La Senne
Le paysage de Bruxelles avant le 10ème siècle
Le port primitif de Bruxelles
Les inondations
La Senne au 19ème siècle vue
L’école des vétérinaires
Le rôle des écluses lors des inondations
L'assainissement de la Senne
Le voutement de la Senne
La « Grande Écluse »
La « Grande » et la « Petite Écluse »
La Senne aujourd’hui
Des sites d'aujourd’hui à l’emplacement de la Senne d’hier
Pour conclure
Perspective d’avenir
Bibliographie
* * *
Il y a plus de 1000 ans, la Senne était une rivière gracieuse, formant de nombreux méandres et îlots, très poissonneuse et où fleurissait abondamment l’iris jaune, symbole de la Région de Bruxelles Capitale.
Durant plusieurs siècles, elle a constitué pour toute cette région une artère vitale, source de développement et de progrès… Mais aujourd’hui, tous semblent avoir oublié ce que cette rivière leur apporta. La Senne est-elle une rivière qui s'est perdue ?
La Senne est une rivière typiquement « belge » qui s’écoule sur près de 100 km au travers des trois régions. Elle fait partie du bassin oriental de l’Escaut.
1. Le relief du sol
Trois formes de relief se sont imposées dans le développement de la ville : une très large plaine alluviale au mauvais drainage naturel comblée aujourd'hui par dix à vingt mètres d'alluvions, un versant raide et un plateau.
Le paysage de la région bruxelloise, à l'aube du 10ème siècle, devait être des plus séduisants. C'était une succession de riantes collines qui s'alignaient à l'est et dont les pentes se couvraient de labours et de vignobles égayés de verdoyantes et riches prairies. A l'ouest, dans les basses étendues marécageuses de la rive gauche de la Senne, le sol peu accidenté était couvert de quelques petits bois.
Là où se trouve le centre de Bruxelles actuel, la Senne traversait une plaine d'alluvions large d'environ un kilomètre qui s'élargissait en formant plusieurs îles.
L'ondulation du terrain, encore très marquée de nos jours, présente de nombreuses collines isolées ou des éperons de sable comme le Coudenberg et le Treurenberg sur le territoire de Bruxelles-ville, l’altitude 100 à Forest ou le Groeselenberg à Uccle...
Le versant est interrompu par des replats où furent érigées notamment la cathédrale Saint-Michel ainsi que l'église Notre-Dame-du-Sablon et où fut tracée la rue Haute qui bénéficiait ainsi d'une pente minimum.
Le plateau s'allonge du sud au nord entre les vallées de la Senne et du Maelbeek et se termine en un promontoire dominant le confluent de ces deux rivières au-delà de l'église Sainte-Marie à Schaerbeek.
2. La rivière
Pour se donner une idée de ce qu’était la Senne autrefois, il faut sortir de l’agglomération actuelle et se rendre, par exemple, à Drogenbos ou à Beersel, en amont de Bruxelles où elle coule encore à ciel ouvert. Ses eaux sont déjà fortement polluées par les usines et les égouts. Une vase noirâtre et nauséabonde se dépose en été dans le lit de la rivière et est à découvert lorsque les eaux sont basses. En aval de Bruxelles, en direction de Vilvorde, la Senne est également visible de la chaussée de Vilvorde.
La Senne s’appelait autrefois la Braine ou Brania, comme en témoignent des localités du Brabant wallon telles que Wauthier-Braine, Braine l’Alleud, Braine-le-Comte. Avant d'arriver à Bruxelles, la Senne se divisait en deux bras sur la commune d'Anderlecht : le bras principal entrait dans la ville – le Pentagone actuel – par la Grande Écluse située le long de l'actuel boulevard Poincaré.
Le bras secondaire, appelé Senne de Ransfort, pénétrait dans la ville par la Petite Écluse près de la place de Ninove.
La Senne serpentait à ciel ouvert dans le centre de la ville. Au fur et à mesure que l’industrie et l’habitat se sont développés, la Senne et tout le bas de la ville ont souffert sans cesse davantage de la pollution. Les quartiers le long de la rivière autrefois pittoresques sont devenus bien misérables. La population devait se ravitailler en eau aux fontaines publiques tandis que la Senne servait d’égout à ciel ouvert. La rivière coulait entre des façades lépreuses, se faufilait sous les annexes en bois…
3. La Senne dans la future ville
Au 5ème siècle, sur les îlots de la rivière – et notamment l’îlot Saint-Géry – et sur des terres marécageuses les Francs fondèrent « Bruocsella » (que certains historiens ont traduit par « la maison dans le marais »), un village agricole qui devint plus tard Bruxelles.
Avec René Dons, examinons le cours de la Senne et de ses principaux affluents à travers la future ville de Bruxelles.
Le bras principal de la Senne correspondait grosso modo au tracé des boulevards Lemonnier et Anspach et contournait trois îles dont les deux plus importantes étaient une petite île triangulaire appelée « Petite Île » ou « Île d'Overmolen », puis une île plus grande ou «Grande Île» qui devint « Île Saint-Géry », enfin, au nord, une nouvelle île triangulaire.
La Senne de Ransfort coulait en droite ligne jusqu'à l'actuelle place du Jardin-aux-Fleurs et rejoignait le bras principal de la Senne autour de l’Île Saint-Géry, là où se trouve aujourd’hui le carrefour des rues Van Artevelde et Van Praet.
4. Les affluents
Le versant raide de la rive droite de la Senne était profondément découpé par des affluents qui devaient littéralement dévaler vers la rivière.
Le ruisseau de la HAMEDE quittait le quartier dit « Orsendael », suivait le tracé de la rue des Sables, drainait le quartier dit «Warmoesbroek» le long de la rue du Marais, suivait le tracé de la rue des Boiteux et de la rue d'Argent avant de se jeter dans la Senne à hauteur du Centre Monnaie. Ce ruisseau alimentait le fossé de l’enceinte à l'emplacement actuel de la rue du Fossé-aux-Loups.
La Senne et ses affluents
Le site primitif de Bruxelles
d’après R. Dons
Sur le plan de Jacques de Deventer, dressé de 1550 à 1554, il est possible d’observer distinctement les bras de la Senne. La rivière venant du sud-ouest pénétrait dans la ville en passant sous les remparts. Elle se ramifiait ensuite dans la ville et y forme plusieurs îles.
L’eau de la rivière alimentait les douves de la première enceinte, également visible sur ce plan. Plus tard, elle emplissait aussi les larges fossés qui protégeaient la deuxième enceinte de la ville.
Vers 1858 les remparts de la deuxième enceinte ont disparu tandis que les douves ont été comblées mais que la Senne coulait encore à ciel ouvert. A l’intérieur de la ville, son cours n’avait pas changé : la rivière serpentait entre les pâtés de maisons. Depuis longtemps elle avait cessé d’être navigable.
La claire rivière de jadis s’était peu à peu transformée en égout, particulièrement malodorant, surtout en été par les fortes chaleurs, et capricieux par les inondations provoquées par les fortes pluies d’orage estivales ou les interminables averses hivernales. Combien de caves inondées, de rues sous eau et de rats qui couraient partout !
A la pointe septentrionale de la petite ile située au nord du « castrum » – premier domaine seigneurial fortifié de « Bruocsella » – se trouvaient le port primitif de Bruxelles et un pont permettant le chargement des barques. La route marchande, qui reliait le Rhin à la Flandre, franchissait la Senne sur ce pont situé entre l’actuel Marché aux Poulets et la rue sainte Catherine.
Le Pont des Bateaux (« pons navium » ou « scipbrug ») appelé ensuite « Pont des Poissonniers » marquait le terme de la navigation sur la Senne. Il existait déjà au 11e siècle. Ce pont à deux arches servait au transbordement des produits agricoles.
Au-delà du pont, aujourd’hui à l’emplacement de la rue des Poissonniers, se trouvait le Quai des Poissonniers, un terrain asséché dont les eaux servaient jadis à la défense du « castrum ». Ce quai conduisait à un deuxième pont, le pont de la Carpe, qui donnait accès à la grande île Saint-Géry.
Henri Pirenne a démontré que la formation des villes au Moyen Age était essentiellement due à l’œuvre des marchands qui pratiquaient le commerce en des endroits favorables. Ainsi, si ce sont des préoccupations militaires qui ont fait choisir l'emplacement de l'Ile Saint-Géry pour l'édification du « castrum », la naissance de la cité est due également à la profondeur des eaux de la Senne. La profondeur de la rivière était plus importante en aval de l’île qu'en amont où des ensablements causés par l'existence de plusieurs bras se produisaient régulièrement. C'est donc sur la pointe nord de l’Île Saint-Géry que fut aménagé le premier port de Bruxelles.
En contact avec le Rupel, l'Escaut, le Rhin inférieur, en rapport avec Londres et Cologne, les bateliers qui naviguaient sur la rivière trouvaient au pied « du castrum » une défense bien organisée.
Bruxelles est très vite apparue comme un portus, c'est-à-dire un endroit où les marchandises devaient être débarquées puisque la Senne y cessait d'être navigable.
Une place carrée, appelée le « Werf », servait de débarcadère.
Dès le 15ème siècle, la navigation sur la Senne présenta de très grandes difficultés et l’on songea à établir une voie directe entre Bruxelles et le Rupel.
Pendant des siècles, le « Werf » conserva sa destination de débarcadère et ne la perdit que le jour où, au 16ème siècle, le creusement du Canal de Willebroeck fit cesser la navigation sur la Senne.
De très nombreux moulins à eau, étangs, barrages, installés sur la Senne et ses affluents, ont permis le développement économique, urbanistique et social de Bruxelles.
La Senne formait à cette époque deux bras principaux dans Bruxelles, se séparant au hameau d'Aa (Anderlecht), ainsi que de nombreux embranchements secondaires, naturels ou artificiels (notamment la « petite Senne » et divers fossés des fortifications).
Cette situation a radicalement changé au 19ème siècle : les crues de la Senne occasionnaient de nombreux dégâts dans Bruxelles, d’autant qu’on laissait de moins en moins de place à la rivière pour épandre ses sautes d’humeur redoutables et redoutées.
De plus, les quantités croissantes d’eaux usées (voire d’immondices) rejetées par les
habitations et plus tard par l'industrie (notamment les blanchisseries, teintureries, vanneries, brasseries, tanneries…), transformèrent la rivière en égout à ciel ouvert, à l'origine d'épidémies sporadiques.
Les odeurs nauséabondes qui s'en dégageaient sont particulièrement marquées lors des basses-eaux.
Depuis des siècles, la Senne était la source de perpétuelles inondations. Déjà en 1644, un ingénieur avait proposé de fermer les écluses de la ville et de faire passer les eaux en dehors, ce qui ne devait offrir aucune difficulté car les remparts de Bruxelles formaient une grande digue.
Les inondations de 1839 furent à ce point calamiteuses que Nothomb, ministre des travaux publics, créa une commission d’enquête chargée de rechercher et de dénoncer les causes essentielles des inondations et d’y trouver remède.
La commission déposa rapidement ses conclusions : il fallait curer de toute urgence le lit de la dérivation de la Senne qui passait par Molenbeek. Cela permettrait un meilleur écoulement des eaux excédentaires.
Le rapport, pourtant très détaillé, restait néanmoins muet sur une des causes principales des inondations dont les faubouriens surtout faisaient les frais : la fermeture des vannes des écluses d’entrée lors des grandes crues !
En fermant les vannes, la ville réglait, à sa guise, la quantité d’eau qu’elle autorisait à traverser le pentagone. Le surplus qui s’écoulait dans les caves des Molenbeekois ou dans les prairies des Anderlechtois ne l’intéressait pas le moins du monde. C’est pourquoi rien ne se fit ! Après l’enquête de 1839, des travaux auraient dû être entrepris par le gouvernement, par la province, par la Ville et par les propriétaires d’usines. Ces travaux ne furent pas exécutés. Les conséquences de cette inaction furent particulièrement tragiques. En effet, quelques années plus tard, en 1850, une nouvelle catastrophe, plus grande encore que celle de 1839, s’abattit sur les riverains de la Senne.
Le 15 août, à l’occasion d’un violent orage, les eaux de la Senne se mirent à grossir dans un très bref laps de temps, pour atteindre, en peu d’heures, leur niveau le plus élevé. Bientôt la rivière déborda de toutes parts et de nombreuses prairies et terres labourables d’Anderlecht furent transformées en de vastes étendues d’eau. Toutes les fabriques et usines sises le long de la rivière furent inondées et offraient un spectacle désolant.
A Molenbeek-Saint-Jean, la situation n’était guère plus brillante : c’est un des quartiers pauvres qui fut le plus touché. Quant aux Bruxellois, ils ne furent pas épargnés, eux non plus.
La commission d’enquête de 1839 avait reconnu la nécessité d’un déversoir dans le canal de Charleroi mais des oppositions acharnées s’élevèrent contre cette solution contraire tant aux intérêts de la concession du canal et qu’à ceux de la Ville.
Dans la ville, il existait des passages tellement étroits qu’ils constituaient une cause perpétuelle d’inondation.
Camille Lemonnier nous a laissé une description pittoresque de la Senne et du milieu géographique et humain qu’elle traverse :
« Un délabrement de masures vermoulues, fleuries de mousses veloutées, avec des giroflées sauvages dans les crevasses, mettait tout le long de la Senne ses pans de murs déjetés, surchargés de logettes en bois pendant en surplomb sur les eaux terreuses, et hérissés de déversoirs en pierre par où dégoulinaient les lessives des ménages. Tout un lacis d’impasses s’entrecroisait dans une demi-obscurité chaude, emplie de grises fumées tourbillonnantes que le soleil lamait d’or…
La rivière serpentait à travers cette agglomération de petites maisons tassées, en bonne ouvrière qui prend sa part de travail général et se multiplie pour être largement serviable : ses bras s’étendaient partout, plongeaient au cœur de cette existence besogneuse, avec des amas de grosses écumes jaunâtres aux barrages, des remous de vapeurs bouillantes le long des usines, des traînements lents de flaques huileuses sur tout son parcours.
Elle avait fini par être le dépotoir, non seulement des industries groupées sur ses bords, mais de toutes les maisons riveraines : il n’était pas rare de voir un ventre ballonné de chien flotter, pêle-mêle avec des mise-bas et des détritus ménagers, à la dérive de ses eaux grasses et lourdes.
En automne, des brouillards montaient de ses vases, assombrissant l’air de crêtes opaques à travers lesquels les réverbères, le soir, avaient l’air d’yeux rouges larmoyants ; et ses pestilences saturaient l’atmosphère d’une odeur particulière, où se confondaient des relents de caoutchouc, de cambouis et de vieille suie mouillée.
C’était une des curiosités du vieux Bruxelles : on flânait sur des ponts d’où s’entrevoyait, par échappées brusques, la perspective des toits tailladés en dents de scie et aiguisés en gueule de brochet, avec des ressemblances vagues de canaux brugeois ; la nuit, les fenêtres braséaient sur le noir des fonds, reflétées en un fourmillement de paillettes ignées dans les moires sombres du flot ; et celui-ci, en se brisant aux arches, avait un bruissement doux, continu, auquel ne résistaient pas les douleurs solitaires…
La bonasse rivière avait pourtant ses moments d’humeur ; au temps des crues, elle pénétrait dans les sous-sols, montait l’escalier des caves, souvent même envahissait les rez-de-chaussée. Il ne fallait qu’une nuit pour opérer la transformation des bas quartiers en un vaste lac, duquel émergeaient piteusement des tronçons de maisons, et dont les remous, parfois violents, prenaient, au détour des rues, des airs de marins que contemplaient, résignés, les bourgeois en bonnet de coton, surpris au saut du lit par l’inondation…
Le bourbeux et jaunâtre cours d’eau établissait en effet une démarcation parmi les gens de la ville ; une race à part, nullement comparable à celle des hauts quartiers, s’était petit à petit formée dans ses atmosphères grasses du houblon, perpétuant la tradition de ce caractère étalé et rond, primesautier, prompt à l’injure, dépensier, mais au fond bon enfant, que l’histoire prête aux « kiekefretters » ou mangeurs de poulets, sobriquet qu’a valu aux bruxellois leur amour des mangers succulents.
C’est dans le voisinage des brasseries et des moulins, entre la place Sainte-Catherine et la rue d’Anderlecht, la place de l’Hôtel de Ville et la place Saint-Géry, que florissait le vieux bourgeois bruxellois ; rarement il franchissait les limites de la circonscription où il était né, où il avait pris femme, où il s’était enrichi ; toute son existence se renfermait entre le cabaret, sa boutique et l’église ».
Le clair et riant ruisseau de jadis était devenu un cours d’eau très pollué, par les usines et les manufactures, pollué aussi par les habitants qui n’avaient pas encore de « tout à l’égout » et qui se débarrassaient de leurs ordures et des eaux usées grâce à la rivière.
Par les chaudes journées d’été, la Senne empuantissait tout le bas de la ville. Les rats y pullulaient : un vrai paradis pour ces rongeurs mais aussi quels dangers d’épidémies !
A l’origine, l’Ecole vétérinaire portait le nom de « Ecole d’économie rurale et vétérinaire ». Il indique bien que les fondateurs voulaient former à la fois des vétérinaires et des agronomes, mais on ne trouve guère beaucoup d’élèves agronomes dans le registre matricule conservé dans les archives.
Avant qu’elle ne s’installe, au début de ce siècle, dans les nouveaux quartiers urbanisés de Cureghem, l’Ecole vétérinaire jouxtait le bâtiment de la Grande Écluse. Les terrains sur lesquels elle s’installa dès la fin de 1836 avaient été achetés aux sieurs Verhulst et Lion. D’autres parcelles, acquises plus tard, permirent à l’école de s’ouvrir largement sur le boulevard d’Anderlecht.
L’emplacement de l’école était exposé aux inondations de la Senne et les cours ont été plusieurs fois suspendus pour permettre l’assainissement des locaux !
L’aménagement du lit de la Senne, à partir de 1867, remédia à cet inconvénient.
Dans une publication de l’histoire de l’Ecole vétérinaire, on peut lire qu’au numéro 77 du boulevard Poincaré se trouvait « une maison avec trois fenêtres flanquées de deux portes cochères » et qu’il s’agissait de « la maison de l’éclusier de la Senne ».
A partir du hameau d’Aa, à Anderlecht, la Senne se divisait en deux bras : le bras oriental pénétrait dans la ville par la Grande Écluse, située près de l’ancienne Ecole vétérinaire, c’est-à-dire le long de l’actuel boulevard Poincaré ; l’autre, le bras occidental se dirige vers la Petite Écluse, située près de l’ancien abattoir, c’est-à-dire à proximité de la porte de Ninove.
Ces deux bras étaient reliés entre eux par la « coupure » ou Sennette ou « Petite Senne », une espèce de canal réalisé jadis pour recevoir, lors des grandes crues, les eaux surabondantes et les conduire, au-delà de la chaussée de Flandre, par l’extérieur de Bruxelles, à environ cinq kilomètres en aval de la ville. Il s’agissait donc là d’une importante mesure de sécurité.
En outre, lors des crues, le trop-plein d’eau, non absorbé par les écluses ou par la dérivation, pouvait encore s’introduire dans les fossés de la ville et se jeter dans le canal de Willebroeck.
La principale cause des inondations du siècle dernier réside dans le fait que lors des grandes crues, l’administration de la Ville de Bruxelles fermait sans vergogne les vannes d’entrée à la Grande et à la Petite Écluse, n’admettant de la sorte en ville qu’une quantité d’eau qui ne pouvait lui être préjudiciable mais qui provoquait par la même occasion la mise sous eau des prairies en amont de Bruxelles et, ce qui est plus grave encore, des faubourgs de Cureghem et de Molenbeek-Saint-Jean.
La Petite Écluse La Grande Écluse
Vers 1850, les autorités commencèrent une lutte contre les nuisances. En 1861, une commission technique se mit en place sous les ordres du ministre Anspach et étudia plusieurs solutions. Ces concertations devaient déboucher en 1865 sur l'approbation des premiers projets d'assainissement, c'est-à-dire :
En 1871, ces projets achevés se révélèrent, par suite de l'urbanisation constante, rapidement faibles, particulièrement en dehors des anciens remparts.
Vers 1880, la Province de Brabant prit la décision de réunir une nouvelle fois une commission technique. A la suite de ces discussions, l'idée dite du « second axe hydraulique » parallèle à la Senne et pouvant résorber le surplus des eaux de celle-ci se mit en place. Le canal proche de là constituait en toute évidence une solution possible pour les eaux de crues de la Senne tandis que celle - ci serait détournée dans le centre.
On créa des déversoirs vers le canal à hauteur de Lembeek et d'Anderlecht pour écrêter les crues mais cette intervention n'apporta pas de solution aux problèmes locaux des inondations.
La création des boulevards du centre fut le point de départ des embellissements du bas de la ville. La construction de la Bourse, des Halles et de la gare du Midi s’y rattachent. Dès 1864, une commission d’ingénieurs fut nommée afin d’étudier la question du voûtement de la Senne et de l’assainissement des quartiers qui l’environnaient.
Le voûtement de la Senne est encore aujourd’hui considéré comme l’une des plus grandes opérations de chirurgie que notre ville ait eu à subir. Elle n’a eu d’équivalent que la création de la jonction ferroviaire Nord – Midi.
La Senne était déjà sortie de son lit en 1716, en 1819, en 1839 et en 1850. Les épidémies qui se déclaraient régulièrement dans les quartiers populeux environnants cette eau fétide scandalisaient même la bourgeoisie.
La rivière, devenue au fil du temps un véritable égout à ciel ouvert, charriait toutes sortes de détritus, ce qui provoqua plusieurs épidémies de choléra, notamment en 1832 et en 1849. La dernière, celle de 1866, qui se déclara dans une impasse du Vieux Marché – l’actuelle place Anneessens – fit plusieurs milliers de morts. Cette catastrophe signa l’arrêt de mort de la rivière qui allait être condamnée à disparaître sous terre.
En cinq mois la maladie fit plus de 3250 victimes, au point que les fossoyeurs ne savaient plus où donner de la pioche ! Le bourgmestre Anspach et son administration firent face de leur mieux à cette situation. Des services auxiliaires de porteurs infirmiers furent organisés et le nombre de médecins des pauvres fut doublé.
On prétend souvent que la Senne a été voûtée à cause de l’épidémie de choléra de 1866 mais il faut savoir que la décision du voûtement avait déjà été prise auparavant et cette dernière épidémie donna donc raison aux autorités. En effet, les travaux d’assainissement de la Senne furent décrétés par le Conseil communal le 28 octobre 1865. Le bourgmestre Jules Anspach, appuyé par le Roi Léopold II, confia les plans du voûtement à l’architecte Léon Suys qui avait déposé un projet finalement adopté après discussion et amendements.
Les travaux commencèrent en 1868. C’est une société anglaise, la Belgian Works Company, qui se vit confier l’ouvrage. Mais lorsque les gros travaux du voûtement de la rivière furent terminés, la société liquida brusquement ses affaires en février 1871 et la poursuite des derniers travaux fut confiée à différents entrepreneurs, sous la direction de la Ville.
Le nouveau boulevard du centre, qui recouvre en grande partie la rivière, fut inauguré le 30 novembre 1871. C’est le bourgmestre Jules Anspach qui ouvrit les vannes permettant ainsi à la rivière de déverser ses eaux dans le nouveau lit de pierre et de ciment. La Senne rejaillissait deux kilomètres plus loin, hors de la ville, dans les prairies de Laeken.
Le voûtement de la Senne, qui s’est fait sur une longueur de 2200 mètres, fut le signal d’une transformation complète de cette partie de la ville. Il est vrai que ces événements dramatiques entraînèrent une prompte résolution d’un certain nombre de problèmes moins importants, alors en souffrance.
La décision effective de l’exécution des travaux restera toujours liée à la personnalité dynamique de Jules Anspach. Figure exceptionnelle du libéralisme au 19ème siècle, Jules Anspach devint bourgmestre de Bruxelles à l’âge de 35 ans.
Le voûtement entrepris dès 1867 fut un travail gigantesque. Il faut souligner la rapidité avec laquelle cette énorme table rase fut exécutée : le voûtement de la Senne ne dura que quatre ans, de 1867 à 1871. La fin des travaux, exécutés suivant les plans de l’architecte Léon Suys, fut célébrée le 30 novembre 1871.
Cette entreprise comprenait également la rénovation des environs de la rue Grétry (prolongement de la rue elle-même jusqu’aux nouvelles Halles centrales ; prolongement de la rue de l’Évêque, de la rue du Fossé aux Loups et de la rue des Teinturiers). La rue des Fripiers fut élargie, et la rue des Foulons aménagée. Le quartier de la rue de Middeleer, aux environs de la Bourse, vit disparaître le Marché au Beurre et apparaître les rues Devaux, Orts, Dansaert, Maus et de la Bourse. Le quartier de la Vierge Noire disparut. La rue des Halles et la rue de la Vierge Noire furent aménagées. Les Halles centrales furent reliées à la place Sainte-Catherine par les rues Plateau et Melsens. La rue Van Artevelde était récente ; les rues de Laeken et des Poissonniers furent prolongées.
Travaux de voûtement de la Senne
derrière l’église des Augustins
La partie ostentatoire de la ville était, bien entendu, celle formée par les nouveaux boulevards du centre : les boulevards Emile Jacqmain et Adolphe Max, la place de Brouckère, les boulevards Jules Anspach et Maurice Lemonnier, où paradaient des édifices flambant neufs comme les Halles centrales et la Bourse, le Palais du Midi, l’hôtel Continental et l’hôtel Métropole.
Mais les travaux de détournement de la Senne s’avérèrent encore plus importants. Ce détournement fut décidé en 1930 pour deux raisons : d’une part, on s’était rendu compte que c’était une erreur d’avoir fait le voûtement à travers la ville ; d’autre part, le voûtement était insuffisant car aussi bien en aval qu’en amont, les désagréments subsistaient en période d’étiage. Ce même type d’erreur a été commis plus tard lors de la construction de la jonction ferroviaire Nord – Midi.
Travaux de voûtement de la Senne
A hauteur de la rue Middelleer
Entre la rue des Pierres et la rue Teinturiers en juin 1870
Vue du Pont-Neuf vers la rue du Cirque
Au 11ème siècle, la Vieille Ecluse, dite Spoy ou Spuy, comportait plusieurs portes et une écluse complétée par une seconde au confluant des deux bras de la Senne au 14ème siècle.
La Grande Écluse figurait déjà sur les plans initiaux de la Ville de Bruxelles au 16ème siècle.
Lorsque le 24 février 1808, l'architecte Auguste Payen fit l'acquisition de la Grande Écluse pour la somme de 3400 francs, il détruisit l'édifice à l'exception du mécanisme des vannes et de la voûte du rez-de-chaussée qui sont conservés pour la reconstruction d'un nouveau bâtiment achevé en 1840.
Malgré cette reconstruction et dans un projet d'agrandissement, on décida de redémolir l'édifice et de l'aligner au boulevard.
Au 19e siècle, le côté extérieur du futur boulevard Poincaré présentait encore un paysage rural. La Senne était bordée de champs et de grands arbres. Celle-ci entrait dans la ville. A cet endroit, la rivière pénétrait par une ancienne écluse, les habitants l'appelaient « la Grande Écluse » ou « Grote Spuy » (sise en plein boulevard du Midi actuel). Cette « Grande Écluse » donna son nom à une place, appelée de nos jours place de la Constitution. Cet endroit fut également nommé « Écluse des Blanchisseries », car les habitants y séchaient leur linge. A l'emplacement de celle-ci, il y a aujourd'hui un restaurant dénommé « La Grande Écluse ».
La « Grande Écluse » comme « La Petite Écluse » servirent de magasins à poudre. La Senne passait aussi en viaduc au-dessus d'un fossé choisi par tant de désespérés.
En 1858, un certain Jean-Baptiste, le gablier, surnommé Baptiste le gangster, le spécialiste de l'évasion, réussit à échapper aux gardiens en traversant la Senne à la nage...
Les travaux d’assainissement de la Senne débutèrent simultanément au boulevard Poincaré, devant la future Bourse et près du boulevard d’Anvers.
Travaux de voûtement de la Senne
à l’emplacement actuel de la Bourse
A cette époque, tout le côté extérieur du futur boulevard Poincaré n’était que verdure, prés et grands arbres servant de décor à la rivière entrant dans la ville en direction du boulevard Lemonnier. Cette pénétration s’opérait grâce à une écluse antique qu’on appelait la « Grande Écluse » ou « Grote Spuy » située en plein boulevard du Midi actuel, « Grande Écluse » sur la Senne, encore connue comme « Écluse des Blanchisseries ». Elle servit longtemps de magasin à poudre par-dessus ses vannes.
Travaux de voûtement de la Senne à proximité de la Grande Écluse
Ce bâtiment, situé à la tête amont de ce qui était le voûtement de la Senne, abritait les vannes qui régulaient le cours de la rivière souterraine. Appelé vulgairement « Écluse du Midi » ou « Grande Écluse », il livrait passage au cours principal de la Senne tandis qu’au boulevard de l’Abattoir se trouvait la « Petite Écluse » par où s’engouffrait un bras secondaire, alimenté par les différentes coupures.
Le bâtiment actuel de la « Grande Écluse » date de 1868, au début des travaux. Il est l’œuvre de Léon Suys et appartient au classicisme italien qui comporte des bossages et des enduits et des toitures qui se dérobent à la vue. Il fait partie du patrimoine communal. C’est la raison pour laquelle il fit l’objet d’une mesure de classement en 1984.
Deux plaques commémoratives ont été encastrées dans la façade :
La Senne a coulé pour la première fois sous ces voûtes le 30 novembre 1871. |
|
Les travaux d’assainissement ont été commencés le 17 septembre 1868. |
C’est ici l’antique point d’entrée de la Senne dans la ville de Bruxelles, le bras de Senne principale venant de Forest via le « Nieuwmolen » et la rue de France, bras canalisé sous la place Bara en ces mêmes années 1870.
Chacune des deux arches qui sont visibles en sous-sol est munie d’une grande vanne en fer de 2 m 50 de hauteur, destinée à tenir la rivière en amont à un niveau suffisamment élevé pour introduire dans les collecteurs latéraux les eaux nécessaires au levage de ceux-ci et aussi pour pouvoir diriger par les bras extérieurs vers le canal de Willebroeck, qui exige très souvent cette alimentation supplémentaire.
Le passage de l’eau retenue par les grandes vannes dans les collecteurs rive gauche et rive droite était contrôlé au moyen des petites vannes latérales dont on peut encore apercevoir aujourd’hui les crémaillères dans les coins de la pièce du rez-de-chaussée.
En ce qui concerne les grandes vannes, chacune d’elles est suspendue par une tige à un piston qui se soulève par la pression de l’eau de la distribution, pression qui peut atteindre 6,5 atmosphères en ce point. La manœuvre des vannes se faisait ainsi très aisément, en tournant un robinet. Hélas, cette partie de la machinerie a disparu, mais les traces en sont restées visibles.
Quelques mètres en amont des grandes vannes, existaient, dans l’ouverture des pertuis, des grilles qui servaient à retenir les objets flottant encombrants. Des grilles du même type existent encore aujourd’hui, à la tête amont du détournement de la Senne, derrière la rue des Vétérinaires.
La Senne a été voûtée et des égouts ont collecté les eaux usées du centre de la ville. Pour réaliser ces travaux gigantesques pour l’époque, il a fallu abattre des quartiers entiers, environ mille cent maisons, taudis, bicoques, masures branlantes et insalubres. Le pittoresque y a perdu ce que l’hygiène a gagné !
Sitôt la rivière mise sous terre, les larges boulevards du centre ont été établis sur les tunnels du voûtement.
Le boulevard Jacqmain
Le détournement de la Senne, qui vient du square de l’Aviation où il rejoint le boulevard, se dirige ensuite vers la porte d’Anderlecht. Là, le voûtement reçoit le collecteur d’Anderlecht. La chaussée dut être élargie ; c’est pourquoi les deux petits pavillons de l’octroi qui gênaient furent déplacés plutôt que démolis. Chaque pierre fut soigneusement numérotée et la reconstruction des pavillons fut une réussite. C’est dans l’un d’eux que la Ville a installé le Musée des égouts.
Lors des travaux, un souterrain qui reliait les deux petits bâtiments fut découvert. A chaque extrémité de ce souterrain fut mise au jour une magnifique arcade dont la lourde et impressionnante clef de voûte était ornée d’une tête de lion. L’une de ces deux pierres trône aujourd’hui sous le péristyle du Musée des égouts. Au même endroit, l’entrepreneur se heurta aux très solides fondations de l’ancienne porte d’Anderlecht.
Le bâtiment de l’Écluse du Midi, qui a remplacé celui qui se trouvait là auparavant, ainsi que deux morceaux de pertuis de moins de 10 mètres de long nous rappellent le voûtement de 1867.
Il reste deux tronçons de pertuis d’origine sous toute la longueur du boulevard Emile Jacqmain. Lors des travaux du métro, ils ont été fermés par un mur de masque, tant du côté de la place de Brouckère que du côté du boulevard d’Anvers. Ces vieux pertuis servent encore de bassin lors de crues exceptionnelles.
Les maçonneries du voûtement devaient être bien solides puisque, un siècle plus tard, le pré-métro a pu y passer. Les voyageurs ne se doutent pas toujours qu’ils circulent dans un ancien cloaque !
Travaux de voûtement de la Senne au niveau de la rue des Pierres
Le double pertuis près de l’actuelle place de la Bourse en 1868.
A l’arrière plan, l’église des Augustins, future place de Brouckère.
Le même endroit en 1975
éventré par les travaux de construction du pré-métro au boulevard Anspach
La société concessionnaire du voûtement de la Senne, la « Belgian Public Works Company Limited » a confié au photographe Louis Ghémar la mission de photographier, le long de la vieille Senne, les coins pittoresques condamnés à disparaître. Louis Ghémar fit à cette occasion de la photographie documentaire de façon intensive ! Ses vues de la Senne sont de véritables chefs-d’œuvre qui ont pu figurer parmi les meilleures productions des photographes belges du 19ème siècle.
La Senne vue du Pont des Vanniers en 1865 Aujourd’hui : la tour Philips et le parking 58
Une branche de la Senne formant la « Grande Ile »
Les arches soutiennent les bâtisses d’une très ancienne auberge « In de beer » (« A l’Ours »)
Le même endroit aujourd’hui :
rue Antoine Dansaert, quartier des restaurants asiatiques
Vue du pont de la rue des Pierres avant 1868
Les maisons du Borgval baignent dans la « Vuil Zinneke »
Aujourd’hui : les maisons du Borgval
rebâties entre 1870 et 1880
Dès 1434, la Senne a été canalisée pour la navigation. Mais avec la création du canal de Bruxelles au Rupel en 1561, elle a perdu cette fonction.
Sous l'impulsion de Jules Anspach, Bourgmestre de Bruxelles, les premiers travaux de « voûtement » de la Senne ont été réalisés de 1867 à 1877. La Senne a été voûtée entre « la gare du Midi et la gare du Nord ». Les maisons et ruelles insalubres ont été détruites et des grands boulevards « à la Parisienne » ont été construits sur l'ancien lit de la rivière. Ce sont les actuels boulevards du Midi, Lemonnier et Anspach, ainsi que tous les bâtiments qui les enserrent.
En dehors de cette zone, la Senne continue à couler à ciel ouvert, mais un réseau de collecteurs des eaux usées et l'élargissement de la Senne à l'aval de Bruxelles devraient être réalisés.
Entre 1931 et 1955 les travaux de détournement et le second voûtement de la Senne furent réalisés dans sa traversée de Bruxelles, lui donnant sa disposition actuelle. Elle est voûtée depuis la rue des Vétérinaires jusqu'au quai des Usines en suivant les boulevards Poincaré et de l'Abattoir, puis le canal de Charleroi à Bruxelles et l'Allée verte …
Il y a peu encore, la Senne recevait les eaux usées de Bruxelles sans aucune épuration. La situation n’est guère plus brillante dans les autres régions, moins de 30% des eaux usées rejetées dans la Senne étant épurées en Région wallonne et à peine 2% en Région flamande.
Résultat après plus d’un siècle de cette politique : une rivière de plus en plus artificielle, pratiquement transformée en égout, qui représente l’une des principales sources de pollution de l’Escaut et de la Mer du Nord.
Tant que la Senne a été une rivière claire, propre et navigable, la liaison entre Bruxelles et Anvers via Malines était commode.
La pollution et l’envasement d’une part, la baisse des eaux d’une part, ont rendu nécessaire le creusement d’un canal reliant Bruxelles au Rupel et à l’Escaut : c’est le canal de Willebroek, creusé entre 1550 et 1561. Il fallut construire des écluses pour rattraper douze mètres de dénivellation et protéger les terres basses contre les marées qui se font sentir jusque dans le Rupel. Mais cela, c’est une autre histoire !
De nos jours, la Senne coule sous le boulevard Industriel. C’est pour cela qu’il est difficile de la trouver : la rivière bruxelloise ne se dévoile pas au détour d’un chemin mais se débusque au cœur d’une zone industrielle où elle s’efforce de suivre son cours.
Dans les odeurs de gaz d’échappement, le bruit assourdissant des voitures et l’horizon entravé par la masse des complexes industriels, une petite rue débouche sur un coin de nature. Entre les berges verdoyantes, un des rares morceaux de la Senne à ciel ouvert dans la capitale s’écoule paisiblement. L’eau est teintée de gris et il faut se pencher pour entendre son bruit, vite couvert par celui du train.
La capitale est restée longtemps dépourvue de système d’épuration des eaux usées par plus d’un million de Bruxellois qui les rejettent directement dans la Senne.
Si la Senne prend sa source en Wallonie, elle est de plus en plus polluée en arrivant à Bruxelles et coule donc en Flandre dans un piteux état. Au nord de Bruxelles, la rivière est d’ailleurs biologiquement morte. Elle est le plus polluant des affluents de l’Escaut et souille par la même occasion la mer du Nord.
La Senne, méconnue des habitants de la capitale, a été occultée depuis longtemps. Son cours ne retrouvera sans doute pas une grande visibilité dans Bruxelles, mais elle demeure plus que jamais un axe de vie. L’amélioration de la qualité de ses eaux serait un immense bénéfice pour les trois régions qu’elle traverse, c’est-à-dire pour toute la Belgique.
Heureusement, depuis 2005 - 2006, la qualité des eaux a pu un peu s’améliorer. La première station d’épuration des eaux en Région de Bruxelles-Capitale, la station de Bruxelles-sud, est entrée en fonction à l’automne 2000. Elle traite un tiers des eaux usées de la capitale.
D’autres stations d’épuration devraient voir le jour dans les prochaines années dans les trois régions. Redonneront-elles à la rivière ces eaux claires d’antan?
Il ne faut pas oublier qu’une rivière est un milieu naturel. Il faudra donc aussi redonner un peu de place à la nature et, pourquoi pas, remettre la rivière à ciel ouvert. Peut-être pourrons-nous alors à nouveau profiter des plaisirs simples de la pêche ou des promenades le long de notre rivière?
En attendant, quelques petits coins de Senne ont conservé leur charme d’antan ou permettent de découvrir l’histoire.
De la zone industrielle du quai d’Aa, depuis le boulevard International, au fond du zoning, en allant vers le pont de la voie ferrée, à un pont qui enjambe la Senne, la rivière a gardé ici un certain cachet avec ses méandres, ses berges « naturelles » envahies par la végétation. Mais l’eau de la Senne est déjà bien troublée par les rejets d’eaux usées de Flandre et de Wallonie.
En passant le pont de la voie ferrée, à un embranchement se trouve le déversoir d’orage d’Anderlecht. Cette partie du trajet est malheureusement aujourd’hui inaccessible ; le déversoir est seulement visible depuis l’écluse d’Anderlecht. Ces déversoirs permettent par temps de pluie de dévier les eaux de la Senne vers le canal, évitant ainsi que Bruxelles ne soit inondée ! En remontant un peu ce déversoir, on peut constater que les berges sont bien entretenues… En effet, il n’est pas rare d'y voir des moutons qui paissent paisiblement, l’une des dernières bergeries de Bruxelles y ayant élu domicile.
De l’autre coté du boulevard International, à côté du bâtiment de la société « Viangros » se trouve le rejet de la station d’épuration de Bruxelles-Sud. La station elle-même est située boulevard Industriel, à cheval sur Anderlecht et Forest.
Cette première station – qui est entrée en fonction à l’automne 2000 – traite les eaux usées de St-Gilles, de Forest, d’Uccle et d’Anderlecht. Mais cela ne suffit pas à redonner à la rivière des eaux claires et poissonneuses…
A partir des moulins Cérès (ancienne Meunerie bruxelloise), entre le canal de Bruxelles à l’Escaut et l’avenue de Vilvoorde, la Senne s’écoule à ciel ouvert entre les installations industrielles. On peut notamment la découvrir depuis le pont de Buda ou la chaussée de Buda. A ce niveau, la Senne – qui a déjà reçu de nombreux rejets d’eaux usées de l’agglomération bruxelloise – est complètement bétonnée et biologiquement « morte »…
Entre la Senne et le canal, juste au nord du Pont de Buda, doit s’élever d’ici 2006 la future station d’épuration de Bruxelles Nord, prévue pour traiter les deux tiers restant des eaux usées de la capitale.
La Coordination Senne réunit toutes les personnes et associations qui souhaitent l’amélioration de la Senne : assainissement des eaux, loisirs, tourisme, paysages et nature dans la vallée de la Senne.
A. B.
DES MAREZ G.
GUIDE ILLUSTRE DE BRUXELLES
Monuments civils et religieux
Remis à jour et complété par A. ROUSSEAU
Touring Club Royal de Belgique, Bruxelles, 1979
QUIEVREUX Louis
GUIDE DE BRUXELLES
Editions A. De Boeck, Bruxelles
JACOBS Roel
BRUXELLES
L’histoire dans la ville
Editions Marc Van de Wiele, Bruges, 1994
Abeels G.
La Senne
1983