Musée départemental Matisse
Palais Fénelon
Place du Commandant Richez
B.P. 70056
59360 Le Cateau-Cambrésis
Le 16 janvier 2017, nous sommes allés visiter le Musée Matisse au Cateau Cambrésis.
Après avoir visité, le matin, l'exposition temporaire consacrée à Pierre Alechinsky, l'après-midi, nous avons visité la Collection Herbin, la collection Tériade et enfin la Collection Matisse.
Présentation générale
La collection, présentée de façon chronologique, occupe les salles du premier étage et comprend 170 œuvres. Elle couvre toute la carrière de l’artiste, de sa découverte de la peinture aux dernières gouaches découpées.
L’ensemble des dessins est unique puisqu’il est le seul à avoir été choisi pièce par pièce et donné par le peintre. Le Musée a reçu des descendants du peintre, les chefs-d’œuvre que sont les plâtres originaux des sculptures monumentales Nus de Dos.
On retrouve la diversité de la création du peintre qui mena de front des activités de peintre, sculpteur, graveur, illustrateur et qui conçut également des tentures et des tapisseries…
A la fin de sa vie, Matisse créa des compositions avec des papiers gouachés, découpés et collés et réalisa pendant quatre années la chapelle des Dominicaines de Vence.
Intérieur de la chapelle des Dominicaines à Vence
Matisse et le Nord de la France, son pays natal, 1869-1903
Cette première salle est consacrée à l’évocation des premières années dans le nord. Elle présente notamment les cahiers d’échantillons de tissus faits à Bohain pendant l’enfance du peintre et des peintures réalisées en 1902-1903 quand il revient à Bohain et Lesquielles-Saint-Germain passer une des périodes les plus noires de sa vie.
Jardins du Luxembourg Nature morte à la chocolatière
Matisse élève de Gustave Moreau, 1892 à 1897
Élève de Gustave Moreau, Matisse connut une longue période de formation marquée par l’influence de son maître à travers Bouquet de marguerites, 1895 et des copies faites au Louvre La Raie d'après Chardin (donné par Matisse), le Buffet d’après Chardin (dépôt du FNAC). Il sculpte Jaguar dévorant un lièvre en 1899, puis Le Serf en 1900 et Madeleine II en 1903 marquée par l'œuvre de Rodin. Il peint en 1898, après un séjour en Corse, Première nature morte orange (dépôt du MNAM), et sent se développer en lui la passion de la couleur.
La Raie Le Buffet Première nature morte Oranges
Première nature morte Oranges
1905-1914, la période fauve, la révélation de la lumière dans la nature
Saint-Tropez (1904) Les toits de Colioure (1905) Vue de Colioure (1905)
Auprès de Signac, Matisse, à Saint-Tropez en 1904, s’initie au divisionnisme. Il construit sa peinture avec des juxtapositions de points de couleurs pour créer des mélanges optiques tout en supprimant les ombres et les couleurs dominantes. Il en conçoit les limites qu’il dépasse, en compagnie de Derain, pendant l’été 1905 à Collioure et peint en toute liberté ses peintures avec de la couleur pure.
Rue du Soleil à Collioure, peinte en 1905, est une de ses peintures fauves dans laquelle éclate la couleur libérée de toute contrainte de dessin et de réalisme.
Rue du Soleil à Colioure (1905)
Le Portrait de Marguerite de 1906 est marqué par l’art nègre que Matisse découvre et dont il utilise la valeur expressive. Une peinture importante de 1914, Marguerite au chapeau de cuir peinte dans des lavis de bleus transparents et lumineux vient d’enrichir la collection.
Portrait de Marguerite (1906) Marguerite au chapeau de cuir (1914)
Deux grands panneaux de fleurs, peints au Maroc en 1912, sont emprunts d’une forte charge poétique : Coquelicots et Iris I et II.
Coquelicots (1912) Iris (1912)
Au milieu des peintures sont exposées cinq petites têtes sculptées.
1918-1939, Nice, la volupté des noirs, Tahiti la lumière des tropiques
Matisse quitte Paris pour Nice en décembre 1917. Ses thèmes favoris seront essentiellement la femme souvent vêtue à l’orientale. Il retrouve le plaisir de traduire le rendu des tissus avec les couleurs de la palette. Pour faire jouer les nus autour de l’arabesque et utiliser le noir comme couleur de lumière, il dessine des centaines de gravures.
Le Musée présente un Autoportrait peint en 1918 dès l’arrivée du peintre à Nice. Matisse exalte la femme qu’il peint dans un décor luxuriant et reprend la sculpture en contrepoint de la gravure qui occupe l’essentiel de son temps. Il sculpte Grand nu assis pendant cinq années et une série de têtes de son modèle préféré Henriette.
Autoportrait d'Henri Matisse (1918)
Un voyage à Tahiti en 1930 lui fait découvrir la lumière dorée de l’autre hémisphère. A son retour, il peint Fenêtre à Tahiti, une gouache monumentale de 1936 qui annonce, par ses couleurs pures, les gouaches découpées.
Fenêtre à Tahiti (1936)
Les années 40, l'accord du dessin et de la couleur
Les années 40 seront celles de la plénitude, celles qui verront s'accorder le dessin et la couleur. Le peintre se réfugie à Vence à partir de 1943 et y passe une période particulièrement florissante de dessins et de peintures. Il peint la femme dans plusieurs séries d’intérieurs, mais aussi des fleurs et des plantes luxuriantes, et le dessin est l’expression la plus pure de son émotion. Des gravures illustrent ses poètes préférés tels que Ronsard, Charles d’Orléans ou Baudelaire. Le musée possède quelques peintures particulièrement célèbres. Intérieur aux barres de soleil, achevée en 1942, est la lumière dans un intérieur, la multiplication des espaces, la couleur qui devient dessin, le rendu de l’émotion par l’expression. Deux jeunes filles, robe écossaise, robe jaune, 1942, a le même épanouissement qu’un Primitif flamand, Nu rose, intérieur rouge, 1947, mêle la somptuosité du rouge au rose à peine marqué du nu.
Femme à la gandoura bleue, 1951, dernière peinture de l’artiste, est une symphonie de couleurs orchestrée dans une magistrale liberté gestuelle.
Femme à la gandoura bleue (1951)
Le tailleur de lumière
Pendant les dix dernières années de sa vie, Matisse réalise la synthèse de son œuvre dans la création de la Chapelle de Vence et dans de monumentales gouaches découpées. Le procédé des gouaches découpées est simple : Matisse fait couvrir de gouache dans une quinzaine de couleurs, de larges feuilles de papier. De grands ciseaux lui servent alors à révéler les formes, réunissant dans un seul geste la couleur et le dessin.
Le Musée expose Vigne, papier gouaché et découpé « à vif dans la couleur » de 1953, maquette d’un vitrail, et les deux panneaux : Océanie, le ciel, Océanie, la mer donnés par les descendants du peintre. Ces formes blanches sur fond beige sont les premières réalisations monumentales faites avec la technique des gouaches découpées et sont nées en 1946 des souvenirs du voyage de Matisse à Tahiti.
Les bas-reliefs : nus de dos
Le Musée expose les plâtres originaux des quatre bas-reliefs sculptés sur le thème de la femme nue de dos et travaillés de 1909 à 1930 par l’artiste.
Quatre étapes, 1909, 1913, 1916-17 et 1930-31 aboutissent à l'un des sommets de la sculpture de Matisse, à l'équivalent en volume des grandes réalisations en deux dimensions que sont la Danse de Chtchoukine et celle de la Fondation Barnes. Le passage du figuratif au monumental se construit en quatre phases qui se développent crescendo. Le Dos I (à gauche sur la photo) est proche de l’anatomie du modèle, le 2ème état supprime le descriptif, le 3ème, taillé avec violence, s’oppose au dernier état (à droite sur le photo) puissant et apaisé que Matisse conservera dans son atelier.
Le cabinet des dessins
Le Musée expose le seul ensemble de dessins et de gravures non seulement choisi par Matisse mais aussi disposé selon ses indications. C’est aussi une des salles les plus impressionnantes du Musée.
Le plafond restauré, révélé au public
En 1950, le peintre reçoit la visite de ses trois petits-enfants, Gérard, Jacqueline et Claude. Devant eux, il dessine au plafond de son atelier leurs trois portraits avec un bâton de 2 m de long.
Le plafond a été offert au Musée par les descendants de Pierre Matisse.
« Ce sont mes petits-enfants. J'essaie de me les représenter et quand j'y parviens, je me sens mieux. Aussi, je les ai dessinés au plafond pour les avoir sous les yeux, surtout pendant la nuit. Ainsi, je me sens moins seul. ».
La chapelle de Vence : le chef-d’œuvre de toute une vie
Conçue et édifiée dans le moindre détail par le maître du fauvisme Henri Matisse, cette minuscule chapelle est d'abord un lieu de recueillement magnifiquement réussi. Au départ, la chapelle Matisse fut mal reçue car cet édifice fut une révolution, et ce modernisme était difficile à faire admettre. La chapelle attire aujourd'hui 70 000 visiteurs par an et, pour une très large majorité, c'est l'éblouissement.
Maquette de la chapelle de Vence
De 1948 à 1951, Matisse réalise, à la fin de sa vie, une chapelle à Vence pour les Sœurs Dominicaines. Elle est le point d’aboutissement de sa création. « Cette chapelle est pour moi l'aboutissement de toute une vie de travail et la floraison d’un effort énorme, sincère et difficile », conclut-il en 1951. « Je voudrais que tous ceux qui y entreront se sentent déchargés de leurs fardeaux. J’ai créé un espace religieux ». Le Musée expose des études monumentales pour cette œuvre majeure dont un dessin pour la Tête de Saint Dominique, le dessin définitif pour le tondo de la façade, La Vierge à l'enfant, deux maquettes en papier gouaché et découpé pour la chasuble noire et la première maquette pour la chasuble blanche. Le centre de la pièce est dominé par le mince crucifix.
Projet de tondo pour la façade : La Vierge à l'enfant
N.B. : Le tondo est un profil, généralement sculpté en faible relief, mais qui peut aussi être peint, réalisé sur un support de format rond ou à l'intérieur d'un disque.
FIN de la visite au Musée départemental Matisse au Cateau Cambrésis
Nous avons apprécié le calme de cette agréable visite au Musée départemental Matisse. Le musée offre à chaque visiteur un lieu de rencontre avec les œuvres, un espace de poésie, de ressourcement et d’aventure culturelle et propose des expositions temporaires d’art moderne et contemporain autour de ses collections. Selon le désir de Matisse qui disait « Je m’emploie à créer un art intelligible à tous, quelle que soit sa culture », le musée est un véritable outil de développement culturel. Le cadre est très agréable et les œuvres exposées superbes. Leur accrochage était bien pensé, clair. C'est un musée où nous avons aimé flâner et découvrir de très belles peintures, très bien présentées. Les œuvres exposées en permanence dans la Galerie Matisse retracent l'évolution de cet artiste, de sa ville natale à ses dernières productions. La taille relativement restreinte du musée ne permet pas une exposition trop importante, mais le choix des œuvres exposées et les conditions de visite sont de qualité. La collection Tériade (éditeur) est également très intéressante et propose notamment quelques œuvres de Picasso et de Chagall...). Le personnel du musée est d'une grande gentillesse, très accueillant et très serviable.
A. B.