la traduction chrétienne du grand arbre des anciennes traditions, de l’axe qui relie entre eux les étages de l’univers. La branche horizontale de la croix, explique le Moyen Age, correspond aux équinoxes et aux solstices, alors que la branche verticale met les pôles en rapport avec le plan de l’équateur. Ainsi, la connaissance du plan cruciforme de l’église nous permet de lire le monde, d’en apercevoir l’architecture.
Rappelons-nous : le terme « cathédrale » vient de « cathèdre », à savoir le trône où siège l’évêque. Comme dans les temples où se réunissaient les communautés de bâtisseurs, le siège de celui qui dirige l’assemblée se trouve à l’orient, exactement à l’endroit où naît la lumière.
Sans la communauté des bâtisseurs, le message divin serait resté lettre morte. Ce message n’est pas une doctrine mais un outil d’évolution pour chacun d’entre nous, un outil que les anciens nommaient « Tradition ».
Il est vital de percevoir ce qu’est la Tradition initiatique qui est la clef, non seulement de l’époque médiévale, mais de toutes les époques. Le rationalisme qui s’affirma pendant la Renaissance a obscurci la véritable nature de la Tradition, tradition initiatique dont nous ressentons si intensément la nécessité, mais que nous ne savons plus appeler par son nom. Le simple fait de l’évoquer peut commencer à ranimer l’esprit des bâtisseurs de temples, à nous orienter vers le maître d’œuvre.
La Tradition initiatique possède un corps, une âme et un esprit.
Son corps est formé des temples, des cathédrales, des statues, des livres sacrés, bref de tout ce qui incarne de manière concrète et visible l’enseignement à transmettre. Corps plein de sève, toujours à notre portée, offert en permanence à qui désire le contempler. Corps à réanimer, également. Il est comparable à la « matière première » de l’alchimie, la chose la plus répandue du monde mais à laquelle peu d’êtres prêtent attention.
L’âme de la Tradition est son visage multiple, son génie changeant qui préserve une même sagesse sous des aspects différents selon les temps et selon les lieux. Quand les maîtres d’œuvre construisaient des églises chrétiennes sur les ruines de temples païens, ils vivaient l’âme de la Tradition qui intègre tout et ne détruit rien.
Si une information sur l’ensemble des formes traditionnelles est un présent inestimable de notre époque, il est bon d’approfondir l’une d’entre elles qui corresponde à nos affinités, à notre héritage sensible et intellectuel. En ce qui concerne l’Occident, il est certain que la Tradition des bâtisseurs, de l’ancienne Egypte aux communautés actuelles qui prolongent cette symbolique, est une source de vie inépuisable.
L’âme est l’instrument de notre accomplissement, le potentiel d’énergie dont nous disposons pour mettre au jour notre vérité. Purifiée par un rituel, l’âme devient capable de reconnaître les symboles, de se guider elle-même en ce monde.
Quant à l’esprit de la Tradition initiatique, il est une réalité difficilement accessible. C’est pourquoi nous devons lui consacrer une vie de recherche. L’esprit de la Tradition est la Sagesse que les médiévaux qualifiaient de « non née », de « non manifestée », d’ « incréée », car elle n’est pas soumise aux conditionnements humains ni à ceux de la nature dont elle engendre l’harmonie.
Les maîtres d’œuvre ont fait preuve d’une générosité exceptionnelle en transmettant, de toutes leurs forces spirituelles et humaines, l’initiation qu’ils avaient vécue. Cathédrales et chapiteaux, stalles et statues, écrits divers sont là pour en témoigner. Ils savaient que, dans l’arbre de la Tradition, circule la sève du symbole. Ce dernier est la clef d’or qui ouvrira le coffre aux trésors cachés dans l’œuvre. C’est grâce à lui que le voyage vers la cité céleste peut réellement s’accomplir.
Voyager à travers les symboles, à travers les images parlantes, c’est d’abord retrouver un reflet de notre personnalité réelle.
Le symbole ne se définit pas en termes rationnels, il ne se transmet pas sous forme d’une équation mathématique. Par définition, une figure symbolique est inépuisable.
Pour qui apprend à voir, les chapiteaux évoquent de multiples états d’âme, des qualités à acquérir, des travers à éviter, des pièges auxquels on peut échapper.
L’homme se construit par son regard ; il communique avec autrui par le symbole qui constitue un langage commun avec, pourtant, autant d’interprétations que d’interprètes.
Pénétrer dans l’univers des symboles, c’est faire vibrer en nous la véritable chair de l’humanité, reconnaître la présence du véritable trésor pour la préservation duquel tant d’admirables civilisations ont lutté victorieusement. Le symbole est un signe donnant accès à une connaissance inaccessible par tout autre moyen.
Visiter une cathédrale ne doit pas se réduire à une distraction touristique. Etre dans la cathédrale, c’est accomplir un pèlerinage dans l’œuvre, ne plus chercher au-dehors d’elle la vérité de notre existence. Il nous suffit de passer le seuil, d’être fidèles à la voix de notre conscience et d’écouter celle de la cathédrale.
L’essentiel est de faire vivre le symbole. L’utilisation de la symbolique permet d’avoir une vision globale de la vie, de ne pas négliger tel ou tel aspect de la nature et de l’homme. Le symbole est porteur de significations différentes qui ne sont pas pour autant des contradictions. Il s’agit de diverses facettes d’une même réalité. Selon notre degré d’évolution, nous sommes capables de percevoir le même phénomène de manière différente.
Devant les sculptures des cathédrales se produit en nous une rupture par rapport à notre existence profane. Si nous acceptons de lever les yeux, tout un univers commence à nous poser des questions.
Tout est symbole, rien n’est imaginaire. Cet univers est d’une grande précision, d’une grande rigueur car il est le lieu toujours mouvant et toujours renouvelé où se libère notre conscience.
Chacun d’entre nous capte la réalité à sa manière. Pourtant, nous captons tous quelque chose de permanent, de fondamental, qui est la vie elle-même. Par l’expérience du symbole, nous accroissons notre « capacité de Dieu », nous élargissons nos possibilités de perception.
L’expérience spirituelle ne peut se transmettre que par des symboles. C’est pourquoi les hommes du Moyen Age se sont réunis en communautés, qu’il s’agisse des moines ou des bâtisseurs. Etudier un symbole dans la solitude ne suffit pas. Il faut confronter son point de vue avec d’autres, partager le regard d’autrui.
Le symbole est la substantifique moelle de chaque chose. Les symboles sont des lampes sur notre route, les étoiles qui nous guideront pour sortir d’une existence anarchique et devenir un homme nouveau, une pierre de la cathédrale qui s’édifiera jusqu’à la fin des temps.
Pour nous permettre de forger cette intuition qui construit des cathédrales, le Moyen Age nous propose deux outils : la voie « spéculative », celle de l’esprit, et la voie « opérative », celle de la main.
A l’époque médiévale, spéculer, c’est disposer du miroir qui reflétera les lois divines et nous permettra donc de les connaître. C’est aussi observer les astres, apprendre à connaître les lois du cosmos.
Le désir de l’homme « spéculatif » est de faire vivre l’esprit en l’alourdissant le moins possible de tendances individuelles et particularisantes. La cathédrale n’appartient à personne, elle n’est signée de personne. Elle ne rejette aucun symbole, aucune expression. Les valeurs « spéculatives » sont les nourritures de la vie intérieure, non des théories froides et desséchées. Les bâtisseurs et les sculpteurs sont des « pontifes », des êtres qui créent un pont, une relation entre l’univers et l’homme.
La voie spéculative n’aurait pas conduit à cette harmonie de l’être si elle n’avait été accompagnée de la voie dite « opérative ». Connaissance de la main, elle met en œuvre les intuitions de la pensée spéculative et leur donne une chair. Le geste d’un sculpteur sacralise la matière. Par le travail de la main s’accomplit un accord profond avec l’Architecte des mondes.
Actes « spéculatifs » et actes « opératifs » ont été si étroitement liés dans les communautés de constructeurs que la pensée créatrice de ces hommes s’est traduite par des cathédrales.
Par l’union de l’esprit et de la main, le bâtisseur devient un home en voie d’accomplissement de l’œuvre et de lui-même. Si la notion de « modèle » ou d’« exemple » a encore une signification, c’est bien vers cet homme-là que nos regards doivent se tourner.
L’art de vivre des bâtisseurs est toujours présent en nous, par l’intermédiaire de ses sanctuaires, de ses sculptures, de son message. Les symboles qui se présentent à nous sont issus d’une tradition initiatique où l’instant de conscience est la valeur première. Dans cette tradition, qui est celle des constructeurs de temples, nous sont offerts d’immenses trésors qui sont autant de manifestations du Principe et qui nous convient à remonter de l’embouchure vers sa source. Ces trésors sont là, tout près de nous ; le royaume de l’esprit est si proche qu’il suffit de passer le seuil de la cathédrale pour le découvrir.
L’enseignement des sculptures symboliques n’appartient pas au passé. Mettant en lumière ce qui rassemble les hommes, ce qui les unit au cosmos, il demande de notre part un véritable engagement qui consiste à reconnaître que l’individu n’est pas la clef de toutes choses.
Si nous désirons pénétrer dans le temple où se trouve la règle d’or d’une vie harmonieuse, il faut accepter de reconnaître que certaines fausses valeurs sont des obstacles sur le chemin de la Connaissance. L’art médiéval est destiné à augmenter notre « capacité de Dieu », à faire naître le regard de lumière qui éclairera aussi bien la signification des chapiteaux que celle de notre propre vie.
Les symboles ne sont pas le fruit d’une volonté de garder un secret, mais l’expression naturelle des étapes sur la voie de l’accomplissement.
Aucune cathédrale n’est une fantaisie esthétique érigée pour le plaisir de l’œil. Si les maîtres d’œuvre construisent des temples, c’est pour incarner dans la pierre le mystère par nature et donner à chaque pèlerin une possibilité de le percevoir. Chaque cathédrale est une parole du Verbe. L’homme nouveau est le Verbe en nous parce qu’il nous permet de nommer les êtres et les choses, donc de connaitre leur réalité surnaturelle.
L’homme de métier a trois fonctions :
Ce que nous offrent les cathédrales et leurs chapiteaux symboliques, ce sont des outils pour recréer un art de vivre qui ne soit pas une pâle imitation, des outils pour dégrossir la pierre brute et la transformer, avec science et patience, en pierre qui parle, en pierre qui, un jour, s’épanouira jusqu’à devenir cathédrale.
A. B.
Arminjon Catherine (Sous la direction de)
Vingt siècles de cathédrales
Connaissance des arts, Paris, 2001
Plus que dans d'autres pays, la cathédrale en France impose sa silhouette irremplaçable. Curieusement, l'image qui s'est fixée est avant tout gothique. On peut le comprendre puisque la plupart des grandes cathédrales présentent encore leur silhouette surgissante de cet âge d'or de l'ère médiévale. Mais derrière l'image fétiche des flèches et des tours, on oublie que la cathédrale a d'abord été romane, qu'elle a aussi été classique, même éclectique, et que les architectes contemporains n'ont jamais cessé de la regarder. Au-delà de l'intérêt qu'on lui accorde trop souvent, c'est tout un monde de vie et de création qu'elle abrite : cité dans la cité, elle a ses quartiers canoniaux, ses palais, ses hôtels-Dieu. Par-là même, c'est aussi un lieu continu de manifestations artistiques dans ses grands décors, ses vitraux, ses trésors dont nombre de chefs-d'œuvre sont, il est vrai, peu visibles, voire inaccessibles. En dépit des drames et des destructions, la cathédrale demeure un immense musée vivant au cœur des villes. Malgré son omniprésence, la cathédrale reste le lieu d'études inédites et de découvertes à venir.
Icher François
Les bâtisseurs de cathédrales
Le Sorbier, Paris, 2004
Au milieu du 12ème siècle, la construction d'une nouvelle abbaye à Saint-Denis a fait naître un nouveau style architectural, le style gothique. Finies les églises romanes trop sombres et trop petites pour accueillir une foule de fidèles de plus en plus nombreux. Place à l'espace et à la lumière ! La construction d'une cathédrale demande beaucoup de travail et de moyens. En accord avec le maître d'ouvrage initiateur du projet, le maître d'œuvre (l'architecte) définit le projet définitif et choisit son équipe de bâtisseurs. Entre les outils, les matériaux et le salaire des hommes, d'importantes sommes sont nécessaires : tous les habitants doivent donc participer à la récolte de fonds. La place et le rôle des enfants apprentis bâtisseurs sont clairement analysés et les principaux métiers à l'œuvre sur le chantier sont présentés dans les portraits. François Icher nous raconte ainsi la vie quotidienne d'un chantier qui sera le fruit des efforts de plusieurs générations.
Nicolas Pierre-Alexandre
Le secret des cathédrales
Editions Arcadis, Saint-Michel S/Savasse
La cathédrale est le lieu où les énergies circulent : cosmiques, solaires et telluriques. Et si ces énergies étaient le véritable secret de la vie ; ne chercherions nous pas à bénéficier de cette force pour améliorer notre quotidien ? Si nous comprenons cela, nous percevons mieux la véritable utilité des rites du temple et que toute quête spirituelle s'appuie sur cette donnée cachée qui est tout simplement le prolongement du bras de Dieu. Véritable horloge d'un Temps qui nous dépasse, la cathédrale est bien le premier ordinateur construit des mains de l'homme. Ce livre nous fait découvrir des réalités pressenties depuis longtemps mais qu'il restait à élucider : c'est chose faite depuis.
Collombet François
Les plus belles cathédrales de France
Sélection du Reader’s Digest, Paris, 1997
Entre le 12ème et le 15ème siècle, la France a élevé plus de quatre-vingts cathédrales, passant ainsi du style roman au style gothique, dont l'acte de naissance s'inscrit dans l'édification de Saint-Denis, célèbre nécropole royale. Aux côtés des grands hommes d'Eglise, architectes, bâtisseurs et maîtres d'œuvre deviennent alors les véritables héros – souvent anonymes – de cette épopée périlleuse : des chantiers gigantesques, des flèches qui s'élèvent jusqu'à 100 m de haut, et un résultat généralement spectaculaire et audacieux. C'est cette histoire jalonnant les siècles que cet ouvrage se propose de nous raconter à travers cinquante cathédrales réparties dans toute la France : Bourges et sa nef aux élans vertigineux, Chartres et la lumière mystique de ses vitraux, Autun et ses portails sculptés... Autant de témoignages d'une architecture et d'un art qui ont su maîtriser les nouvelles techniques au service de la spiritualité.
Le patrimoine culturel de près de 50 cathédrales est mis en valeur grâce à une mise en page aérée et moderne. Une iconographie riche de 225 photos dont 32 nouvelles, permet de visiter ces cathédrales et d’apprécier leurs nefs majestueuses, la lumière...
Schutz Bernhard
L’art des grandes cathédrales
Editions Hazan, Paris, 2002
C'est une vue d'ensemble exceptionnelle des grandes cathédrales médiévales que nous propose cet ouvrage dont les magnifiques planches en couleurs illustrent un texte fondamental. L'auteur s'est attaché à présenter l'unité intellectuelle et artistique de l'Europe de l'époque en dépit de tous les régionalismes dont ces édifices imposants constituent la manifestation. L'architecture européenne au Moyen Age n'a rien accompli de plus grandiose que les cathédrales. Cette création matérielle, dans laquelle l'architecture et les arts plastiques s'unissent pour aboutir à une œuvre d'art total, se veut également un monument dressé à la pensée religieuse. A aucun moment de l'histoire de l'humanité, l'art sacré n'a fait à ce point appel aux sens pour exercer une fascination véritablement magique sur les fidèles. La cathédrale a recouvert toute l'Europe de son nimbe. La période qui nous intéresse s'étend du 11ème au 16ème siècle et commence à l'époque romane ou normande en Angleterre avant de nous faire revivre l'éclosion de l'architecture gothique dans le domaine royal de France, puis la grande époque des cathédrales. Le terme de cathédrale ne se conçoit pas seulement du point de vue de l'histoire de l'art mais aussi sous un aspect fonctionnel : c'est l'église de l'évêque ou de l'archevêque. Grâce à la clarté de sa répartition géographique et historique en cinq grands chapitres – la France, l'Allemagne, l'Angleterre, l'Italie et l'Espagne – cet ouvrage rend aussi bien hommage à l'architecture propre à ces pays qu'aux différents courants internationaux et aux contacts entre les bâtisseurs. C'est un ensemble de trente-six cathédrales parmi les plus belles huit en France, huit en Allemagne (avec les pays voisins de l'ancien Saint Empire romain germanique), sept en Angleterre, huit en Italie et cinq en Espagne qui est étudié ici, chacune d'elles faisant l'objet d'un chapitre suivi de magnifiques planches en couleurs, dont beaucoup de photographies inédites. Chaque partie débute par une introduction sur l'histoire de l'architecture du pays traité, qui explique les caractéristiques nationales dans le contexte de l'histoire et des traditions de cette nation, ce qui permet d'élargir encore davantage l'éventail des monuments présentés.
Du Colombier Pierre
Les chantiers des cathédrales
C’est le patrimoine culturel de près de cinquante cathédrales qui est mis en valeur grâce à une mise en page aérée et moderne. Une iconographie riche de 225 photos dont 32 nouvelles, permet de visiter ces cathédrales et d’apprécier leurs nefs majestueuses, la lumière à travers un vitrail comme à Chartres ou encore le détail d’un portail à Reims.
Wenzler Claude
Les cathédrales gothiques
Editions Ouest-France, 2000
Cet ouvrage retrace l’histoire de la construction de ces bâtiments gigantesques, conçus pour contenir des foules considérables. Il rassemble des témoignages du génie des bâtisseurs, de la générosité des fidèles et de l'ambition des évêques. Exceptionnelle, la cathédrale l'est aussi par la durée de sa construction, qui s'étend parfois sur plusieurs siècles. L'ouvrage est joliment illustré de peintures d'époque, de dessins, cartes, maquettes et photographies en couleurs.
Rodin Auguste
Les cathédrales de France
Editions Denoël (Médiations), 1983
Proposé par l'un des génies de la sculpture moderne, cet ouvrage est une défense et une illustration des cathédrales trop longtemps oubliées, pillées ou hypocritement restaurées.
De Bussac Alain
Cathédrale de Chartres
Editions L'Instant durable, 1990
Il s’agit d’un livre maquette comprenant un texte historique, avec 35 planches en couleurs à découper permettant de construire très précisément en volume la cathédrale qui témoigne de la transition de l'art roman vers les magnificences du gothique. Un chef-d'œuvre à construire et à comparer avec les autres cathédrales de la collection à la même échelle, Paris et Reims (échelle 1/250, base 35 x 61 cm, hauteur 44 cm).
Chevalier Michel
La France des cathédrales du 4ème au 20ème siècle
Editions Ouest-France, 1947
Cet ouvrage est un tableau de quelque 170 cathédrales françaises qui sont encore debout. Il décrit les différents types de cathédrales en fonction des époques et des régions, de la fin de l'Antiquité jusqu'aux 19ème et 20ème siècles. L'accent est mis sur l'architecture et le décor des édifices, tout en tenant compte des multiples dégradations (usure, guerres, vandalisme) subies au cours des siècles et de l'action souvent malvenue des restaurateurs. L’auteur souligne aussi le rôle essentiel des cathédrales dans la vie et le paysage urbains.
Jouanneaux Françoise et Prache Anne
La cathédrale Notre Dame de Chartres
Editions du Patrimoine, Chicoutimi (Canada), 2000
Au 13ème siècle, la cathédrale de Chartres inaugure la série des cathédrales « classiques » avec fenêtres hautes. La qualité du décor sculpté en fait l'une des références de l'art gothique. Chartres possède aussi l'un des plus riches patrimoines de vitraux des 12ème et 13ème siècles, dont la célèbre « Notre-Dame-de-la-Belle-Verrière ». Chartres n'appartient pas seulement à l'imaginaire culturel français ; la cathédrale est aussi inscrite au Patrimoine mondial de l'Unesco en raison de l'exceptionnelle harmonie qui règne entre l'architecture, la sculpture et le vitrail.
Aubert Marcel
Cathédrales et trésors gothiques de France
Editions Arthaud, Paris, 1971
Cet ouvrage nous propose une analyse des premières cathédrales gothiques, de l’épanouissement de l'art gothique, de l’expansion de l'art des grandes cathédrales.
Duby Georges
Le temps des cathédrales
Editions Gallimard, Paris, 1976
Ce n’est pas la méthode historique que l’on admire dans ce livre devenu un classique. Il y aurait beaucoup à redire en ce domaine : la démarche, loin d’être rigoureuse, fait encore grincer les dents des historiens de l’art qui la trouvèrent impressionniste. Quant à la chronologie, elle semble artificiellement découpée en trois périodes, comme s’il y avait toujours un événement ou une création qui entrainait la fin d’un art et le passage à un autre. Au temps des monastères (980 – 1130) succède ainsi le temps des cathédrales (1130 – 1280) que suivra le temps des palais (1280 – 1420).
Si ces reproches académiques sont justifiés, le temps des cathédrales n’en demeure pas moins un grand ouvrage d’histoire dont la puissance d’évocation et la liberté de ton demeurent inégalées. Cette sociologie de la création artistique médiévale qui oscille en effet entre histoire et roman permet de replacer l’ensemble des hautes productions de l’Occident médiéval dans « le mouvement général de la civilisation ». L’historien nous offre des clefs pour pénétrer cet univers des formes aussi complexe que fascinant, pour comprendre l’architecture, la sculpture ou les vitraux à une époque où l’art pour l’art n’existe pas, où tout est hommage, prière à Dieu et où l’artiste s’efface devant son Créateur.
Ce parcours nous montre donc comment la féodalité transféra des mains des rois à celles des moines le gouvernement de la production artistique avant que celle-ci ne s’épanouisse au cœur des villes, dans les cathédrales qui deviennent les centres d’innovations majeurs au temps de la renaissance urbaine. La dernière partie nous montre comment au 14ème siècle l’initiative de l’art revint aux grands princes et s’ouvrit aux valeurs profanes. Peut alors s’épanouir la peinture qui devient pour des siècles l’art majeur de l’Europe.
Male – Devinoy
Notre Dame de Chartres
Editions Flammarion, 1994
Mieux que tous les livres, la cathédrale de Chartres ressuscite notre Moyen Age, nous le fait toucher de la main. Le passé ressemble toujours un peu à un rêve ; à Chartres, nous sommes en présence de la réalité. Ce Moyen Age, qui nous fuit si souvent dans l'histoire, se livre à nous, nous révèle sa pensée profonde, nous confie ce qui alors faisait vivre les hommes. En contemplant avec lui la majesté du plan divin, qu'il met sous nos yeux, nous entrons avec lui dans le monde de la certitude, de l'ordre, de la paix.
Charpentier Louis
Les mystères de la cathédrale de Chartres
Editions Robert Laffont, 1995
Un homme interroge une cathédrale et c'est tout le mystère d'un savoir perdu qui se dévoile peu à peu : la cathédrale de Chartres est-elle l'héritière des dolmens sous lesquels les Druides conviaient leurs novices à accéder à l'initiation ? Est-elle, par le canal de l'Ordre du Temple et par la science de Citeaux, l'héritière directe des pyramides et du Temple de Salomon ? Est-elle ce « Livre de pierres » dans lequel de savants frères constructeurs inscrivirent les données harmoniques d'une Loi divine d'Unité que Moïse avait gravée sur les pierres du Sinaï ?
Ce sont ces questions que Louis Charpentier pose à la cathédrale. Et la cathédrale répond... Elle répond que de savants hommes ont su, bien avant Galilée, que la Terre était ronde. Elle répond qu'ils n'ignoraient rien des actions de la Terre et du Cosmos sur les hommes. Elle répond, enfin, par la plus extraordinaire tentative jamais réalisée pour promouvoir les hommes vers une humanité supérieure, par l'usage de proportions « justes », de dimensions « justes », d'harmonies sonores et lumineuses « justes ». Ce livre est, en même temps, un guide irremplaçable pour tout visiteur désireux de percer les arcanes de cette monumentale énigme de pierres.
Déceneux Marc
Eglises et cathédrales
Editions Ouest-France, Rennes, 1998
La visite des églises offre de multiples intérêts. Mais ceux-ci sont d'autant plus vifs que l'on connait mieux la signification réelle de ces monuments, leur histoire et les règles immuables qui président à leur construction. Ce petit livre propose les clés essentielles pour mener à bien cette découverte.
Au sommaire :
Erlande-Brandenburg Alain
Editions Gallimard découvertes, Paris, 1993
Alain Erlande-Brandenburg, Directeur des archives nationales et Président de la Société Française d'Archéologie, présente dans cet ouvrage de nombreuses clés sur la construction des cathédrales. Pourquoi les cathédrales ? Qui les réalise ? Quel est le rôle du commanditaire ? Comment sont-elles réalisées ? Quelles techniques sont utilisées ?
L'intérêt de ce petit ouvrage est de répondre à ces questions non en formulant des hypothèses mais en se basant sur des documents d'archives que les bâtisseurs ou les témoins de ces chantiers nous ont laissés. Les nombreuses gravures sont riches en renseignements sur les corps de métiers et les techniques employées. L’auteur souligne la diversité des techniques employées et notamment les échafaudages et les engins de levage. Les textes cités en annexe éclairent les relations entre les commanditaires et les différents métiers.
Bref, c’est un ouvrage qui permet de mettre à jour ses connaissances et de préparer ou prolonger ses visites de vacances.
Savary David
Le temps des cathédrales
Editions Maison de la France, 2003
Que l'on soit croyant ou pas, la simple vue et la visite d'une cathédrale restent toujours un moment fort. Ces monuments, chargés de sens et de symboles, ont été construits pour la plupart au Moyen Age. La France abrite quelques-uns des plus beaux chefs-d'œuvre de l'architecture chrétienne.
La cathédrale est l'église épiscopale d'un diocèse dirigé par un évêque. En deux siècles seulement, le 12ème et le 13ème, 80 monuments sacrés ont été érigés en France. Près de 200 édifices portant ou ayant porté le titre de cathédrale sont aujourd'hui recensés.
Imposantes, émouvantes… les cathédrales sont des chefs-d'œuvre que l'on admire. Leur architecture, leurs sculptures ou leurs vitraux nous renvoient une multitude d'images et nous invitent à la méditation.
Aubert M. - L’architecture cistercienne en France
Vanoest, Paris, 1947
Bertrand Gille - Histoire générale des techniques
4 volumes - P.U.F., Paris, 1962
Colignon Thierry et Monnet Christine - Le Mont-Saint-Michel et le Moyen Age
Editions Mango, 1995
Du Colombier P. - Les chantiers des cathédrales
Picard Editeur, Paris, 1973
Gimpel Jean - Les bâtisseurs de cathédrales
Editions du Seuil, Paris, 1980
Hahnloser H. - Villard de Honnecourt
Editions Gratz, Vienne, 1935
Jacq Christian - Le message des constructeurs de cathédrales
J’ai lu – Editions du Rocher, Monaco, 1980
Moine Théophile - Traité des divers arts
Paris, 1924
Pernoud Régine - Lumière du Moyen Age
Grasset, Paris, 1944
Pirenne Henri - Les villes et les institutions urbaines
Alcan, Paris, 1939