Empruntons les petites ruelles étroites dont la rue aux Herbes pour déboucher au pied de la cathédrale devant le portail sud.
La première approche de la cathédrale est d'abord l'occasion d'un contact visuel qui met sous nos yeux l'édifice dans son aspect général.
1. Le monument, dans son ensemble, date du 13ème siècle.
2. Les façades
Pour mieux édifier les fidèles, leur enseigner le salut, l'Eglise a eu recours à l'image. Celle-ci se veut pédagogique et se déploie sur les portails. Des penseurs ont étudié les thèmes à représenter et ont été brillamment secondés par des sculpteurs de grand talent.
3. La façade principale
La façade principale, à l’ouest, comporte d’admirables parties du 12ème siècle :
4. Les flèches
5. Le gâble, la galerie des Rois (rois de Juda, aïeux de la Vierge) et la rose sont du 13ème siècle et gothiques, tandis que les trois fenêtres et le portail datent du 12ème siècle et sont de style roman.
6. Le Portail royal
Construit et sculpté entre 1145 et 1355, c’est l’une des merveilles de l’art roman mais il présente déjà une transition entre le style roman et le style gothique.
Il présente la vie et le triomphe du Sauveur.
Il est composé de trois porches qui illustrent :
Le Christ du tympan central et les statues - colonnes sont célèbres.
Ces trois baies reposent sur des chapiteaux qui constituent une suite de deux cents statuettes représentant la vie de Jésus et celle de ses parents. Rois et reines de la Bible, ancêtres du Christ, leurs longues et minces figures s’alignent dans l’embrasure des portes. Cet ensemble domine une série de statues verticales appelées statues – colonnes, des statues qui sont des colonnes avant d’être des personnages.
7. Le Portail nord
Ils semblent plus vivants et montrent un réel progrès du réalisme et d’élégance.
La statue de sainte Modeste, martyre chartraine, regarde vers le Clocher Neuf. C’est un chef-d’œuvre de grâce.
8. Le chevet
C’est la partie de l’église tournée vers l’est.
De la terrasse du jardin, la vue du chevet est impressionnante. La hardiesse des arcs-boutants à double volée, l’étagement des absidioles, du déambulatoire et du chœur sont d’un superbe effet.
La chapelle Saint-Piat, du 14ème siècle, d’abord séparée de la cathédrale, lui a été reliée par un élégant escalier.
Sur le flanc Nord de l’édifice, l’étagement des contreforts et des arcs-boutants est très curieux
9. Le Portail sud
Il traite, autour du Christ enseignant, des Martyrs, Apôtres et Confesseurs en grandes statues d’un art évolué, tandis que les piliers s’ornent d’images suggestives représentant les vertus et les vices.
Au cœur de la plaine beauceronne, où ondulent les champs de blé fleuris de coquelicots, plusieurs sanctuaires se sont succédé à Chartres. Conçue pour accueillir les foules, la cathédrale Notre-Dame, édifice gothique du 13ème siècle, fut construite immédiatement après l'incendie qui ravagea la cathédrale romane du 11ème siècle.
Il a seulement fallu une vingtaine d'années pour construire le gros œuvre d'un édifice qui s'impose par son étonnante unité et son incontestable harmonie. Cette cathédrale a pris racine et s'est élevée sur la crypte carolingienne et l'église basse, appelée « crypte », de la cathédrale de Fulbert. Celle-ci, après avoir supporté les énormes charges de l'église romane, devint la matrice de la nouvelle. Se déployant sur 220 mètres de longueur, elle en commande et ordonne le plan.
C’est à Chartres que les éléments de l’architecture gothique, dite classique, se sont mis en place de façon logique et raisonnée. Nous ignorons le nom de l’architecte de génie qui a exercé ici son talent. S’il a su faire preuve d’audace à Chartres, on peut imaginer qu’il avait déjà travaillé sur d’autres chantiers de cathédrales.
Nous ne connaissons pas non plus le nom des maîtres d'œuvre qui, dès les premières années du 13ème siècle, osèrent jeter pour la première fois à une telle hauteur des voûtes sur croisées d'ogives, cela malgré l'existence de la crypte qui, en imposant les points d'appuis, donnait à la nef une largeur exceptionnelle de 16 mètres 40.
Telle une encyclopédie de la sculpture, presque tous les siècles, depuis le 12ème, sont représentés à la cathédrale de Chartres.
Unique en France avec ses neuf porches sculptés répartis en trois portails sur chacune de ses façades, la cathédrale y rassemble les thèmes majeurs de l'histoire et de la foi chrétiennes. C’est, par ailleurs, la seule en Europe dont les portails des transepts soient subdivisés en porches également ornés de sculptures. On peut estimer que 10 000 personnages y sont sculptés, autrefois polychromes.
Le Portail royal est un remarquable exemple de la sculpture romane avec quelques frémissements du gothique. Le premier quart du 13ème siècle est présent aux portails nord et sud. Là les personnages commencent à s’animer d’une vie personnelle. Costumes, chevelures et attributs se diversifient. La grandeur hiératique des statues – colonnes du 12ème siècle laisse place à la grâce de sainte Modeste au portail nord ou à la majesté du Christ au portail sud.
Si les cathédrales sont connues comme des « livres de pierre », allusion aux milliers de détails sculptés qui « racontent » la Bible, ici les portails sont exceptionnellement détaillés en récits bibliques de toutes sortes, conçus avant tout pour l'enseignement des fidèles. Les images permettaient au peuple d'accéder par le visible à l'invisible.
L’homme du Moyen Age y puisait sa connaissance des Saintes Écritures en essayant de comprendre, d’appréhender les messages offerts à ses yeux, et ainsi de parvenir à l’invisible par le visible. Dit analphabète, il ne savait peut-être pas lire des livres, mais il savait lire ce qui lui était montré au travers d’un symbolisme universel.
A Chartres on trouve, non seulement les arts libéraux, comme à Notre-Dame de Paris, mais aussi les sciences occultes que figure un personnage nommé Magus. Il tient en main une banderole, à ses pieds rampe le dragon ailé, dont le nom est familier aux alchimistes.
Les arts, eux aussi, ont leur place à Chartres : il convenait que fussent représentés les bons maîtres d’œuvre qui avaient bâti la cathédrale ! L’architecte porte la règle et le compas ; un peintre est debout à ses côtés, reconnaissable à sa palette.
Les métiers aussi sont sculptés. Tubalcaïn frappe sur son enclume, symbole de la métallurgie. Adam, le paysan, bêche la terre, et Caïn est à la charrue. Abel, le berger, garde les troupeaux.
On retrouve aussi la lutte des vertus et des vices de Notre-Dame de Paris, mais, plutôt qu’un combat, c’est une victoire. Les vertus, les vices à leurs pieds, ne daignent plus même les regarder.
Commençons par faire le tour du bâtiment afin d'identifier un certain nombre d'éléments extérieurs et de préciser l'orientation de l'édifice.
La cathédrale de Chartres est orientée comme la plupart des églises dans lesquelles on trouve des Vierges Noires. La nef étant tracée selon un axe est – ouest, avec une inclinaison nord-est de quelques degrés, le chevet de la cathédrale est donc situé à l’est. La cathédrale est donc orientée dans la direction de la levée du soleil à l’apogée d’un cycle annuel. A partir de cette date, le 21 juin (solstice d’été), les jours raccourcissent. C’est là que la lumière annonce un nouveau cycle, le renouveau de la vie.
Il est intéressant de remarquer que le nord de la France présente un ensemble de cathédrales des 12ème et 13ème siècles, toutes dédiées à Notre-Dame, dont la disposition rappelle celle des étoiles de la Constellation de la Vierge, telle qu’elle devait être au moment de la naissance de Jésus.
Admirons l'alliance formidable de la puissance et de la légèreté dans la double volée d'arcs-boutants du chevet.
Deux remarques architecturales s'imposent :
Pourquoi une cathédrale aussi grande ?
L'aspect grandiose de l'édifice témoigne à la fois du besoin d'accueillir des fidèles et des pèlerins de plus en plus nombreux, de la prospérité de la ville, de l'audace technique des artisans, de l'orgueil et du pouvoir de l'Eglise séculière qui affirme ainsi la puissance de Dieu (Jérusalem céleste).
En pierres de Chantilly et de Paris, pour le devant, et en pierres de Vernon-sur-Eure au nord et au sud presque tout l’ensemble est d’origine à l’exception de cinq statues du Portail royal qui ont été remplacées par des copies en 1967. A l’époque les pierres étaient acheminées par bateaux depuis la Seine en remontant l’Eure, ou par chariots.
Plaçons-nous tout d’abord face au Portail royal. La cathédrale, telle qu'elle apparaît aujourd'hui sous nos yeux, date pour l'essentiel du 12ème siècle (façade ouest) et du 13ème siècle (nef, transept, chœur).
Préciser le début de la construction avec exactitude s'avère impossible. De plus, nous pouvons considérer qu'elle n'a jamais été terminée puisqu'il était prévu sept tours en plus des deux existantes. Par ailleurs, les historiens ne sont pas toujours d'accord sur la datation de certaines parties de l'édifice.
Nous pouvons cependant rappeler ici les quelques repères chronologiques que nous avons évoqués en première partie, dans l’important chapitre consacré à l’histoire de la cathédrale :
Au Moyen Age, la foi était quasi générale, la culture était l’apanage des abbayes, et bien des puissants personnages du temps ne savaient pas lire.
Il semble que les Bénédictins de Chartres aient voulu ouvrir devant les Chrétiens du 13ème siècle un vaste album d’images de pierre, raconter comme dans un film l’histoire de la Vierge, celle du Christ, interpréter l’Ancien et le Nouveau Testament. Plus de deux mille statues sont là, vivantes, humaines, souriantes ou tourmentées, qui participent à l’histoire du monde telle que la rapporte les Saintes Écritures.
C’est à Chartres qu’est née la sculpture gothique, au Portail royal, dérivé des portails méridionaux de Beaulieu et de Moissac. De 1145 à 1150 environ, plusieurs ateliers ont travaillé à décorer les trois porches formant le portail de la façade de la cathédrale. Ils ont heureusement pu échapper à l’incendie de 1194.
Après avoir parcouru la grande esplanade face à la cathédrale, nous ne pouvons rester indifférents au caractère hiératique et à la magnifique harmonie du Portail royal.
Dans son ensemble, le portail occidental est consacré à Dieu trinitaire. Il nous montre les aïeux de la Vierge, l’histoire de sa naissance et de son union avec Joseph, l’Annonciation et la naissance du Christ, le triomphe de Marie, l’Ascension de Jésus et sa glorification, tels que les décrit l’Évangile de l’apôtre Jean.
Nous analyserons successivement le porche de droite, le porche central puis celui de gauche. Nous évoquerons ensuite les statues – colonnes et les chapiteaux. Dans les trois porches se révèlent d’emblée le mystère trinitaire et le rôle de chacune des trois Personnes divines.
Le porche de droite, c’est la Porte de la Vierge et de l’enfance du Christ ou encore la Porte de l’Incarnation. Au sommet du tympan, la main du Père, en partie mutilée, engendre la maternité de Marie. Le porche de droite est consacré à la Vierge en Majesté, reine couronnée, assise sur son trône et entourée par deux anges qui l’encensent, qui tient l’Enfant Jésus, son Fils, entre ses genoux, tout en le retenant de sa main droite.
Entre les linteaux, les tympans et les cordons de voussures qui les entourent, une corrélation existe presque toujours. Diverses scènes de la vie de la Vierge y sont représentées.
Au linteau inférieur, à gauche, l’ange de l’Annonciation surprend Marie au point que son livre lui a échappé des mains. C’est ensuite la Visitation suivie de la Nativité : Jésus se trouve dans un berceau, posé sur le baldaquin du lit tandis que Marie est couchée et Joseph est à la tête du lit. L’âne et le bœuf n’existent plus mais il reste les deux attaches de pierre qui tenaient leur tête au-dessus du berceau.
En dessous, l’autre bandeau abrite l’adoration des bergers. Conduits par un ange, ils sont réunis autour d’un lit sur lequel repose Marie qui regarde un berceau placé au-dessus d’elle.
Le registre supérieur du linteau est consacré tout entier à la Présentation de Jésus au Temple. Dans le bandeau qui se trouve à ses pieds, Jésus est placé sur un socle au milieu d’un groupe de douze personnages dont Marie et Joseph. A droite de Marie, le vieillard Siméon tend déjà les bras pour recevoir l’enfant, mais hélas ils ont été coupés ! D’autres personnages apportent les offrandes prévues par le rite juif en cette occasion.
Au tympan, la Vierge Marie, siège de la sagesse, présente sur ses genoux l’Enfant-Dieu. Deux anges thuriféraires rappellent la divinité du Christ. Ce tympan est le premier entièrement consacré à la Vierge. Il sera imité un peu plus tard à Notre-Dame de Paris.
Le premier cordon de voussure retient deux signes du zodiaque, en bas à gauche, tandis que trois anges, de chaque côté du tympan, rappellent, là encore, la présence divine. Dans les autres cordons de voussures sept femmes symbolisent les Arts libéraux (la grammaire, la rhétorique, la dialectique, l’arithmétique, la géométrie, l’astronomie et la musique). Placées sous les arts dans lesquels ils s’illustrèrent, sept grandes figures de l’Antiquité : Donat ou Priscien, Pythagore, Ptolémée, Boëce, Euclide, Cicéron et Aristote sont le symbole de la continuité du savoir de l’homme créé par Dieu. Dans son incarnation, le Christ va couronner la noblesse de l’homme et de ses connaissances. Puisqu’Il est, selon l’Ecriture, la Sagesse qui précède le temps, Il est, par son humanité, Celui qui incarne la Sagesse dans le temps des hommes. Leur savoir était une attente, la venue du Christ est son accomplissement.
Au centre, c’est la Porte royale. Elle présente une théophanie, manifestation visible de Dieu. Le thème essentiel du porche central est celui du Christ en Majesté. Le Christ dans sa gloire siège au tympan dans une mandorle. Assis sur son trône, le Christ tient dans sa main gauche le Livre sacré. Il lève sa main droite pour enseigner.
Il est entouré des quatre Vivants, appelés encore les quatre animaux de l’Apocalypse. Les quatre Vivants étaient décrits dans le livre d’Ézéchiel. Autour du Christ figurent en effet trois animaux et un ange qui symbolisent les quatre évangélistes : le lion ailé, c’est saint Marc car celui-ci situe le début de son évangile dans le désert, lieu des animaux féroces ; le taureau ou bœuf ailé, c’est saint Luc puisqu’il fait commencer son évangile au Temple avec la vision de Zacharie et le termine également au Temple. Or, en ce lieu, le bœuf était l’animal du sacrifice offert à Dieu. Enfin, l’aigle symbolise saint Jean. En effet, cet évangéliste, dans son prologue, rappelle que le Verbe éternel de Dieu quitte la sphère céleste pour descendre sur la terre, comme l’aigle fond sur sa proie puis remonte majestueusement vers les cieux, emportant avec lui l’humanité sauvée. L’homme ailé, c’est-à-dire un ange représente saint Matthieu parce qu’il commence son évangile par la généalogie humaine du Christ.
La symbolique permet encore d’autres pistes. Les quatre figures ouvrent l’intelligence de l’homme aux quatre grands mystères de la foi : l’homme ailé, l’Incarnation ; le bœuf, la Passion ; le lion, la Résurrection ; l’aigle, l’Ascension.
Le linteau qui soutient ce tympan comporte une fois encore les apôtres, toujours reconnaissables à leurs pieds nus. Au pied du Christ, les douze apôtres se présentent en quatre groupes de trois. Or nous pouvons dénombrer quatorze statues, tout simplement parce que le premier et le dernier de cette frise seraient Enoch et Elie, grands personnages de l’Ancien Testament. Pourtant, une autre interprétation est possible : le porche central est entièrement inspiré par le livre de l’Apocalypse. Or celui-ci retient certes les douze apôtres pour siéger sur douze trônes, mais il parle aussi de deux témoins envoyés pendant 1 260 jours pour convertir l’humanité avant la fin des temps et le grand Jugement.
Dans les voussures apparaît le thème roman de l'Apocalypse. L'ensemble est plus harmonieux, la composition plus ordonnée que dans un portail roman. Dans la première voussure, une douzaine d’anges entourent Jésus. Dans les deux autres voussures, vingt-quatre vieillards de l’Apocalypse célèbrent le fils de Dieu en s’aidant d’instruments de musique de l’époque médiévale.
Le tympan du porche de gauche représente l’Ascension du Christ. C’est la Porte de la Manifestation de Dieu aux Hommes. Dans la partie haute de la baie, Jésus, debout sur une traînée de nuages, est tiré par deux anges. Il quitte la terre après sa mort. A ses pieds, quatre anges rassurent les dix apôtres fidèles. Cette scène est inspirée de celle de Cahors.
Nous percevons ici l’équilibre recherché entre la venue du Christ en ce monde par l’Incarnation (au porche de droite) et son retour vers le Père, dernier acte de la présence du ressuscité auprès de ses apôtres.
Le linteau inférieur laisse place à dix apôtres. Au-dessus d’eux, quatre anges viennent du ciel et s’adressent à la terre. Le tympan, construit symétriquement à celui de l’Incarnation, comporte comme lui deux anges et un personnage central, mais ici les anges emportent le Christ, dans un nuage, vers les cieux.
Dans les cordons de voussures, les sculpteurs ont figuré, en les alternant, les signes du Zodiaque, les hommes et les travaux qu’ils pratiquent tout au long de l’année :
Une corrélation existe entre voussures, linteaux et tympan. Dans les voussures, les sculpteurs ont placé le calendrier, signe du temps qui court et les travaux, signe des activités manuelles des hommes. Les travaux manuels sont ainsi situés au même niveau et au même emplacement que les travaux de l’esprit au portail de l’Incarnation. On peut voir en cela l’égale dignité de tout homme, quelle que soit son activité : modeste ou savante.
Au sommet du tympan, la colombe de l’Esprit Saint dont les ailes ont été brisées préside au temps de l’Eglise.
Les colonnes des trois portes sont constituées par des pierres d’un seul bloc dans lesquelles le statuaire a sculpté des rois, des prophètes, des reines de l’Ancien Testament. Plus grands que nature, étirés en hauteur par les nécessités de la technique architecturale, ces personnages ont une naïve beauté et une allure incomparable.
Ces grandes et longues statues, appelées « statues – colonnes » attirent le premier regard. A l’origine, elles étaient au nombre de vingt-quatre mais aujourd’hui il n’en reste que dix-neuf dont quelques-unes sont des copies récentes. De nombreuses recherches ont été faites afin de leur attribuer un nom par rapport aux textes bibliques, mais sans résultat ! Toutefois, il semble qu’un certain ordre chronologique préside à leur emplacement.
On pense voir, à l’ébrasement gauche de la porte gauche, Abraham entre Sarah et Agar tandis qu’à l’ébrasement droit, Moïse, reconnaissable aux Tables de la Loi, ouvre une succession de rois et reines de l’Ancien Testament, en deux groupes de sept.
Aux ébrasures du portail, des statues longues et hiératiques s’élèvent contre des colonnes très minces. Ce sont encore des personnages de l’Ancien Testament, annonciateurs du Christ comme Salomon, David et la Reine de Saba ; les précurseurs du Christ : soit ses ancêtres royaux, soit des patriarches et des prophètes issus de l’Ancien Testament, avec une frise de chapiteaux au-dessus d’elles.
La présence de ces grandes statues – colonnes est un des éléments les plus remarquables de l’ensemble de la façade occidentale de la cathédrale. On assiste ici aux premiers essais de l’art gothique qui secoue la gangue romane pour faire jaillir la vie de la pierre. Elles sont surtout un acte d’amour que les sculpteurs du Moyen Age nous ont transmis à travers la pierre. Ces hauts personnages, symboles de l’autorité humaine, drapés dans la raideur des plis de leurs vêtements, sont tous regroupés au pied des scènes divines. C’est le message d’humilité qu’ils veulent nous communiquer.
La lecture de la frise de chapiteaux se fait de gauche à droite.
Nous découvrons la vie de la Vierge selon les Évangiles Apocryphes. Peu importe le bien fondé officiel de ces derniers : ils représentent le point de vue d’observateurs de l’époque. Ce qui compte, c’est de réfléchir sur les messages délivrés.
L’histoire commence de l’ébrasement gauche jusqu’au Clocher Nord.
La vie du Christ selon les Évangiles canoniques commence de l’ébrasement droit du portail central jusqu’au Clocher sud.
A droite, la Cène, le baiser de Juda, la Mise au Tombeau et les Pèlerins d’Emmaüs.
Situés au-dessus des statues – colonnes sur toute la largeur du Portail royal, les chapiteaux sont constitués d’une suite de deux cents statuettes qui, au Moyen Age, étaient polychromes. Cet ensemble raconte l’histoire de Jésus et de sa famille. Pour en suivre le déroulement, il convient de commencer par le porche central.
A sa gauche, les scènes retracent l’angoisse des parents de Marie, Joachim et Anna. Stériles, ils se retrouvent après une longue séparation à l’entrée de Jérusalem et donnent ensuite naissance à une fille qui est représentée jusqu’à son mariage avec Joseph.
Sur le porche de gauche et toujours de droite à gauche, on aperçoit l’Annonciation et le Massacre des Innocents. Il faut retourner ensuite au porche central pour voir, à droite le Baptême et les Tentations au désert. Enfin, la Passion et la Résurrection occupent le porche de droite.
Les trois porches du Portail royal sont dominés par trois fenêtres ogivales puis par la grande rosace. Tout en haut, sous la Vierge au Pignon entourée de deux anges, et au-dessus de la rosace, la « galerie royale », composée de quinze statues de rois qui, selon la légende locale, représenteraient la lignée des Rois de Juda avec David reconnaissable au lion couché sous ses pieds. Mais selon une autre hypothèse, il s’agirait des Rois de France entourant Pépin le Bref, aïeul de Charlemagne, dont on dit qu’il avait vaincu un lion fougueux.
En dessous de la rosace, véritable dentelle de pierre, les verrières que nous décrirons dans le chapitre consacré à la visite intérieure de la cathédrale.
Le Portail royal ayant été conservé lors de la reconstruction de 1194, les maîtres d’œuvre de la nouvelle cathédrale furent obligés de reporter aux portails nord et sud du transept les grandes scènes qu’on était habitué dès lors à voir figurer aux façades des cathédrales : Couronnement de la Vierge et Jugement dernier.
On y voit, peu à peu, la sculpture évoluer : des Prophètes, proches encore des statues – colonnes du Portail royal au saint Théodore du portail des Martyrs, en cotte de mailles de chevaliers du 13ème siècle. De la rigidité romane on s’oriente vers plus de liberté, plus de vie.
C'est dans les voussures que l'on voit apparaître la présence d'une pensée plus sophistiquée, inspirée par les maîtres de l'Ecole de Chartres, qui fut au 11ème et surtout 12ème siècle (Fulbert, 1006-1028 ; Yves de Chartres, 1090-1115) un des centres les plus actifs de la spéculation intellectuelle. On y enseigne les «arts libéraux» représentés aux voussures de la porte droite.
Les penseurs de l'époque tentent de concilier la philosophie des auteurs païens tels Aristote et Euclide avec celle des théologiens chrétiens et proposent une approche plus scientifique de l'univers. Chaque personnage historique qui s'est illustré dans une science ou dans un art est accompagné d'une allégorie (une femme) placée au-dessus de lui (ex. : Aristote et la Dialectique, Pythagore et la Musique ...).
Depuis le 12ème siècle, dans un angle du Portail royal, se cache un diable. Nulle monographie ne le signale : il a échappé même à la sagacité de l’abbé Bulteau. Un seul livre en a révélé l’existence, c’est un de ceux écrits par l’abbé Guy Villette.
C’est que, pour le voir, il faut bien le chercher. Il se trouve dans la baie droite, à l’extrémité droite de la voussure externe (végétaux et têtes). Il convient de choisir un temps où les reliefs s’accusent, de lever la tête à la verticale et de plonger le regard dans ce tunnel d’ombre. Sur fond de ténèbres, il est alors possible de voir apparaître le plus grimaçant des démons de l’art roman, cornu, le nez en croupion de poulet, la denture en dents de scie, les pattes disposées ) la façon d’un loup prêt à bondir !
Autres détails visibles au-dessus du Portail royal, ce sont deux sujets symétriques encastrés après coup au sommet de la partie romane de la façade, à une hauteur de 23 mètres 15, au-dessous de la rose occidentale. Au sommet des deux pilastres qui séparent la porte centrale des portes latérales, couronnant chacun un chapiteau, nous découvrons à gauche un poitrail de bœuf et à droite l’avant-corps d’un lion qui semble tenir entre ses pattes la tête d’un homme mort. Le bœuf, symbole de stabilité, et le Lion, symbole de force, rappellent Yakin et Boaz, à l’entrée du temple de Salomon.
On est donc ici en présence du portail le plus ancien qui se situe à une période de transition entre le roman et le gothique : roman par la stylisation des vêtements et de leurs plis, la convention des attitudes, l'impassibilité des visages ; gothique par l'adaptation rigoureuse de la statuaire à la structure des portes, par l'ampleur et la cohérence du programme iconographique. A l'époque, tympans, statues, colonnettes étaient relevés de riches couleurs. Cette polychromie aujourd'hui disparue donnait probablement une autre dimension à l'édifice.
Lorsque l’incendie de 1194 a laissé en ruine la majeure partie de la cathédrale de Fulbert, le Portail royal n’avait pas été touché. L’architecte a dû tenir compte de son existence pour choisir l’iconographie des portails nord et sud. L’orientation de l’église et son éclairement ont dicté les thèmes du programme sculpté. Les portails nord et sud, situés aux deux extrémités du transept, permettent d’entrer et de traverser la cathédrale transversalement mais ce n’est pas là leur fonction première.
Construits une cinquantaine d'années après le Portail royal, ces deux portails offrent un programme iconographique d'une plus grande complexité. Les figures parviennent à se détacher hardiment des piliers, les corps tournent harmonieusement, les visages parlent.
A chacun de ces deux portails, les trois arcades d’entrée reposent sur des pilastres ornés de bas-reliefs ou sur des colonnes aux gracieuses saillies qui portent des statues en laissant des vides entre elles. Des cordons de statuettes ornent les voûtes et forment les voussures des arcades. Des rinceaux de vignes entourent les colonnes, des branches de chêne décorent les soubassements. Les trois porches s’ajoutant aux portails forment un ensemble éblouissant. Ils sont si étroitement unis à eux qu’ils semblent nés d’une même pensée.
Le transept s’achève au nord par le portail du Dieu créateur et de l’Ancien Testament, tandis qu’au sud, côté de la lumière, c’est le temps de l’Eglise et le Jugement dernier qui ont été présentés.
En d’autres termes, une ordonnance très stricte régit ces deux portails : le nord, région du froid, est celui de l’Alliance renouvelée. C’est le domaine de l’Ancien Testament accompli par le Nouveau. Le sud, réchauffé par le soleil, est consacré au Nouveau Testament, illuminé par le Christ enseignant, entouré des Martyrs, Apôtres et Confesseurs en grandes statues. Dans les deux cas, on trouve des personnages qui renvoient au portail opposé, rappelant que l'Alliance annoncée dans l'Ancien Testament est accomplie par le Nouveau.
Il est des préséances pour chaque statue : le haut est plus honorable que le bas, la droite que la gauche. C’est ainsi que l’ange, symbole de saint Matthieu, figure dans le haut de la composition, à la droite du Christ ; l’aigle, dans le haut aussi, mais à gauche. Le bœuf et le lion doivent se contenter du bas.
Une stricte hiérarchie des saints est établie : laïcs, moines, prêtres, évêques et archevêques, pape. Un saint pape et un saint empereur apparaissent à la clef de voûte du portail méridional, comme les deux clefs de voûte de l’édifice.
La cour céleste des anges a, elle aussi, sa hiérarchie. Au portail méridional de Chartres, ils se rangent près du trône de Dieu dans l’ordre suivant : séraphins, chérubins, trônes, dominations, vertus, puissances, principautés, archanges, anges. séraphins et chérubins, voisins du foyer de toute lumière, portent à la main des flammes et des boules de feu.
Le Portail nord s’inspire apparemment de celui de Laon. Construit cinquante ans environ après le Portail royal, il nous montre l’histoire du monde depuis sa création jusqu’à la venue du Christ. Il glorifie en particulier la Vierge Marie. Cependant, quelques personnages et sujets traités appartiennent à l’époque du christianisme, apportant une note anachronique dans l’ensemble.
Si l’on accepte que, dans la cathédrale, tout se parle et renvoie de l’un à l’autre, le portail nord renvoie au portail sud, comme certaines statues renvoient à d’autres leur faisant face. Ce message permanent souligne la continuité du message : le futur se fait sur le passé.
Petit détail technique, les porches ont été prévus et construits en même temps que les portes. De même, les statues sont liées aux murs et sont donc inamovibles.
Nous voici donc au nord, devant cet immense portail précédé de trois porches. Le Portail nord est le plus somptueux de la cathédrale. Il décrit essentiellement des scènes de l’Ancien Testament.
Le porche de gauche appelée également baie de l’Incarnation offre la promesse de la venue prochaine du Christ dans ses piédroits tandis que le tympan représente la Nativité et l’Adoration des Mages, thèmes communs à beaucoup de cathédrales.
L’Incarnation du Christ est effectivement à nouveau énoncée. Les grandes statues des ébrasements illustrent, à gauche, l’Annonciation faite à Marie, à droite, la Visitation. L’intensité d’un regard sans prunelle échangé entre Marie et Elisabeth mérite une attention toute particulière.
Les ébrasements du porche central nous font découvrir l’histoire de la foi de l’homme en Dieu. Il nous présente, dans ses piédroits dix statues qui sont traditionnellement considérées comme des figures du Christ.
Le tympan nous présente la Vierge aux côtés du Christ. C’est le symbole de la Nouvelle Alliance.
Le porche droit est consacré tout entier à l’Ancien Testament avec l’histoire de Job dans le tympan ainsi que des personnages de l’Ancien Testament dans les piédroits.
Les grandes statues bibliques du portail nord ont été choisies par un théologien. Elles sont autant de figures annonciatrices du Christ ou de la Vierge.
En regardant le Portail nord, de la gauche vers la droite nous analyserons successivement :
Située dans l’angle nord-est, la direction de la levée du soleil lors du solstice d’été, l’angle où tout commence et recommence, celui des nouveaux cycles, la baie de gauche est consacrée à la Nativité et est aussi appelée baie de l’Incarnation.
Commençons par l’extérieur, c’est à dire par l’avant porche.
A l’avant, quatre statues qui ornaient l’avancée du porche, ont toutes été enlevées durant la Révolution en 1793. Nous le savons grâce à un document du 18ème siècle, qui l’indique.
A l’extérieur, l’Eglise et la Synagogue :
Sous la voussure interne :
Une statue qui se situait à l’angle en face a été complètement détruite. Des spécialistes ont estimé qu’il s’agissait de celle de saint Eloi. Elle devait faire le pendant en symétrie à droite avec celle de saint Potentien, premier évangélisateur de Chartres et qui fut évêque de Sens dont Chartres dépendait. Remarquons aussi la statue de sainte Modeste, sa contemporaine chartraine, première martyre de la ville. Enfin, sainte Anne tenant la Vierge enfant, entourée de douze prophètes. Tous ces personnages des écritures sont rassemblés ici, entourés de tous les bienfaiteurs de la cathédrale.
A l’extrémité gauche de la façade, sur le côté, nous trouvons le roi Dagobert dont la statue a été épargnée par les révolutionnaires, probablement du fait de sa bonne réputation parmi le peuple et d’être relativement cachée.
En entrant sous le porche, analysons les ébrasements : de part et d’autre de la porte, deux statues tournées l’une vers l’autre comme si elles conversaient. A gauche, la scène de l’Annonciation avec un diable sous l’ange et la Vierge de l’Annonciation sur un socle où l’on voit un serpent dans un pommier tentant Ève.
A droite, la scène de la Visitation : la Vierge de la Visitation sur le buisson ardent apparu à Moïse. Il brûle sans se consumer et représente la virginité de la Vierge. C’est aussi le symbole du feu divin.
Quant au personnage versant de l’eau sur le socle de sainte Elisabeth, mère de saint Jean-Baptiste, il représenterait un serviteur qui remplit une cuve baptismale, allusion à ce fils qui baptisa dans l’eau. C’est le symbole de l’eau.
Les deux premiers personnages, à gauche et à droite ne sont pas identifiés avec certitude. Certains y ont vu le prophète Daniel, d’autres l’archange Gabriel sur un socle en forme de diable ou de dragon (à gauche) et Isaïe (à droite). D’autres auteurs proposent Joseph (à gauche) et Zacharie (à droite), mari d’Elisabeth.
Le linteau présente deux scènes :
Sur un socle en forme de griffon, le prophète Malachie symbolise la mort et la résurrection de Christ et du pécheur. Il est le signe du renouveau en esprit selon saint Jean et le symbole de l’Esprit : « Il faut naître d’en haut » (Jean III).
Trois socles évoquent le thème du baptême car, selon saint Matthieu 3-11, « Celui qui viendra après Jean-Baptiste baptisant dans l’eau, baptisera, lui, dans le Feu et dans l’Esprit ». Le baptême, l’Initiation, efface le péché originel, les erreurs passées, par la purification. Cela ne pouvait être décrit qu’à l’angle nord-est.
Au-dessus, les trois voussures comportent, en commençant par celle bordant le tympan, c’est-à-dire la voussure la plus basse : des anges avec des chandeliers. A leur gauche, les vierges folles avec leurs lampes renversées. Enfin, les vertus et les vices :
Au tympan, la scène de la Nativité. L’Adoration des Rois Mages, qui viennent du monde entier, représente les repentis qui cherchent à obtenir l’initiation du baptême pour être purifiés. Sur la gauche, ils offrent leurs présents à l’Enfant-Jésus. Sur la droite, deux sont endormis sur leur couche tandis que l’un des deux anges en haut du tympan avertit le troisième roi qu’ils devront éviter Hérode lors de leur retour car ce dernier veut les tuer.
Au linteau, la nature humaine du Christ est rappelée :
En haut de l’arc du porche, au gâble, un évêque encense : il représente le pouvoir spirituel.
En bas des retombées de l’arc, deux rois sont assis dans des niches : ils symbolisent le pouvoir temporel. Celui de gauche a les pieds sur un lion couché. Il est difficile de préciser s’il s’agit de Pépin le Bref ou de David. Celui de droite a les pieds sur un homme maîtrisé : il s’agit d’un rappel de l’Ecriture qui dit qu’« il a fait de son ennemi l’escabeau de ses pieds ».
L’arc du porche laisse voir une proposition de modèle de vie :
La Porte de la glorification de la Vierge est également appelée Porte de la Création.
Au centre, en haut du porche, à l’extérieur, nous pouvons voir le Christ, créant par le Verbe, la Parole. Il est entouré de deux anges. Celui de gauche tient un encensoir ; celui de droite tient un cierge. Un peu plus bas, de part et d’autre, ce sont deux anges qui encensent vers le haut.
Sur le trumeau figure sainte Anne portant Marie enfant dans les bras. Dans le bas, son mari Joachim garde son troupeau. De part et d’autre sont disposées cinq statues qui sont toutes considérées comme des figures du Christ.
Le grand portail nord s’ouvre sur la création divine, racontant parfois de manière candide et délicieuse la mésaventure de l’homme. Les ébrasements du porche central nous conduisent à découvrir l’histoire de sa foi en Dieu.
A l’ébrasement de gauche, le cycle débute avec la statue de Melchisedec tenant une coupe de vin et du pain avec, à ses pieds, une brebis évoquant les sacrifices pratiqués par les Hébreux. A droite, il s’achève avec saint Pierre. Remarquons que saint Pierre et Melchisedec portent tous deux une coupe de vin et le pain.
Seuls sept personnages de l’Ancien Testament y figurent et côtoient trois personnages contemporains du Christ : Siméon, saint Jean-Baptiste et saint Pierre. Comme pour souligner l’idée de cycle, les deux statues extérieures ont des attitudes symétriques.
Abraham, fondateur du monothéisme, vit au milieu d’un monde qui sert les idoles par des sacrifices. Il se croit appelé à offrir en holocauste son unique fils, Isaac. C’est à ce moment qu’il est représenté alors qu’il va sacrifier son fils Isaac entravé. Il a la tête levée vers l’ange qui se trouve dans le dais au-dessus de la tête de Melchisedec. Isaac symbolise Jésus Sauveur. Mais Dieu, n’acceptera pas le sacrifice d’Isaac. Aussi, par l’action d’un ange perché sous le baldaquin du personnage précédent et que le Seigneur envoie pour lui dire d’épargner son fils, Dieu arrête le bras sacrificateur. Sous les pieds de l’enfant, le socle présente le bélier qui sera finalement sacrifié et qui symbolise le Christ car Dieu permettra que son Fils sauve le monde par sa mort et sa résurrection.
Après Abraham, c’est Moïse, le fondateur du peuple de Dieu, celui qui fit connaître la loi divine. Moïse tient une colonne sur laquelle figure le Serpent d’Airain que le Seigneur lui ordonne de faire fabriquer après avoir envoyé les serpents brûlants pour punir les gens d’Israël. Dans Nombres 21, 9, il est écrit que « lorsqu’un serpent mordait un homme, celui-ci regardait le serpent d’airain et il avait la vie sauve ». Moïse tient aussi les tables de la Loi alors qu’en dessous le Veau d’Or est figuré au pied d’une montagne symbolisant le Sinaï.
A côté de Moïse, son frère Aaron, coiffé du voile du sacrificateur, égorge l’agneau de la Pâque juive lors de l’épisode de la sortie d’Egypte. C’est ainsi que sur le socle un petit personnage recueille dans un vase (qui a disparu !) le sang qui marquera le linteau des portes des Hébreux. Tout comme le Christ, l’Agneau de Dieu, donnera son sang pour délivrer les hommes.
Puis nous découvrons une représentation du roi David qui tient la lance, instrument de la passion du Christ qu’il annonce dans les psaumes.
Observons à présent l’ébrasement droit du portail. Nous pouvons y distinguer tout d’abord, en partant du centre, les grands prophètes Isaïe, Jérémie, Siméon, Jean-Baptiste.
Le prophète Isaïe qui, autrefois, tenait une tige dont il ne subsiste que le haut, sur son buste. Cette tige évoquait la prophétie « un rameau sortira de la souche de Jessé… sur lui reposera l’esprit du Seigneur ». De la tige surgit un corps, malheureusement décapité. Il s’agit très probablement d’une nouvelle évocation du Christ. Aux pieds d’Isaïe, Jessé dort, allongé.
Le prophète de la passion, Jérémie, tient la croix du Christ dans un nimbe, tandis qu’en dessous, un personnage écoute le prophète. Le grand prêtre Siméon est celui qui annonça que le Christ serait le salut d’Israël. Il tient l’Enfant-Jésus dans ses bras.
Saint Jean-Baptiste, qui foule le mal à ses pieds sous la forme d’un dragon, est sans doute la plus belle statue de cet ensemble et peut-être même de toute la statuaire de Chartres. La barbe mal taillée, son visage émacié est marqué des signes de la fatigue, dus à sa vie ascétique. Il est vêtu de peaux de chameaux. Élancé, il montre de sa main droite l’Agneau la tête tournée vers la Croix et l’Oriflamme.
Le cycle se termine par saint Pierre dans une attitude semblable à Melchisedech. Il tient le calice dans sa main droite, à son bras pend la clef, symbole du pouvoir de lier et de délier. Il porte la tiare, coiffure des papes. A son cou, le pectoral orné de douze pierres précieuses symbolisant les douze tribus d’Israël. Il est présenté sur un roc rappelant la phrase « tu es Pierre, sur cette pierre je bâtirai mon Elise ».
En retrait du porche, à droite, nous pouvons encore découvrir Elie sur son char, et, à gauche, une statue qui semblerait être Elisée.
L’ébrasement s’est ouvert avec la prédication d’Isaïe et se ferme par la prédication de Jean-Baptiste reprenant les paroles du grand prophète.
Sur le linteau, une colonnette sépare deux scènes. La scène de gauche représente la dormition de la Vierge entourée des apôtres et du Christ que l’on peut reconnaître avec un nimbe crucifère. Jésus esquisse de sa main droite un geste de bénédiction. Sur son bras gauche repose le corps d’un enfant qui symbolise l’âme de Marie. La scène de droite représente des anges qui se penchent pour exhumer le corps de Marie. Sous la frise, deux anges s’approchent en tenant dans un linge le petit corps symbolisant l’âme qui va réintégrer la dépouille de la Vierge Marie.
Au-dessus du linteau, le Christ couronne la Vierge. Tous deux sont assis sur un trône. Celui de Marie comporte un dossier. Une arcature en forme de trèfle, surmontée d’une Jérusalem Céleste, les encadre. De part et d’autre de cette scène, des anges les saluent. Des lignes ondulées entourent le tympan afin de bien montrer que la scène se passe aux cieux.
Dans le cordon de l’archivolte contigu au tympan, des anges tiennent des encensoirs, des livres et des seaux d’eau bénite.
Observons à présent les voussures de l’arc du porche. Elles présentent des premières lignes de la Genèse et constituent le récit et l’illustration de la Création du monde. En regardant les deux voussures externes, les scènes se lisent par niveaux, chacune portant le nom de claveau.
Les cordons de voussure suivants offrent un bel arbre généalogique dont le tronc se sépare, à gauche, entre les genoux de Jessé en deux branches pour encadrer les ancêtres du Christ. Les deux cordons sont bordés chacun d’un rang présentant des prophètes et des figures de l’Ancien Testament.
Les cordons du milieu du porche sont composés de quarante-quatre personnages tenant des livres et des banderoles.
Les voussures extérieures décrivent la création du monde conformément au récit de la Genèse depuis le commencement, à gauche, jusqu’à la chute d’Adam et Ève à droite.
L’un des deux cordons nous montre le créateur sous les traits du Christ car dans l’Évangile de saint Jean il est dit « toutes choses ont été faites par le fils unique de Dieu ».
La voussure extérieure représente trois formes du Créateur : Père, Fils et Esprit.
La voussure intérieure représente ses créatures et le rappel de la Genèse.
Évoquons encore brièvement quelques sculptures particulièrement fines de l’avant porche dont les sculpteurs avaient le souci du détail :
Le porche de droite est consacré à des personnages bibliques de moindre importance mais le tympan doit retenir notre attention tout comme le linteau qui présente le Jugement de Salomon.
A gauche de la porte se trouve Salomon, la tête haute dans une attitude noble. Par sa sagesse il préfigure le Christ. Sous ses pieds se trouve l’ironique Marcoul, ce Sancho Pança du Moyen Age, dont le bon sens terre à terre répondait par un proverbe trivial à chacune des hautes pensées du roi-philosophe.
Vient ensuite la Reine de Saba, légèrement tournée vers son voisin, car elle est venue entendre le roi dont on a vanté la Sagesse. Avec Salomon, elle préfigure l’Adoration des Mages. Elle est représentée sous les traits d’un être de race noire qui se trouve à ses pieds, portant dans une calebasse les présents destinés à Salomon.
Tout à fait à l’extérieur c’est Balaam que l’on voit avec, à ses pieds, l’ânesse qui refuse de lui obéir alors que, juché sur elle, il se rendait auprès de Balaq qui lui demandait de maudire Israël (Nombres 22, 3). Il prédit l’étoile de la crèche.
A droite, c’est Jésus, fils de Sirach. Il est représenté dominant le temple de Jérusalem car il était alors considéré comme étant celui qui avait reconstruit ce temple. Il annonce Jésus fondateur de l'Eglise. Sur le socle on peut voir Zorobabel tenant un fil à plomb devant le mur d’un temple en construction.
La deuxième statue a longtemps été présentée comme étant Judith, victorieuse d’Holopherne, Judith qui ferait pressentir la Vierge victorieuse du péché. Mais il semblerait à présent qu’il faille être réservé quant à cette attribution.
Enfin c’est Joseph portant à l’index de la main droite l’anneau que lui a passé Pharaon. Il fut vendu par les siens, tout comme Jésus le sera lui aussi. Sur le socle, la femme de Putiphar, toute occupée à écouter le Malin sous la forme d’un Dragon, intriguera pour écarter Joseph. Ce dernier, vendu pour trente deniers par ses frères, annonce le Sauveur livré par Judas.
Ces statues restent liées à l’architecture et s’éloignent peu de la stricte verticale. Elles serrent sur leur poitrine les banderoles où se lisaient leurs noms. Elles se tiennent en équilibre sur les petits personnages ou les animaux qui forment leur socle. Deux figures s’affranchissent déjà par la liberté de leur attitude : celle de la reine de Saba et celle de Salomon. La reine de Saba, sans éloigner ses bras du corps, passe les doigts de sa main gauche dans la bride de sa tunique. De l’autre, elle retient les plis de sa robe avec un naturel qui annonce le grand art du 13e siècle. Les têtes arrondies diffèrent de tout ce que nous avons observé jusqu’à présent car nous sommes en présence de l’œuvre d’un nouveau sculpteur. L’artiste a renoncé à ces longs visages qui s’éloignaient de la réalité mais qui évoquaient une antique race d’hommes. La reine de Saba est très probablement représentée sous les traits d’une aimable princesse de l’Ile-de-France. Ce n’est plus la reine des solitudes. Seule la statue supposée représenter Judith, serrée dans ses voiles et dans sa robe aux longs plis, a gardé quelque chose de la grandeur de l’Ancien Testament.
Un Jugement de Salomon occupe le linteau. Entouré de sa cour Salomon rend son jugement. C’est un drame rapide, conçu avec une parfaite clarté. Salomon vient de donner l’ordre de partager l’enfant. A gauche, un personnage dégaine son épée pour couper en deux l’enfant alors qu’une des deux femmes lève son bras pour supplier le roi de l’épargner. La fausse mère accepte la sentence. En un instant, Salomon a discerné la vérité du mensonge. Il tend la main et ordonne au serviteur qui porte l’enfant de le rendre à sa mère. Les anciens d’Israël assis près du tribunal admirent la sentence de leur jeune roi et reconnaissent qu’il a reçu la sagesse en partage.
Le tympan représente Job sur son fumier. C’est une sculpture d’un réalisme étonnant. Job allongé sur son tas de fumier subit les épreuves que lui inflige le Malin qui tourne la tête dans un geste de défi vers Dieu représenté sous l’apparence du Christ. Le diable tient Job tout entier dans ses griffes. De ses mains il tourmente le malheureux : la main droite du démon enserre la tête tandis que la main gauche gratte la plante des pieds. A sa tête, ses amis et à ses pieds sa femme qui semblent lui dire « comment crois-tu encore à ce Dieu qui t’abandonne ? » Mais Dieu rétablira Job.
Selon Pierre de Roissy, qui fut chancelier du Chapitre, les souffrances de Job sont l’annonce des souffrances du Christ dans sa Passion. Sa tête sera couronnée d’épines et ses pieds cloués sur la croix. Il semble probable que Pierre de Roissy ait été l’ordonnateur de ce thème.
Un premier cordon consacré aux anges encadre ce tympan. Quelques-uns d’entre eux, chargés par Dieu de guider les astres dans leur course, portent le soleil, la lune et les étoiles.
Les autres voussures contiennent toutes un récit. Chacun de ces récits est symbolique et doit éveiller la pensée du Christ ou de la Vierge. C’est ainsi que dans la voussure suivante, à gauche, il est possible de reconnaître, dans une évocation de l’histoire de Samson emportant les portes de Gaza, le Christ s’ouvrant les portes du tombeau. A droite l’histoire de Gédéon commence par un dragon. La rosée baignant la toison de Gédéon pourrait symboliser la grâce divine descendant sur la Vierge.
Le deuxième cordon à gauche, commençant par la tête d’Assuérus, nous montre l’histoire d’Esther ; à droite, celle de Judith au-dessus de la tête de Nabuchodonosor. Dans ces personnages d’Ester et de Judith, il est possible de reconnaître le salut apporté au monde par la Mère de Dieu.
Enfin l’histoire de Tobie occupe la deuxième des trois voussures avec les têtes de Sennacherib à gauche et de Salmanasar à droite. Dans le fils de Tobie rendant la vue à son vieux père, il est possible de reconnaître le Christ ouvrant les yeux des hommes à la lumière.
Les cordons extérieurs comprennent un calendrier zodiacal avec les travaux des saisons.
Quelques-unes de ces petites scènes sont fort belles. C’est avec une humilité touchante qu’Esther s’agenouille devant Assuréus pour lui demander la grâce de son peuple. Avant de partir pour Béthulie, Judith, dans sa maison, couvre sa tête de cendre et prie avec une ardente ferveur. Puis la voici sortant de la ville et marchant vers le camp d’Holopherne avec l’assurance de la beauté. Le jeune Tobie s’agenouille devant son père pour lui rendre la vue avec le fiel du poisson, et le vieillard, qui attend la lumière, serre tendrement la tête de son fils. Le chien semble attendre lui aussi, et l’ange demeure pour être le témoin du miracle.
Chaque voussure ne pouvant enfermer que deux ou trois personnages, l’artiste devait apprendre à condenser sa pensée et à ordonner clairement ses épisodes. Avec de petites figures, il devait donner souvent l’impression de la grandeur. Ce fut là une cause nouvelle de progrès. C’est ainsi que des règles étroites de la poésie a souvent jailli la beauté parfaite !
Ce grand portail s’est donc ouvert sur la création divine, racontant parfois de manière candide et délicieuse la mésaventure de l’homme. Les ébrasements du porche central nous ont permis de découvrir l’histoire de la foi de l’homme.
En quittant le portail nord qui illustre l’histoire de l’humanité, de la création à la naissance du Christ, remarquons les traces de l'enceinte qui fermait la cité des clercs depuis le 13ème siècle.
A la façade méridionale du vieux clocher, deux statues gardaient de la dissipation les écoliers, très nombreux dans une ville dont les écoles étaient célèbres au 12ème siècle : l’âne jouant de la lyre, symbole du clerc inintelligent, et, tout à côté, un ange muni d’un cadran solaire montre la valeur du temps qu’il ne faut pas perdre.
Au Portail sud, se poursuit cette étonnante histoire. A l’Ancien Testament succède le Nouveau. Le Portail sud raconte en effet l’histoire de l’église et expose le Nouveau Testament. Les Saints Martyrs (24 scènes de martyre), les Confesseurs (24 épisodes de leur vie) et les évangélisateurs de la Gaule sont là. Le tympan de la porte montre la Résurrection et le Jugement Dernier.
Jésus est le personnage principal au trumeau de la porte centrale, alors qu’au portail nord, c’est Anne, mère de Marie qui tient cette même place. L’intuition théologique qui préside à l’élaboration de ces sculptures est simple. Le Christ sauveur du monde, au trumeau, écrase sous ses pieds le lion et le dragon, symboles du mal.
La thématique générale de la façade sud est celle des temps nouveaux jusqu’à la fin du monde. C’est la Nouvelle Alliance scellée par Jésus-Christ délivrant sa parole et enseignant le monde.
Ici encore, trois porches ont été sculptés.
Nous analyserons successivement :
Le haut du tympan est occupé par le Christ tenant une palme, encadré par deux anges en génuflexion.
Sur le linteau et dans les premiers rangs des voussures, le martyr de saint Etienne. A gauche le saint se trouve devant ses juges. Sur le linteau est représentée la scène de la lapidation devant une porte de Jérusalem qui porte toujours son nom. Saint Etienne est agenouillé tandis que ses bourreaux figurent jusque dans le bas des voussures de droite.
La voussure qui entoure le tympan représente les Saints Innocents. Dans la voussure suivante, les martyrs sont inondés du sang s’échappant de la tête de l’Agneau se trouvant au sommet, suivant la description de l’Apocalypse.
Observons à présent les ébrasements.
Dans l’ébrasement de gauche, en partant de la droite :
Dans l’ébrasement de droite :
A l’extrémité de chaque ébrasement, deux chevaliers sont reconnaissables à leur cotte de maille. Ces statues, à l’évidence, ne sont pas dues au même sculpteur. Ce sont deux ajouts ! Au-dessus du Portail sud ont été sculptés en 1224 les rois de Juda qui ressemblent à des rois capétiens. Au-dessous de ces rois de Juda, deux saints chevaliers, saint Georges et saint Théodore ont été représentés. La tête de saint Théodore avait été rapportée de Rome à Chartres en 1120, ce qui explique sa statue qui fait pendant à celle de saint Georges. Au-dessous de ce dernier une roue rappelle son supplice. Pour les hommes du Moyen Age, ces deux saints-soldats sont les types du parfait chevalier.
Il est amusant de noter l’évolution du piédestal. Ici le socle est horizontal tandis qu’aux autres statues les pieds sont inclinés.
Si la statue extérieure de gauche fut longtemps considérée comme étant saint Théodore, pour certains chercheurs, elle pourrait plutôt représenter saint Roland ou saint Maurice.
Nous pouvons aisément remarquer qu’un souci de symétrie dans la disposition et les postures des personnages a présidé au programme du porche, bien qu’un évêque (saint Denis) situé à droite corresponde à un pape (saint Clément) situé à gauche. Apprécions aussi la finesse et la subtilité de la décoration particulièrement évidente dans les habits et les ornements.
Le pilier extérieur gauche de l’avant porche représente des saints qui complètent cette vision de l’histoire de l’Eglise que nous propose l’ensemble de cette façade.
Sur la face extérieure, dans l’ordre de haut en bas, nous reconnaissons saint Jean Baptiste, saint Nicaise de Reims, saint Saturnin, un médaillon indéchiffrable, saint Procope, saint Pantaléon.
Sur le côté intérieur, faisant face à l’autre pilier du porche, nous pouvons voir, tout en haut, le meurtre de saint Thomas Becket assassiné dans la cathédrale de Cantorbéry à la fin du 12ème siècle. Le saint est agenouillé devant l’autel alors que derrière lui s’avancent des chevaliers pour l’exécuter.
L’art du 13ème siècle répugnait à représenter la souffrance physique aussi bien que les sentiments violents : aussi les martyrs marchent-ils au supplice avec sérénité ; les bourreaux eux-mêmes restent calmes et aucun caractère de bestialité ne s’imprime sur leur visage : les assassins de saint Thomas de Cantorbéry le frappent sans haine et sans colère.
Le Portail sud reprend l’histoire du salut depuis la fondation de l’Eglise jusqu’à la fin des temps. Il est donc normal de trouver, au linteau et au tympan du porche central, le Jugement dernier. Le plus souvent, celui-ci se trouve à la façade occidentale de la plupart des cathédrales, mais ici à Chartres, cette façade existait déjà, conservée de l’édifice précédent et sauvé du grand incendie de 1194. Voilà donc pourquoi le Jugement dernier figure au Portail sud.
Il convient de lire ici en même temps les claveaux des cinq cordons de voussures. Au deuxième registre, c’est la résurrection des morts : ils sortent des tombeaux pour être jugés. Au centre du tympan, Jésus, les mains ouvertes, montre les stigmates de sa crucifixion. Parce qu’il est le Sauveur, Il est légitimement le Juge de la fin des temps.
Nous pouvons observer, au centre du tympan, le Christ sur son trône, présentant ses plaies. Il est entouré de la Vierge et de saint Jean qui l’assistent. Marie, à sa droite, et saint Jean, à sa gauche, ont tous deux les mains jointes : ils implorent la miséricorde envers l’humanité.
Le lien entre la Passion et le Jugement dernier est encore accentué par la présence d’une colonne et d’un fouet, symboles de ses souffrances. A gauche, un ange tient la lance de la Passion tandis qu’à droite un autre ange tient la colonne de la Flagellation.
Le haut du tympan, au-dessus de Jésus, est occupé par des anges portant la couronne d’épines, les clous de la crucifixion ainsi que la croix, symbole de Rédemption, dont on ne voit que le montant vertical : les bras de la croix sont recouverts d’un linceul. Pour compléter la scène, un ange porte la couronne d’épines et un autre, les clous de la crucifixion.
Dans les voussures, des anges forment neuf chœurs suivant l’ordre que fixa Denys l’Aréopagite. Ce sont les Séraphins portant des boules de feu et les Chérubins portant des flammes dans leurs mains tandis que les Trônes et les Dominations sont identifiables aux sceptres qu’ils tiennent. Ce sont ensuite les Principautés et leurs livres, les Vertus armées sur un dragon, les Archanges tenant des encensoirs et les Anges avec des cierges.
Au centre du linteau, l’archange saint Michel pèse les âmes tandis qu’un diable essaie de faire pencher la balance du côté des damnés. A droite, ce sont les damnés qui sont précipités dans la gueule de l’enfer tandis que le premier rang des voussures montre un avare et sa bourse poussé par un diable. Un autre transporte sur son dos une femme nue renversée symbolisant la luxure. Au-dessus, les morts sortent de leurs tombes pour le jugement dernier.
Du côté gauche du linteau, c’est le cortège des élus. Nous y retrouvons pratiquement les mêmes personnages qu’à droite, y compris un moine et un évêque, comme pour bien insister sur le fait que grands ou petits, puissants ou humbles, personne n’échappera au Jugement dernier.
Au premier rang de la voussure, Abraham abrite les élus en son sein. Au Moyen Age, le Royaume du ciel est présenté comme le sein d’Abraham. On voit donc ce patriarche au premier claveau de la seconde voussure interne, à gauche, avec trois âmes en son giron. A sa gauche, un ange porte dans ses bras l’âme d’un élu. Sur ce même registre, en allant vers l’extérieur, l’âme a rejoint le corps des ressuscités couronnés.
Les piliers de l’avant porche de la baie centrale présentent sur leur face intérieure les vingt-quatre vieillards musiciens de l’Apocalypse.
La baie centrale est ordonnée autour du trumeau avec le Christ levant la main droite et présentant le livre de sa main gauche. Il foule le lion et l’aspic, symboles du mal.
Le bas du trumeau est occupé par deux scènes en rapport avec le donateur du portail qui pourrait être saint Louis, comte de Blois. La scène est relative à son mariage. Comme le voulait la tradition, le marié est coiffé d’une couronne faite de fleurs prélevées par son épouse dans le bouquet qu’il lui a offert. La seconde scène concerne le banquet avec des serviteurs distribuant le pain.
Au portail central, de part et d’autre dans les ébrasements, nous pouvons remarquer que, malgré l’absence de Judas, les statues des apôtres sont néanmoins au nombre de douze. Elles portent chacune leur signe distinctif. Certaines font allusion aux supplices que les apôtres ont subis.
Dans l’ébrasement de gauche, c’est-à-dire à la droite du Christ, nous reconnaissons saint Pierre reconnaissable à ses clefs et portant une croix. A côté de lui nous pouvons reconnaître son frère André qui tient également une croix, incomplète tout comme celle de saint Pierre. La tradition œcuménique regarde Pierre comme fondateur de l’Eglise d’Occident et André comme fondateur de l’Eglise d’Orient.
Les autres statues sont généralement présentées comme étant, dans l'ordre : saint Philippe, saint Thomas, saint Simon et enfin, en retrait, saint Jude.
Dans l’ébrasement de droite, saint Paul au crâne chauve est reconnaissable au glaive qu’il tient contre son épaule et par lequel il périra. A ses côtés nous reconnaissons saint Jean, au visage imberbe, avec l’évangéliaire qu’il tient de sa main gauche. Saint Jacques le Majeur porte un baudrier garni de coquilles ainsi qu’une épée car il fut décapité. Saint Jacques le Mineur tient le bâton au moyen duquel il fut assommé. Puis c’est saint Barthélémy qui fut écorché vif. En retrait figure un autre évangéliste tenant un livre à la main et qui serait saint Mathieu.
Sous les pieds des apôtres, de petits personnages sont là pour permettre l’identification des statues qu’ils supportent. Les apôtres sont seulement reconnaissables à leurs emblèmes. Par contre, les livres ou les épées que portent les autres statues ne permettent guère de les reconnaître. Tous ont un air de ressemblance avec Jésus-Christ : ils rayonnent d’intelligence et de bonté.
Rendons-nous à présent au porche de droite, la baie des Confesseurs, pour y retenir seulement quelques grandes figures.
Le tympan est constitué de quatre parties regroupées par deux, l’une au-dessus de l’autre.
La porte de gauche montre saint Martin endormi, son valet au pied du lit. Il voit en songe son manteau représenté au-dessus du lit. En dessous, à cheval, toujours accompagné de son serviteur, il coupe son manteau en deux.
La partie droite raconte, en bas, l’épisode où saint Nicolas donne une bourse – à travers le montant du lit – pour sauver de la prostitution les trois jeunes filles pauvres qui veillent leur malheureux père alité. Au-dessous des fidèles recueillent le liquide miraculeux qui s’écoule – suivant la légende – du tombeau du saint.
Les voussures, dans leurs rangs inférieurs, représentent l’histoire de saint Gilles, tandis qu’en haut sont figurés des évêques, des prêtres et des moines représentant les saints confesseurs.
Observons à présent les ébrasements : à l’ébrasement de droite, il y a d’abord saint Martin avec, sous les pieds, le chien qu’il arrêta d’un mot ; ensuite la magnifique représentation de saint Jérôme traducteur et commentateur infatigable de la Bible, livre saint qu’il tient dans sa main. Il est resté dans l’histoire comme un homme au caractère difficile : voyez son visage ! Tandis que, sous ses pieds, la Synagogue essaie de déchiffrer une banderole qu’elle ne comprend plus : la Synagogue a les yeux bandés pour montrer qu’elle ne comprend pas le sens du texte qu’elle suit et qui descend des mains de saint Jérôme.
A ses côtés, le pape saint Grégoire le Grand. Une colombe sur l’épaule rappelle sa sagesse et son inspiration réformatrice. La légende dit que le secrétaire de ce grand pape perçut, au-delà de la figure de son maître, l’Esprit Saint lui parlant à l’oreille pour le conseiller. Sous les pieds de saint Grégoire, le diacre Pierre regarde par un trou.
Dans ce même ébrasement, une autre statue a été ajoutée un peu plus tard : elle figure saint Avit, un saint abbé du diocèse, fondateur d’un monastère.
A l’ébrasement de gauche se succèdent, de l’extérieur vers l’intérieur : saint Nicolas, évêque de Myre en Asie mineure au quatrième siècle ; puis saint Ambroise qui convertit saint Augustin et enfin saint Sylvestre qui fit cesser les persécutions de Constantin. A l’extérieur, saint Laumer, abbé d’un monastère de la région chartraine.
Dans la voûte de l’avant porche, on peut reconnaître des apôtres et des confesseurs sur les faces du pilier extérieur.
Sur la face sud, dans le deuxième médaillon en partant du haut on voit saint Rémi baptisant Clovis agenouillé devant un autel.
Le linteau reprend à gauche l’épisode du manteau de saint Martin tandis que dans la partie droite, saint Nicolas vient au secours des trois filles que le père, vieil avare malade, voulait livrer à la prostitution.
Au centre du linteau, l’archange saint Michel procède à la pesée des âmes. A sa droite, le plateau contient le bien, à sa gauche, un petit diable tente de tirer vers le bas le plateau du mal. Les chaînes reliant les plateaux au fléau ont disparu. En effet, celui dont on pèse, à cet instant, la vie, a, sans nul doute, fait plus de bien que de mal et mérite donc le ciel. Le sculpteur a présent en mémoire le Jugement dernier décrit par saint Matthieu.
L’imagier a traité l’enfer avec brio : à l’extrémité droite du linteau, c’est-à-dire à la gauche du Christ, l’énorme gueule du Léviathan crachant le feu engloutit les réprouvés.
Observons ce détail amusant : un diable renverse de force une condamnée. Au-dessus de cette horrible scène, deux têtes de démons parfaitement hideux précèdent la kyrielle des bannis.
En arrière plan, le troisième personnage lève la tête vers les anges célestes et leur tire la langue. Là encore, il faut lire en même temps le premier registre des claveaux de voussures. Un premier démon hideux, mais dont le visage esquisse un sourire enjôleur, accueille une dame de la haute société. Après lui, un autre diable enserre une religieuse. Puis un avare est étranglé par la courroie de sa bourse tirée par un suppôt de Satan. Nous voilà donc avertis des risques que nous prenons par nos choix de vie ! Comment dès lors faire taire cette parole du Christ : « Les premiers seront les derniers et les derniers seront les premiers » ?
Le premier des réprouvés est un roi, suivi d’un évêque, puis d’une courtisane. Le quatrième, un moine et le dernier, un simple manant. A l’inverse, le cortège des élus commence par des hommes sans signe particulier. Cependant, les trois derniers qui vont vers le ciel sont successivement un diacre, un évêque et un roi. Faut-il lire ici une première revendication sociale ? En tout cas, une telle évocation se retrouvera plus tard dans le dessin des danses macabres.
Le tympan poursuit, à gauche, l’histoire de saint Martin à qui Jésus apparaît, vêtu de son manteau, tandis qu’à droite, c’est l’évocation des miracles sur le tombeau de saint Nicolas.
Nous ne pouvons quitter ce portail avec ses trois porches sans noter la quasi-absence de la femme, ce qui n’est pas le cas au portail nord. Pourtant elle est présente dans les piliers avancés pour illustrer les vertus : la foi, l’espérance et la charité, tandis que l’homme illustre davantage les vices : l’idolâtrie, l’orgueil et la folie. Il est amusant de signaler que la luxure met en scène l’homme mais la femme pour illustrer l’indocilité. De même, la discorde est représentée par une scène de ménage. Quant à la force, seul un homme pouvait l’incarner, et cet homme est revêtu d’une cotte de maille. Faut-il assimiler la guerre et la force ?
Parmi tous les saints représentés, il est un fait qui peut surprendre : on ne voit sur les piliers ni les touchantes martyres de Rome, de la Gaule et de l’Afrique, ni les saintes françaises, ni les vierges orientales. C’est qu’à Chartres, il est une sainte qui efface toutes les autres et les fait oublier : c’est Notre-Dame.
Aussi, prenons un peu de recul. En levant la tête et en examinant les groupes qui décorent les trois gâbles, nous reconnaîtrons, chaque fois, au milieu, la Vierge en majesté avec l’Enfant sur ses genoux ou la Vierge seule sur son trône accueillant un ange qui lui présente le sceptre des reines, ou encore sainte Anne, mère de la Vierge, portant dans un vase un lys qui symbolise sa fille immaculée.
En contemplant l’ensemble du Portail sud, nous remarquons qu’une galerie de pinacles décorés de dix-huit statues de rois surmonte tous les piliers des porches. Elle est identifiable comme étant celle des rois de Juda, ancêtres de la Vierge, et c’est pour l’honorer qu’ils ont été mis à cette place.
La première statue qui la commence, sur la face extérieure tournée vers le clocher roman, est celle représentant David, tenant dans sa main la tige de l’arbre généalogique, qui sort de la poitrine de Jessé, couché à ses pieds. Il est aussi reconnaissable à l’instrument de musique qu’il tient.
Cette galerie peut donner une idée de celle qui était peut-être prévue pour le Portail nord et dont les amorces à la base de chacune des tours encadrent le bras du transept de part et d’autre de la rose.
Ainsi, cette façade du midi, d’où la sainte est absente, s’achève par le triomphe de la Vierge.
Témoin de la civilisation, but de pèlerinage, repère sur l'horizon, flèche irréprochable, vaisseau posé sur l'océan des blés, qui surplombe la ville en dévoilant son architecture, telle se découvre Notre-Dame de Chartres, parmi les plus célèbres cathédrales du moyen âge.
Hautes de plus de cent mètres, les flèches de la cathédrale, dominant la plaine, surgissent clairement des champs de blé à vingt kilomètres alentour. Les clochers de Chartres sont sans doute uniques dans le monde. Avec le Porche royal, ils furent construits au 12e siècle, avant l’incendie de 1194.
Les deux flèches sont comme deux bras lancés vers le ciel et donnent à la façade occidentale une allure très particulière. Les bases des deux clochers sont assez semblables jusqu’au premier étage compris, mais non identiques. Il convient de remarquer les colonnes qui divisent les faces entre les contreforts du « Clocher Vieux » au premier étage.
Le clocher Nord, appelé le « Clocher Neuf », date du 12ème siècle. La base de la tour date des environs de 1134. Elle s’élevait jusqu’à hauteur de la galerie des Rois. La partie supérieure a été édifiée vers 1250. Resté longtemps inachevé, ce clocher fut modifié et ne reçut sa flèche qu’à la fin du 14ème siècle mais celle-ci fut détruite par la foudre en 1506, date à laquelle l’architecte Jean Texier, dit Jehan de Beauce construisit la flèche actuelle, véritable dentelle, en style flamboyant.
Tout festonné de dentelle de pierre, le « Clocher Neuf », avec sa flèche d’une simplicité, d’une sévérité, d’une élégance toutes modernes, s’élève d’un seul élan de 45 mètres s’élève avec hardiesse et légèreté jusqu’à 112 mètres car il fallait l’élever plus haut que celui du 12ème siècle !
Construite sans charpente intérieure, son ossature est faite de gros blocs de pierre habilement recouverts de petites pierres taillées en forme d’écailles. Depuis huit siècles, la flèche résiste à la furie des éléments. La grande tempête de 1999 n’a pratiquement pas fait de dégâts.
Au 16ème siècle, Jehan de Beauce, fut également chargé par le chapitre cathédral de construire le second clocher ouvragé à côté de la magnifique flèche romane du 12ème siècle si bien chantée par le poète Charles Péguy.
La tour sud, ou « Clocher Vieux » à la « flèche irréprochable » de 103 mètres remplace un clocher de bois foudroyé en 1506.
Souvent cité comme un modèle d’architecture pour son élégance, ce clocher présente un passage du plan carré au plan octogonal particulièrement habile : les contreforts viennent mourir dans des constructions placées aux angles et se terminent par des pyramides qui conduisent avec les gables des fenêtres vers la flèche. Celle-ci est entièrement en pierre de Chantilly.
A . B.