Bruxelles au 11ème siècle
Plan de Bruxelles à la fin du 10ème siècle
La route marchande à travers Bruxelles
D’autres voies dans la ville
Les habitations
A quoi ressemblait notre cité au cours du 11ème siècle ?
Jusqu’au 11ème siècle, il ne peut être question de « ville » quand il s’agit de Bruxelles. Le castrum situé sur l’ile Saint-Géry n’est qu’un simple point d’appui militaire et les habitants qui peuplent la vallée se livrent, pour la plupart, aux travaux de l’agriculture.
A proximité du marché domanial et du port, proches du castrum, se sont très probablement établis quelques marchands et quelques artisans spécialisés. Ce sont des tisserands, des forgerons, des tanneurs et des cordonniers. Mais Bruocsella n’a encore aucune fonction économique : il n’y a, à vrai dire, ni commerce ni industrie. L’économie est toujours locale et agricole.
A la fin du 11ème siècle cependant, des changements profonds vont se manifester. Le commerce renaît en Europe occidentale après la disparition de l’empire carolingien et cette renaissance du commerce est le facteur déterminant du développement de Bruxelles, tout comme il l’a été pour d’autres localités telles que Gand, Bruges, Louvain, Dinant et Liège notamment.
A cette époque des échanges nombreux se pratiquent entre le port de Bruges et la grande cité rhénane de Cologne. Des négociants parcourent la route marchande unissant Bruges à Cologne, grande route commerciale existant depuis l’époque romaine et passant au nord de Bruocsella.
Les pillards étant si nombreux à cette époque le long de cet axe commercial, il ne faut guère s’étonner que les marchands se soient écartés de leur chemin et détournés par Bruocsella pour cette raison de sécurité en priorité. Le castrum de l’île Saint-Géry leur offrait en effet pleine garantie et ils avaient la certitude de pouvoir y passer la nuit en toute tranquillité.
En ce lieu, les marchands avaient aussi l’occasion d’exercer leur négoce : le duc, les membres de sa famille et ceux de sa suite constituaient une clientèle non négligeable. Enfin, ils avaient la possibilité de vendre et d’acheter aux artisans et aux autres négociants qui y séjournaient temporairement ou qui y étaient fixés à demeure.
Pour ces diverses raisons, Bruocsella, pourvu d’un port situé précisément là où la navigation sur la Senne cesse d’être facile en amont, devint une étape sur la route Bruges-Cologne et même un véritable centre économique. Sans cette impulsion, notre ville ne serait probablement restée qu’une modeste bourgade parmi tant d’autres. Ainsi se forma, en dehors du castrum, une nouvelle agglomération, marchande cette fois.
Dès lors, à cette époque, Bruocsella comptait trois noyaux :
1. Le "Castrum" : premier château probablement établi sur l’Île Saint-Géry
2. Eglise Saint-Géry 3. Siège du Tribunal public
9. Hôpital Saint-Nicolas 14. Chapelle Saint-Michel
Quelques « steenen » :
5. Steen probablement établi à l’emplacement de la rue des Pierres actuelle
6. Steen probablement établi au coin de la rue de la Colline actuelle
4. Plattesteen 7. Steen de Koekelberg 8. Steen dit Payhuys
12. Meynaertsteen 13. Serhuyghskintsteen
15. Steen dit Valkenborch 16. Maximiliaansteen
17. Cantersteen
18. Hôpital Sainte-Gertrude
19. Pont du Miroir donnant accès à l’Île Saint-Géry
20. Pont des Juifs
Comment se présentait cette route marchande qui traversait Bruxelles ?
Les marchands qui empruntaient la route commerciale Bruxelles-Cologne, venant d’Evere par l’antique chemin romain, pénétraient dans la ville par la vieille rue de Schaerbeek, arrivaient au Mont Saint-Michel, suivaient les rues de la Montagne, du Marché-aux-Herbes et du Marché-aux-Poulets, la rue Sainte-Catherine, la rue de Flandre et empruntaient enfin la route allant vers Gand. Ce chemin reçut le nom de « Steenweg » après avoir été pavé.
Le long de cette route naquit tout naturellement un marché, rendez-vous des commerçants, des artisans et des acheteurs. Il se situait à l’emplacement de notre Grand-Place actuelle (à un peu plus d’un mètre sous le niveau actuel). Cet endroit, appelé à devenir le centre économique de notre cité, était appelé « Nedermerct ». C’est dans ses abords immédiats que furent édifiées plus tard les halles et que d’autres marchés spécialisés (aux Poulets, aux Herbes, aux Fromages…) se sont créés.
Selon Guillaume Des Marez, Bruxelles doit ses origines à quatre voies principales. Outre la voie marchande qui vient d’être évoquée, cet historien mentionne également :
Le noyau urbain qui s’était constitué n’avait toutefois pas encore fait disparaître tout caractère rural : des champs, des prairies subsistaient au sein des quartiers habités. On ne conserve aucun souvenir du genre d’habitations qui s’élevaient le long des rues de la ville. Leur disparition totale pourrait s’expliquer par la nature des matériaux périssables dont elles étaient composées. Les habitations qui se multipliaient étaient de modestes demeures occupées par des artisans, maisonnettes en bois et torchis, au toit couvert de chaume, et qui étaient une proie très facile pour les flammes !
Parmi ces habitations se dressaient, çà et là, des bâtisses massives en pierre. Il s’agissait des « steenen », occupées par les grandes familles patriciennes. On n’est guère mieux renseigné au sujet de ces « steenen » ou «maisons de pierre» édifiées par les bourgeois désireux de protéger leurs biens.
Il faut se représenter un « steen » sous l’aspect d’une solide demeure en pierres sommairement taillées ou en moellons, comprenant un rez-de-chaussée et un ou deux étages. Une porte unique donnait accès à l’intérieur ; des fenêtres étroites défendues par des barreaux de fer laissaient pénétrer l’air et un peu de lumière. La partie supérieure était garnie de créneaux ; un donjon renforçait la défense de cet immeuble qui pouvait soutenir un siège. La plupart des « steenen » étaient entourés d’un fossé rempli d’eau.
Les « steenen », au nombre de sept très probablement, constituaient des éléments extrêmement importants de la défense du castrum de l’île Saint-Géry. Ils défendaient les approches du castrum du côté de l’est. Parmi les « steenen », le plus important fut celui de la puissante famille des Clutinc, situé à proximité du Blindenberg (Mont des Aveugles), et dont on a dégagé puis détruit des vestiges importants lors des travaux de démolitions effectués dans ce quartier vers 1910 pour la réalisation de la jonction ferroviaire Nord-Midi.
La ville naissante commença à se développer, s’étendant vers la hauteur, sur la rive orientale de la Senne, pour échapper aux inondations périodiques de la rivière mais aussi en raison de l’attraction qu’exerçait l’église Sainte-Gudule nouvellement construite et où venaient d’être déposées depuis peu les reliques de sainte Gudule.
La cité marchande, installée sur les bords de la Senne, est à cette époque une véritable agglomération urbaine qui concentre le pouvoir politique et économique. Les bourgeois disposent de privilèges particuliers, marchands et artisans peuplent la ville alors que la production et le commerce de la draperie fleurissent. Le jour où la ville de Bruxelles atteignit un certain degré d’expansion économique, elle obtint le droit d’avoir ses propres remparts.
D’après René Dons, au 11ème siècle, le castrum et le bourg primitif furent complètement désaffectés et un nouveau château fut construit simultanément sur le Coudenberg (place Royale) pour les comtes de Louvain qui, à cette époque, avaient aussi pris le titre de ducs de Brabant.
Le duc Henri quitta donc définitivement le castrum héréditaire des ducs de Lotharingie pour aller se fixer au Coudenberg.
La construction d’une enceinte devenait indispensable vu le développement de la ville, le castrum de l’Ile Saint-Géry et celui du Coudenberg ne suffisant plus à assurer la protection de l’agglomération en voie de croissance.
Selon Henne et Wauters, ce fut probablement le comte de Louvain Lambert II, dit Baldéric, qui entreprit d’entourer Bruxelles d’une ceinture de murailles à partir de 1040. Ce travail dura, selon toutes probabilités assez longtemps, peut-être même un siècle !
A. B .
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